El robo del siglo (Le braquage du siècle) – Un hold-up réel dans une mise en scène dynamique héroï-comique !
Basé sur des faits réels, cette comédie argentine nous entraîne dans une réalisation qui utilise les codes du genre (Ocean’s 11 et suites ; Now You See Me [Insaisissable], 2013 ; ou le sud-coréen The Thieves [Dodookdeul], 2012) mais sans leur côté aseptisé, ici on garde les aspérités, les grains de sable et une certaine distance ironique qui s’exprime par le rappel régulier de la trivialité des choses, le mélange des musiques (jazz, western spagehtti, instrumental rythmé) qui habille habilement les différentes étapes de l’épopée des anti-héros, la composition de l’image, avec au début du film, un magnifique plan-hommage au cinéma où le cerveau de la bande, dépité, trempé sous la pluie se retrouve devant une série d’affiches de cinéma éclairée par des néons rouges avant d’avoir une illumination : face à son psychologue, Fernando Araujo (Diego Peretti) avait cité un philosophe qui disait que le bien le plus élevé de l’être humain était de trouver sa vocation, ce à quoi le psy avait répondu qu’il serait temps qu’il trouve la sienne. Voilà qui était fait : braquer une banque !
Le vendredi 13 janvier 2006, cinq personnes prennent la Banco Río d’assaut. L’alarme est donnée. La police encercle la banque. Les voleurs prennent les 23 personnes présentes en otage et négocient longuement leur libération avec la police. Puis plus rien. La police attend un moment puis décide d’intervenir et découvre qu’elle s’est fait mener en bateau par les voleurs qui ont disparu avec un butin de plusieurs millions de dollars, sans avoir user de violence physique, ce qui les rend populaires auprès de l’opinion publique argentine. En partant, ils ont pris la peine de laisser un poème qui ajoute à leur capital sympathie :
Dans les quartiers des richards
Pas d’arme, pas de rancune
C’est juste de l’argent, pas de l’amour
Ariel Winograd pose les caractères des deux personnages principaux l’Argentin Fernando Araujo et l’Uruguayen Mario Vitette (Guillermo Francella) qui forment l’épine dorsale de cette bande improbable de pieds nickelés qui sont cependant de vrais cracks dans leurs domaines respectifs, avant de montrer de manière très dynamique dans le montage, qui use par ailleurs d’ellipses et de quelques flashbacks explicatifs classiques dans le genre, mais sans en abuser, la préparation dans les moindres détail du casse, dans une sorte d’ode à la créativité cogitée. Mais, comme le dit son psychologue à Fernando: avec un plan bien préparé, la première chose à savoir, c’est qu’il ne se déroulera jamais comme prévu …
El robo del siglo est porté avec force et fracas par deux gueules charismatiques du cinéma argentin, Diego Peretti – que l’on a vu récemment sur nos écrans avec Initiales S.G. (Iniciales S.G.), et Guillermo Francella (El Clan, Mi Obra Maestra, …), sublimes loosers à l’écran qui n’ont pas besoin d’user d’artifices, de jouer aux comiques pour l’être dans le terreau de cette histoire rocambolesque mais vraie et interprètent avec un naturel bluffant des dialogues souvent extravagants. Bien sûr, le scénario joue sur l’antagonisme des caractères qui provoquent naturellement des répliques comiques, avec un Fernando Araujo, philosophe, adepte d’arts martiaux mais surtout de marijuana qui lui permet « de rester focus » ; il explique d’ailleurs avec le plus grand sérieux à Mario Vitette que s’il ne fumait pas de haschich, « le plan n’aurait pas d’équilibre naturel ». Mario Vitette quant à lui est le seul voleur professionnel de la bande, il se veut cartésien (bien sûr il ne l’est pas, sinon il n’aurait pas été arrêté aussi souvent dans sa vie), toujours élégant, tenant aux bonnes manières tel un gentleman cambrioleur. Ce couple parfaitement dissonant est la clef de son succès auprès de l’opinion public lors de vrai casse de 2006 et celui du public argentin qui a plébiscité le film à sa sortie avec plus de deux millions de spectateurs. En ces temps moroses, il serait dommage de bouder ses deux heures de franc plaisir cinématographique.
D’Ariel Winograd; avec Guillermo Francella, Diego Peretti, Luis Luque, Pablo Rago, Rafael Ferro; Argentine; 2020; 114 minutes.
Sortie Suisse romande: 5 mai 2021
Malik Berkati
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