Berlinale 2015 – Compétition jour #4: Un Bouton de perle chilien achève Knight of Cups de Malick
Et donc, j’avais tort: le film de midi de ce 4e jour n’as pas fait exception aux 3 premiers jours; LE Terrence Malick que tout le monde attendait a bel et bien été – et de très loin, le plus mauvais film du jour!
Mr. Holmes
Présenté dans la section compétition, mais en réalité hors compétition car ne faisant pas sa Première lors du festival, cette libre adaptation du roman de l’auteur étasunien Mitch Cullin A Slight Trick of the Mind (Les Abeilles de monsieur Holmes) nous entraîne dans l’ultime défi que se lance Sherlock Holmes au crépuscule de sa vie : écrire selon la réalité des faits l’histoire de sa dernière enquête remontant à 30 ans et que son ami Watson avait romancée.
À présent, Sherlock Holmes (Ian McKellen) vit retiré dans sa propriété du Sussex, s’occupe de ses abeilles avec une gouvernante (Laura Linney) et son fils, Roger (Milo Parker, très jeune acteur très prometteur et aussi vif dans la vie que dans le film). Le vieux détective cynique et distant de tout prochain commence à développer une relation intellectuelle mais également émotionnelle avec le jeune garçon qu’il initie à l’apiculture. Sherlock Holmes doit faire face à deux démons : sa mémoire qui lui échappe et son passé qu’il veut remonter pour pouvoir le coucher sur le papier et laisser à la postérité une image factuelle de ce qu’il a été et ce qu’il a fait.
Cette fable poétique aborde avec délicatesse le sujet de l’âge et la mémoire, du sentiment de culpabilité, de la possibilité de faire la paix avec soi-même, mais traite aussi avec humour des interactions entre réalité et légende.
La sacro-sainte règle d’or de Sherlock Holmes, la logique, n’est pas forcément la clef à tous les événements qui parsèment une vie, même le détective le plus célèbre au monde devrait peut-être en convenir…
De Bill Condon; avec Sir Ian McKellen, Laura Linney, Milo Parker, Hiroyuki Sanada, Hattie Morahan; Royaume-Uni; 2014; 103 minutes.
Knight of Cups
Avec ses 1754 places, le Berlinale Palast compte parmi les théâtres les plus grands d’Allemagne. C’est également le cœur névralgique du Festival du film.Trois-quart d’heure avant le début de la vision réservée à la presse et, lorsqu’il reste de la place, aux autres accrédités du festival, une cohue indescriptible pour entrer dans la salle et un quart avant le début de la projection plus une place de libre. C’est dire si le dernier long-métrage de Terrence Malick était attendu ! La déception était donc quasiment programmée. Mais ce n’est pas la déception qui a prévalu pendant et après le film – pour ceux qui ne sont pas sortis ou ne se sont pas endormis. C’est un sentiment de complète foutaise dans un écrin de magnificence visuelle, d’une sorte de bouillon métaphysico-poético-mystique de discounter, d’onanisme cinématographique…
Oui c’est une expérience visuelle. Mais encore ? D’histoire, il n’y en a point. Christian Bayle lui-même ne la connaît pas : « Terrence ne nous raconte pas l’histoire, on ne sait pas ce qui le pousse à ce voyage dans lequel il revisite sa vie, mais il a c’est sûr une raison [sic!], et on ne sait pas non plus à la fin comment sa vie va continuer. » Mais le pire n’est pas là, des films sans réelle histoire ne manquent pas au cinéma, rien de rédhibitoire en soi. Non, le point culminant du foutage de gueule sont les platitudes murmurées par les voix-off (comme si le fait de parler sur les images en voix-off dans un souffle inspiré allait donner de l’épaisseur aux propos) sur la vie, les sources de la vie, le sens de la vie, etc. etc.
Les fans de Malick crient bien entendu au génie, ceux qui expriment un avis opposé étant considérés par les premiers comme des rustres qui n’aiment pas les « films sophistiqués », ne comprennent pas la beauté intrinsèque de l’univers mystérieux du réalisateur. Admettons. La moindre des choses est tout de même d’avertir les spectateurs éventuels qu’ils risquent d’y mourir d’ennui…
De Terrence Malick ; avec Christian Bale, Cate Blanchett, Natalie Portman ; États-Unis ; 2014 ; 118 min.
El botón de nácar (The Pearl Button)
Mais ce qui achève totalement le film de Malick, c’est la comparaison directe avec le dernier film en compétition de la journée, un essai-documentaire chilien absolument magnifique, dans la narration comme dans la cinématographie. Le sujet de Patricio Guzmán est également l’origine de la vie, comme pour Terrence Malick, l’eau y joue une importance cruciale, mais la comparaison s’arrête là. En seulement 82 minutes, le réalisateur chilien nous entraîne avec une fluidité époustouflante dans le cosmos d’où provient la première goutte d’eau qui a permis à la vie de se développer sur terre, sur les traces des peuples premiers de Patagonie, nous raconte l’histoire de Jemmy Button qui a marqué le début de la destruction du monde des peuples premiers et de l’extermination des indiens de Patagonie, pour arriver aux années noires de la dictature chilienne et de ses horreurs. Le réalisateur aborde des sujets difficiles, profonds, émaillés de philosophie, d’astronomie, d’histoire politico-économique et de civilisations, mais jamais de façon compliquée : telles les gouttes qui forment l’eau qui coule, les événements sont liés les uns aux autres et forment le cours de l’histoire du monde et des hommes.
Le film guatémaltèque Ixcanul, partait du particulier pour aller à l’universel, Le bouton de nacre chilien part du cosmos pour s’arrêter sur les visages des 20 derniers descendants directs et locuteurs kawéskar et yagán afin de les fixer et immortaliser dans l’histoire de l’humanité. Comme le résume Patricio Guzmán : « Certains disent que l’eau a une mémoire. Ce film montre qu’elle a aussi une voix. »
Et ici encore d’extraordinaires paysages magnifiés par la caméra – bon courage au jury pour l’attribution cette année de l’Ours de la meilleure cinématographie !
De Patricio Guzmán, Chili/Espagne/France, 2015, 82 minutes.
Malik Berkati, Berlin
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