Cannes 2021 Une jeune fille qui va bien, premier long métrage de Sandrine Kiberlain, présenté en compétition à la Semaine de la critique offre un fin portrait d’une jeune fille juive pendant l’occupation
Cette année, Sandrine Kiberlain suit les traces de sa fille, Suzanne Lindon, qui vient de réaliser son premier long métrage, Seize printemps. Comédienne accomplie, elle passe derrière la caméra et revient à Cannes avec la casquette de réalisatrice, autrice d’un premier long métrage, Une jeune fille qui va bien, présenté en compétition à la Semaine de la critique.
La salle de l’Espace Miramar, dédiée à la Semaine de la critique du Festival de Cannes, recevait le 8 juillet 2021 l’équipe du film Une jeune fille qui va bien. Devant le public qui l’attendait avec impatience Sandrine Kiberlain est apparue émue en annonçant
« Je me suis longtemps cachée derrière des personnages, mais j’ai toujours eu envie de raconter une histoire. J’avais une histoire vitale à raconter. »
Paris, été 1942 Irène (Rebecca Merder, de la Comédie française) est une jeune fille juive pétillante de dix-neuf ans. Sa famille la regarde découvrir le monde avec bienveillance et l’entoure d’un amour inconditionnel. Son père, André (André Marcon) est à la fois aimant, à l’écoute et soucieux de l’avenir de ses deux enfants, Irène et Igor (Anthony Bajon) alors que les mesures prises par le gouvernement de Vichy à l’encontre des familles juives deviennent de plus en plus marquées. La grand-mère, Marceline (Françosie Midhoff) écoute les confidences de ses petits-enfants, les conseille et les rassure.
Emplie d’une énergie débordante, distillant un enthousiasme communicatif, Irène partage sa vie entre ses amis, dont Viviane, sa confidente et partenaire au théâtre, un soupirant, Gilbert (Jean Chevalier), un nouvel amour, Jacques (Cyril Metzger), un assistant chez un ophtalmologue auquel elle fait croire qu’elle n’arrive pas à lire les lettres sur le tableau, afin de se faire prescrire une paire de lunettes, histoire de pouvoir ainsi le revoir. Apprentie comédienne, passionnée et joyeuse, Irène répète L’Épreuve de Marivaux pour préparer un concours d’entrée au conservatoire.
Dans un récit au rythme fluide et des scènes qui se succèdent avec délicatesse, Sandrine Kiberlain construit au fil des journées d’Irène, un décor, un contexte et les divers éléments qui remplissent la vie de sa protagoniste.
Irène, amoureuse de la vie en général et bientôt de Jacques, vit avec insouciance les répétitions avec sa troupe d’amis, les sortis au café du coin, les conservations passionnées et les franches rigolades, et même les sorties à vélo à la campagne – puisque Jacques en a trouvé un pour elle qu’il cache précieusement chez lui comme les vélos sont confisqués aux Juifs. Irène en oubli l’heure de rentrée et découche, « ne voyant pas le temps passer » dans les bras de Jacques, au grand dam de son père qui l’attend, inquiet non pas à cause de l’âge d’Irène mais à cause du contexte de plus en plus hostile aux Juifs. Irène lui rétorque « Comment voulais-tu que je t’avertisse puisqu’ils nous ont même pris le téléphone ». Bien que nous soyons en 1942 à Paris, Irène croque la vie à pleines dents, vit pleinement sa vie de jeune fille et ne voit pas l’horreur qui s’abat peu à peu sur eux.
Sandrine Kiberlain réussit à brosser un magnifique portait, avec finesse et sensibilité et justesse d’une jeune fille de 1942 dont les préoccupations sont celles de toute jeune fille de dix-neuf ans, et non celles du spectre de la menace qui plane et qui se fait de plus en plus vivace. Rebecca Marder, qui porte le film sur ses épaules sa présence dans toutes les scènes, tel un fil conducteur qui fédère et unit les personnes autour d’elle, incarne avec brio cette jeune fille juive, gracile, enthousiaste, à la fois enfant et femme, au regard innocent et aux attitudes de séductrice comme quand Igor demande à sa sœur comment sa petite amie, Heloïse, aguiche et si Irène sait en faire autant. Mais, du jour au lendemain, Héloïse ne viendra plus leurs rendez-vous amoureux … Igor, effondré, a compris « C’est parce que je suis juif ! ». Irène vit l’instant présent jeune sans se soucier du monde qui l’entoure mais elle ne sait pas que le temps peut être compté, un état d’esprit magnifiquement rendu par l’écriture de Sandrine Kiberlain et le jeu parfait de Rebecca Marder.
Irène suit des cours de théâtre lors desquels le professeur leur confie
« Le trac peut être salvateur, c’est comme une bête qui s’ébroue en sortant de la rivière pour trouver le plaisir. Le trac, c’est la vie ! »
Malheureusement, le contexte change de plus en plus … Malgré cela les petits rites instaurés entre le père d’Irene et sa fille se poursuivent; ils sont assis sur un banc public où ils ont l’habitude de se retrouver pour converser et échanger. Le père confie à sa fille »Madame K. a été arrêtée hier … Je crois bien que c’est parce qu’elle est juive polonaise. Nous, c’est différent parce qu’on est nés français. Il faut juste faire certaines choses dans les règles. »
Paris, été 1942 Irène (Rebecca Merder, de la Comédie française) est une jeune fille juive pétillante de dix-neuf ans. Sa famille la regarde découvrir le monde avec bienveillance et l’entoure d’un amour inconditionnel. Son père, André (André Marcon) est à la fois aimant, à l’écoute et soucieux de l’avenir de ses deux enfants, Irène et Igor (Anthony Bajon) alors que les mesures prises par le gouvernement de Vichy à l’encontre des familles juives deviennent de plus en plus marquées. La grand-mère, Marceline (Françosie Midhoff) écoute les confidences de ses petits-enfants, les conseille et les rassure.
Paris, été 1942 Irène (Rebecca Merder, de la Comédie française) est une jeune fille juive pétillante de dix-neuf ans. Sa famille la regarde découvrir le monde avec bienveillance et l’entoure d’un amour inconditionnel. Son père, André (André Marcon) est à la fois aimant, à l’écoute et soucieux de l’avenir de ses deux enfants, Irène et Igor (Anthony Bajon) alors que les mesures prises par le gouvernement de Vichy à l’encontre des familles juives deviennent de plus en plus marquées. La grand-mère, Marceline (Françosie Midhoff) écoute les confidences de ses petits-enfants, les conseille et les rassure.
Quelque temps plus tard, André, le père, apprend que le conservatoire refuse tout élève qui est juif. Face à cette nouvelle injustice, il tente d’obtenir que ce soit apposée l’inscription « demi-juive » sur les papiers de sa fille, sans succès. Il est contraint d’en informer Irène
« Ce n’est pas à la mode d’être juif actuellement, je n’y peux rien. »
Mais, alors que la voisine, Josiane (Florence Viala), qui semble avoir un sérieux faible pour André, est invitée à partager le repas de Shabbat, la famille explique à Josiane quand commence le pas avec la pomme et le miel « pour la douceur ». Josiane, certainement inconsciente de ce qui se trame dans la société en cette sinistre période, s’enfonce dans une justification qui obtient l’effet contraire à celui escompté « J’aime bien les cultures différentes, cela fait voyager. J’aime bien les Juifs … Enfin, je n’ai rien contre eux. » Silence assourdissant à table !
Au fil des scènes, les spectatrices et les spectateurs comprennent l’implacable machine qui s’est mis en place alors que Marceline, sur un fond sonore de musique yiddish, coud les coupons cachés dans un mouchoir puis se met à empaqueter divers effets. La grand-mère constate « Il vont nous prendre tout ce qui nous relie à l’extérieur la radio, les vélos. »
D’une beauté picturale et renversante, Sandrine Kiberlain réussit son passage derrière la caméra en créant cet hymne fervent la vie, à la jeunesse emplie de rêves et d’idéaux, à sa fougue et à son insouciance, l’amour familiale, filiale, à l’amitié et à la passion du théâtre. Un message fort qui semble faire le pied-de-nez à la terrible menacerai rôde tout au long de l’histoire.
Firouz E. Pillet, Cannes
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