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Berlinale 2011 – Film du jour: Lo Roim Alaich (Invisible) – Panorama

Lo Roim Alaich : Lily (Ronit Elkabetz) et Nira (Evgenia Dodina)

Des années après avoir été violées par le même violeur en série, deux femmes se rencontrent par hasard. Nira est mère célibataire et travaille pour la télévision, Lily est une militante engagée auprès des Palestiniens. En reconnaissant Nira lors d’un reportage sur l’empêchement par l’armée israélienne de la cueillette des olives par les Palestiniens, Lily se remémore son passé et cherche à le relier à son présent et à la personne qu’elle est devenue. Le « violeur courtois », comme l’avait surnommé la presse devient son obsession. Lily de son côté tente de refouler ce souvenir sans se rendre compte qu’il envahit toute son existence. Elle résiste aux tentatives de Nira de l’associer à sa quête jusqu’à ce que son monde s’écroule et sa relation à sa famille se disloque. Elle entreprend elle aussi d’affronter sa peur, ses questions sans réponses, cette blessure qui ne s’est jamais cicatrisée.

Le film de Michal Aviad est une combinaison de fiction et de faits réels : les protagonistes du film, leur contexte familial et social sont totalement fictionnels mais le violeur en série dont le film parle est parfaitement réel. Il a violé en 1977-1978 dans la région de Tel Aviv 16 femmes et jeunes filles. Des reportages télévisés et des déclarations de victimes de l’époque sont inclus dans la fiction, tout comme sont incluses des images tournées par des militants des droits humains et des activistes dans les séquences tournées par la réalisatrice sur les scènes de confrontation entre les soldats israéliens et les Palestiniens. Ce film ne présente pas le violeur en série comme une métaphore de la violence faite à ce peuple, néanmoins il éclaire à travers deux individus les effets traumatisants de l’impuissance et de l’humiliation que sont la violence, la pénétration et l’invasion. Le choix des actrices est à cet égard primordial : Ronit Elkabetz et Evgenia Dodina portent le film avec une intensité intérieure extraordinaire. Elles n’inspirent jamais la pitié mais plutôt le respect. Ce sont des femmes fortes mais pas des héroïnes, elles ont leurs défauts comme tout un chacun, et cette approche non idéalisée des protagonistes participe la crédibilité du film et à la dignité des personnages.
La singularité de Lo Roim Alaich est celle de présenter un autre aspect du viol, celui du traumatisme durable qu’il engendre par le silence qui l’entoure, par les blessures invisibles qu’il engendre, par les effets qu’il a sur les entourages des victimes, avec parfois des effets également invisibles, des non-dits transmis inconsciemment aux enfants, par exemple. La peur qui relie ces deux femmes leur permet de faire face à leur passé pour reprendre le chemin de leur vie.

Malik Berkati, Berlin

Lo Roim Alaich (Invisible), de Michal Aviad; avec Ronit Elkabetz, Evgenia Dodina, Mederic Ory, Gil Frank, Sivan Levy; Israël ; 2010 ; 89 min.

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Malik Berkati

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