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Cannes 2023 : Asteroid City, de Wes Anderson, en compétition, entraîne le public en plein désert aux côtés d’une pluie de stars

En 2021, The French Dispatch avait ravi la majorité des critiques et les quelques téméraires qui osaient affirmer le contraire passaient pour des goujats. Il y a toujours eu une méthode, empreinte de douce folie, de Wes Anderson, qui plaît ou déplaît, sans juste milieu. Mais il est certain que le cinéaste s’est déjà taillé une place toute particulière dans l’histoire du septième art. Pour Asteroid City, en lice pour la Palme, Wes Anderson réunit une distribution exceptionnelle dans un film à l’histoire insolite placée dans un décor coloré comme des pop-up colorés des années cinquante et soixante.

— Jake Ryan et Tom Hanks – Asteroid City
Image courtoisie Pop. 87 Productions/Focus Features

Wes Anderson a habitué le public aux scénarios décousus dans des mises en scène tirées à quatre épingles et stylisées. Ici, les fenêtres qui s’ouvrent – en référence aux pop-up – sont les divers actes d’un récit qui entraîne les sectateurs en 1955, à Asteroid City, une ville minuscule en plein désert dont les maisons et les bâtisses semblent être faites en carton. Asteroid City se trouve dans le sud-ouest des États-Unis et est surtout célèbre pour son gigantesque cratère de météorite et son observatoire astronomique à proximité de la ville. Cette fin de semaine, les militaires et les astronomes accueillent cinq enfants surdoués, distingués pour leurs créations scientifiques, afin qu’ils présentent leurs inventions. À quelques kilomètres de là, au-delà les collines rocailleuses, on aperçoit des champignons atomiques provoqués par des essais nucléaires, des champignons qui ont l’air à la fois si éloignés et si proches des habitants.
Quand arrive un vaisseau spatial avec un extraterrestre qui subtilise les restes du météore antédiluvien, tous les habitants, qui se préparaient à cette rencontre de manière pacifique, sont mis en quarantaine. Quand l’extra-terrestre filiforme descend de sa soucoupe, les images en noir et blanc sont réalisées dans un magnifique film Kodak grand écran carré par le directeur de la photographie, Robert Yeoman.

Asteroid City constitue un joyeux patchwork dans lequel Wes Anderson mêle avec brio la paranoïa de la guerre froide et les valeurs familiales américaines dans toute leur splendeur, souvent de façade. Sous couvert d’une fantaisie, Wes Anderson ose pointer les travers de la société nord-américaine. Il recourt à une mise en images sophistiquée, chatoyante et aux couleurs bigarrées, répandant une agréable nostalgie, l’Amérique des années cinquante. Délicieusement décalé, ce film entraîne le public dans cet univers qui s’apparente à un club de vacances et qui se savoure tel un délicieux cornet de glace crémeuse. D’ailleurs, certains éléments des décors rappellent les tableaux de Wayne Thiebaud !

N’en déplaise à certains critiques, Asteroid City est sans aucun doute le meilleur d’Anderson depuis le Grand Budapest Hotel (2014). Servi par une exceptionnelle distribution – qui serait trop longue à vous énumérer mais que vous aurait la joie de reconnaître à chaque apparition des actrices et des acteurs à l’écran – Asteroid City offre une agréable moment d’évasion et de distraction.

Visuellement, l’esthétique et l’apparence de la ville sont peaufinées et irréprochables. Asteroid City contient tous les ingrédients qui font la marque de fabrique de Wes Anderson : de lents panoramiques, un cadrage délibérément travaillé, des dialogues savants et érudits et un narrateur-amateur de télévision pour entamer le récit.

Malgré les avancées de l’intelligente artificielle et ses dérives qui inquiètent Tom Hanks (selon ses dires sur la Croisette), Wes Anderson confirme qu’il reste inimitable, même par une IA, en concourant avec un film coloré, réjouissant, éblouissant, magnifiquement interprété et subtilement réalisé.

Firouz E. Pillet, Cannes

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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