Divertimento, de Marie-Castille Mention-Schaar, relate l’incroyable parcours des sœurs Zahia et Fettouma Ziouani. Rencontre
À dix-sept ans, Zahia Ziouani (Oulaya Amamra) rêve de devenir cheffe d’orchestre alors que sa sœur jumelle, Fettouma (Lina El Arabi), rêve de devenir violoncelliste professionnelle. Bercées depuis leur plus tendre enfance par la musique symphonique classique grâce à leurs parents (Zinedine Soualem et Naidra Ayadi), émigré.es algérien.nes de condition modeste mais qui consacrent toutes leurs économies aux sorties à l’opéra et aux cours de musique destinés à leurs filles au Conservatoire de Stains, les jumelles souhaitent à leur tour rendre la musique accessible à tous et dans tous les milieux sociaux.
Mais, en 1995, comment peut-on accomplir des rêves si ambitieux quand on est une jeune femme, d’origine algérienne et qu’on vient de Seine-Saint-Denis ? Avec détermination, passion, pugnacité et courage, Zahia, soutenue par Fettouma et leurs parents, nourrit le projet incroyable de créer leur propre orchestre : Divertimento.
En portant sur grand écran le parcours incroyable de Zahia Ziouani et en procurant authenticité et justesse à son long métrage Divertimento – à ne pas confondre avec le film éponyme de Jacques Rivette (1992) – Marie-Castille Mention-Schaar a regroupé de jeunes musiciennes et musiciens pour les rôles importants et secondaires. Ponctués par de nombreux morceaux de musique, Divertimento raconte le combat de Zahia Ziouani et de sa sœur Fettouma, encouragées par leurs parents face aux nombreux obstacles qu’elles rencontrent pour exercer leur passion. Souvent priée de rester dans sa banlieue d’une part, et, d’autre part, invitée à ne pas empiéter sur un territoire où les chefs d’orchestre étaient exclusivement des hommes blancs d’un certain âge et issus d’écoles prestigieuses, Zahia ne se laisse guère impressionner et s’accroche à son rêve.
Admises dans un lycée réputé de Paris pour leur année de baccalauréat, les sœurs Ziouani sont systématiquement confrontées aux réflexions sexistes et racistes de certains jeunes étudiants qui composent l’orchestre du lycée, dirigé par le chef d’orchestre Sergiu Celibidache (Niels Arestrup). Marie-Castille Mention-Schaar évite les facilités du biopic et les raccourcis rudimentaires consistant en la stigmatisation des banlieusard.e.s et dépeint leur rencontre avec des élèves privilégiés du milieu bourgeois sans recourir au choc des cultures si cher au cinéma de l’Hexagone.
Proposant une réflexion sur un contexte social qui creuse les fossés et sur le pré carré machiste lié à la profession de chef d’orchestre, Marie-Castille Mention-Schaar poursuit sa réflexion sur les figures féminines et sur la marginalisation sociale d’individus, thèmes qui animent sa filmographie.
Si la construction du film demeure linéaire et la narration manque quelque peu de rythme, Divertimento a le mérite de souligner comment la protagoniste, emplie de bienveillance, de créativité, d’inventivité et d’aplomb, avance dans une démarche inclusive et en constante communion avec les instrumentistes.
Présenté en 2022 au Festival d’Angoulême et à la 26ème édition des Œillades, Festival du Film Francophone d’Albi, le film sort sur les écrans romands. Lors de sa venue à Genève, Marie-Castille Mention-Schaar s’est confiée avec enthousiasme sur ses recherches en amont de ce film qu’elle a pu réaliser avec l’éclairage de Zahia et Fettouma Ziouani. Rencontre audio.
Firouz E. Pillet
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