Diamant Brut, d’Agathe Riedinger, dépeint la poursuite effrénée d’un rêve universel : celui d’être aimé. Rencontre

Après avoir réalisé plusieurs courts métrages, la cinéaste française entre dans la cour des grands en voyant son premier long métrage faire l’ouverture de la Compétition officielle au Festival de Cannes en mai dernier.

Liane (Malou Khebizi), tout juste dix-neuf ans mais déjà les seins refaits, téméraire et incandescente, vit avec sa mère (Andrea Bescond) et sa petite sœur (Ashley Romano) sous le soleil poussiéreux de Fréjus. Obsédée par la beauté et le besoin de devenir quelqu’un, elle voit en la télé-réalité la possibilité d’être aimée et de faire carrière. Le destin semble enfin lui sourire lorsqu’elle passe un casting pour « Miracle Island », une émission qui a le vent en poupe.

Avant Diamant Brut, Agathe Riedinger avait réalisé en 2017 un court-métrage, J’attends Jupiter, dans lequel figurait déjà le personnage de Liane. Son court métrage comme son premier long traitent des mêmes thèmes comme la fascination pour les strass et les paillettes tout en posant un regard critique sur l’hégémonie croissante des réseaux sociaux. Toutefois, si la Liane de Diamant Brut est obnubilée par la télé-réalité, celle du court-métrage, qui vit au XIXe siècle, est fascinée par les « cocottes » de l’époque, à l’image d’Émilienne d’Alençon ou Liane de Pougy.

La réalisatrice reste fidèle aux thèmes qu’elle met en lumière et dont elle dénonce les dérives : la télé-réalité et le mépris de classe, l’hypersexualisation de la femme et le sexisme qu’elle véhicule en induisant une culture du viol qu’elle alimente. Agathe Riedinger pointe aussi le paradoxe des émissions de télé-réalité qui objectifie le corps des femmes tout en prônant des valeurs conservatrices et ultra-consuméristes.

Pour suivre sa protagoniste au plus près de son corps qu’elle filme dans son allure énergique et surtout dans ses formes plantureuses, la cinéaste a opté pour un format spécifique, en tournant en 4:3, car ce format renforce la composition graphique de l’image en la sublimant. Agathe Riedinger joue aussi énormément avec le hors-champ tout en resserrant et en exacerbant les scènes d’intérieur par le truchement d’une atmosphère d’enfermement, d’étouffement.

Avec le chef opérateur Noé Bach, la cinéaste a surexposé la colorimétrie et la lumière film qui sont en symbiose avec les chaussures à talons roses scintillant, les tenues aux couleurs bariolées de sa protagoniste. Liane s’affiche avec des tenues fluo moulantes, des décolletés plongeants qui peinent à maîtriser sa poitrine opulente, des fards à paupières et des rouges à lèvres tout aussi tape-à-l’œil. De manière pleinement assumée, Agathe Riedinger célèbre ce que la société a coutume de juger de mauvais goûts comme « quelque chose de beau et de touchant ».

L’action de Diamant Brut se déroule à Fréjus, dans le Var, une ville choisie par la cinéaste, car située à mi-chemin entre Côte d’Azur, aux villas huppées, aux stars et aux yachts qu’on a l’habitude de voir, et des villes en milieu populaire ou des cités en béton. Outre son ancrage politique – la ville est dominée par l’extrême-droite depuis de nombreuses années – elle est entourée de Cannes et de Marseille et, selon la réalisatrice, «n’a ni le glamour de la première ni la vivacité de la seconde».

Mis à part le paysage qui joue un rôle prépondérant, la musique est primordiale et la cinéaste l’a voulue contrastée. Elle a aussi mis en exergue les bruits lors les prises de vue comme le souffle du vent, des vrombissements des moteurs de scooters ou la musique qu’écoutent les personnages qui sont ici décuplés.

Présente à Genève, Agathe Riedinger nous a parlé du casting effectué pour trouver sa perle rare, son diamant brut, mais aussi des thèmes qu’elle a dans le viseur de sa caméra, comme l’hypersexualisation croissante des jeunes femmes, voire des fillettes, entre autres.

Rencontre:

Firouz E. Pillet

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