Cannes 2024 : Parthenope, de Paolo Sorrentino et Grand Tour, de Michel Gomes entraînent le public dans des circonvolutions lassantes et inutiles
Le cinéaste italien Paolo Sorrentino a présenté sur la Croisette son dixième film alors que son homologue portugais s’était fait remarquer en 2015 avec Les Mille et une Nuits – Volume 3, L’Enchanté sélectionné à la Quinzaine des cinéastes. Le premier questionne l’usure du temps sur la beauté alors que le second suspend le temps pour suivre une histoire d’amour.
En 1950, une petite fille voit le jour dans la mer, au pied du palais familial. On la prénomme Parthenope, comme la sirène grecque, dont la légende est intimement liée à la ville de Naples. Dans sa chambre, un carrosse l’attend, rapporté de Versailles par son parrain pour lui servir de lit.
Parthénope devient une belle jeune fille (Celeste Dalla Porta), qui attise le désir de tous, y compris celui de son frère aîné Raimondo. Sandrino, l’ami d’enfance, est depuis toujours follement épris de Parthénope, qui se laisse aimer, lui offrant un moment de répit de ce frère que tout le monde estime fragile. Mais, comme dans tout récit mythologique, un drame surviendra.
Paolo Sorrentino nous sert la vie de Parthénope de sa naissance à nos jours, plongeant le public dans une épopée féminine faite d’histoires d’amour en suivant cette jeunesse insouciante à Capri. Autour de Parthenope, on suit les Napolitain.e.s dans leurs dérives mélancoliques et parfois dans des moments de découragement, mémorables ou ordinaires. Le temps qui passe offre une palette de sentiments mais c’est surtout aux traces du temps sur la beauté que Sorrentino s’intéresse.
Celeste Dalla Porta est la révélation du film qu’elle porte du début à la fin. Effectivement, la jeune actrice qui incarne la protagoniste est d’une beauté sculpturale, à l’image de son personnage, et le réalisateur napolitain passe deux heures et seize minutes à nous le démontrer tout en rendant hommage à sa ville natale.
À l’instar de son dernier film, La Mano di Dio (La Main de Dieu, 2021), Paolo Sorrentino poursuit ses déclarations d’amour à la ville portuaire, filmant la baie de Naples, ses ruelles étroites où les habitants font une procession, ses églises. On dirait qu’il s’est lassé des playboys vieillissants qui nous amusaient dans La grande Bellezza (2013) et qui peuplaient sa filmographie, effectuant un changement de cap surprenant et quelque peu décevant.
Pour ce nouveau Sorrentino, le désenchantement est de mise : le film manque sérieusement de profondeur et s’attache à des notions très superficielles qui atteignent leur climax quand les Napolitain.ne.s se réunissent pour assister à « la grande fusione » où deux jeunes jeunes nus doivent faire l’amour devant l’assemblée, le jeune homme ayant été instruit par une femme d’âge mûr.
Ce nouvel opus laisse le public pantois.
Avec Grand Tour, le cinéaste portugais Michel Gomes nous entraîne dans un périple qui traverse de nombreux pays, alternant entre images reconstituant le début du XXe siècle et images contemporaines, séquences en décor en studio et images documentaires.
Filmé en noir et blanc, le film s’ouvre une grande roue du siècle passé puis présente les bâtiments coloniaux de Rangoon, en Birmanie, en 1917 où Edward (Gonçalo Waddington) est fonctionnaire de l’Empire britannique. Il s’enfuit le jour où il doit épouser sa fiancée Molly. Déterminée à se marier, Molly part à la recherche d’Edward et suit les traces de son Grand Tour à travers l’Asie. On suit donc Edward pendant deux heures neuf minutes qui change de port comme de chemise pour échapper à sa fiancée tenace et bien décidée à le retrouver. On quitte Rangoon pour Singapour avec la première embarcation disponible. À Singapour, Edward passe un télégramme pour faire suivre ses habits et ses effets. Il est parti dans une telle précipitation qu’il n’avait rien emporté. À peine arrivé à Singapour, il embarque pour Manille puis pour Bangkok où il embarquera sur un navire militaire américain en route pour le Japon. Au Pays du Soleil Levant, il restera un peu plus longtemps et résidera dans un monastère de moines. Jugé espion par les autorités nippones, il doit à nouveau embarquer pour le Vietnam où le cinéaste filme, sur la musique du Beau Danube bleu, le bal des scooters à Saïgon. Puis, on part avec Edward en Chine, entre Shanghai et Shenzhen. Etc., etc.
On vous épargne les autres escales de ce périple qui semble avoir été écrit pout permettre à Michel Gomes de faire son grand tour personnel. A chaque pays traversé, la narratrice ou le narrateur parle dans la langue du pays mais les protagonistes parlent en portugais. Vous me direz : « Voilà qui est normal pour un cinéaste lusophone ! » mais cette discrépance linguistique finit par lasser.
Certes, l’expérience est esthétiquement originale, distillant mélancolie et nostalgie. Les soubresauts évocateurs perdent de leur intensité à force de faire des escales que l’on finit par redouter. On sort de ce périple épuisé.
« Much Ado About Nothing ! » dirait le grand Shakespeare.
Firouz E. Pillet, Cannes
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