a-ha: The Movie, de Thomas Robsahm et d’Aslaug Holm, propose une odyssée au cœur des révélations du plus grand groupe norvégien de tous les temps
Présenté en avant-première au Festival du Film de Tribeca en juin, au Filmfest München en juillet et au Festival international du film norvégien de Haugesund en août 2021, a-ha The Movie, consacré au mythique groupe norvégien, sort sur les écrans romands ce 6 octobre. On y découvre notamment l’histoire de leur tube Take On Me, entre autres.
Le tandem de cinéastes norvégiens Thomas Robsahm et Aslaug Holm ont relevé le remarquable défi de partir à la rencontre des membres du groupe a-ha, une tâche ardue et complexe qui leur a pris quatre ans et qui retrace la carrière de près de quarante ans des trois icônes norvégiennes.
Pour ce documentaire accrocheur et captivant, Thomas Robsahm et d’Aslaug Holm ont rencontré Magne Furuholmen, Morten Harket et Pål Waaktaar-Savoy dont les confidences et les anecdotes ponctuent les archives de clips et de concerts, apportant des légendes riches en précieuses informations aux chansons qui ont fait la célébrité du groupe, décrivant le chemin du groupe vers le succès. Révélant les facettes insoupçonnées de trois personnalités fortes, obstinées et qui prennent souvent des directions différentes, a-ha The Movie met en relief l’émulation créatrice et la magie musicale qui exulte malgré les divergences de points de vue. Au-delà des fans inconditionnels du groupe, le public ne connaît que peu d’éléments sur le groupe. Le duo de cinéastes a réussi une approche intime, distillant des confidences honnêtes et sincères, suscitant auprès du public l’envie d’approfondir sa connaissance du groupe. Au fil du documentaire, les membres du groupe se révèlent comme on les a quasiment jamais vus ni entendus parler d’eux-mêmes.
Si le succès d’a-ha, Take on me, demeure l’une des chansons les plus jouées du dernier millénaire depuis que leur 45 tours est devenu un tube planétaire en 1985, il sert de fil conducteur à ce documentaire qui retrace l’incroyable épopée de ces trois jeunes hommes qui ont pu réaliser leurs rêves d’adolescents. Près de trente-cinq ans après leur ascension, a-ha crée toujours de la magie sur scène avec sa musique mélancolique et intemporelle, une magie qu’ils essaiment à travers le monde quand ils en font le tour mais le documentaire de Thomas Robsahm et d’Aslaug Holm révèle que le trio n’est pas aussi uni à la vie qu’à la scène : en effet, les membres du groupe conduisent dans des voitures séparées et restent séparés dans les coulisses. Ils ne se rencontrent que sur scène en faisant la seule chose qu’ils aiment : la musique !
Leur plus célèbre chanson, Take on me et le mémorable riff (en musique de jazz et de rock, court fragment mélodique de deux ou quatre mesures, répété rythmiquement pour accompagner une ligne mélodique ; N.D.A.) de synthétiseur, a été composé par Magne Furuholmen à l’âge de quinze ans et a connu un premier enregistrement complètement différent, inspirée par le style pop de Ray Manzarek des Doors. Ainsi, le documentaire de Thomas Robsahm et d’Aslaug Holm surprend le public en leur faisant découvrir les nombreuses versions, des versions qui n’ont connu aucun succès. Au fil des confidences de chaque membre du groupe, les spectateurs perçoivent les importantes tensions que le groupe a mises de côté le temps de créer et de se produire. a-ha The Movie révèle la surprenante dynamique créative de chacun des membres et leur émulation en trio. Conscients de leurs divergences et de leurs dissensions, Magne Furuholmen, Morten Harket et Pål Waaktaar-Savoy se confient, face caméra mais séparément, sans langue de bois sur leurs conflits internes, bien vivaces, mais qui n’ont jamais entaché leur créativité.
L’architecture du film suit une narration chronologique qui superpose la description de la genèse du groupe, de leur succès subit, de la célébrité, mentionnant avec clairvoyance quelques erreurs qu’ils ont commises avec la vie au sein et hors du groupe. Si ses deux acolytes s’expriment en norvégien, Pål Waaktaar-Savoy ne parle qu’en anglais … Peut-être une autre divergence ? Peu importe la langue choisie pour confier la réalité de leurs relations en coulisses, les trois artistes posent un regard éclairé, lucide, intelligent et posé sur leur histoire ensemble : Magne Furuholmen laisse transparaître son ressentiment face aux anciens droits d’auteur, Pål Waaktaar-Savoy fait allusion à des situations houleuses en studio et Morten Harket confie que son rôle de leader du groupe été un joug pour lui. Quelques regrets en filigrane peut-être …
Thomas Robsahm et Aslaug Holm, qui signe aussi la photographie, ont su gagner la confiance de chaque membre du groupe qui exprime combien cela leur a coûté de rester ensemble pendant tant d’années: une réalité que les fans n’auraient sans doute pas imaginé sans ce documentaire ! Un protagoniste à part entière qu’il ne faut pas oublier de mentionner vu qu’il est le socle fondateur, et surtout unificateur, de ces trois personnalités si éloignées est la musique ! Des anecdotes sur l’évolution de Take on me, de ses prémices à son succès en 1985, resté intact, à la nouvelle direction musicale avec Scoundrel Days (1986), agrémenté d’images originales de l’enregistrement de I’ll Be Losing You, la musique joue un rôle prépondérant.
Malgré les désaccords sur les changements de style sur les deux albums suivants, Stay On These Roads (1988) et East of the Sun, West of the Moon (1990), malgré la menace récurrente de séparation qui a failli se concrétiser après Memorial Beach (1993) alors que Magne Furuholmen reproche à Pål Waaktaar-Savoy de prendre trop de place et de faire ombrage à ses comparses. La caméra de Thomas Robsahm et d’Aslaug Holm nous permet d’accéder à des moments privilégiés, rarement rendus publiques, telle cette répétition avant un concert de MTV Unplugged en 2017, un instant saisi unique qui témoigne des compromis qu’il faut parfois concéder pour assurer le fonctionnement du groupe.
a-ha The Movie a réussi la gageure de condenser en une heure quarante-neuf minutes l’histoire du plus grand groupe norvégien de pop, livrant les annales de souvenirs, par essence subjectifs, de querelles, de concessions, d’abnégation personnelle au service de la pérennité du trio, de rêves d’adolescents transformés en ambitions communes, d’amitié brisée et de rancœur. Longtemps catalogué de manière arbitraire de « one-hit wonder », a-ha a osé se remettre en question, tant musicalement qu’humainement, tout au long de leur carrière qui se poursuit depuis bientôt quatre décennies.
Peut-être est-ce là le secret de leur pérennité artistique ?
Firouz E. Pillet
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