FIFDH 2025 : Le militant écologiste Paul Watson renonce à sa venue et participe la discussion par visioconférence
Le défenseur des baleines est désormais mondialement connu. La mobilisation pour sa libération, via les réseaux sociaux, avait été planétaire et la chasse aux sorcières lancée par le Pays du Soleil Levant virait à l’incident diplomatique. Après un séjour carcéral de presque cinq mois, Paul Watson avait pu sortir de prison suite à la décision du Danemark de ne pas l’extrader vers le Japon.
Image courtoisie FIFDH
Invité du Festival du film sur les droits humains et attendu en personne ce samedi 8 mars dans la salle du Théâtre Pitoëff, le défenseur des baleines et militant écologiste Paul Watson a dû faire l’impasse sur sa venue en Suisse dans le cadre du FIFDH, par crainte d’être arrêté à la demande du Japon qui lui reproche plusieurs actions coup de poing contre des baleiniers. Il a quelques décennies, l’activiste prenait la défense des baleines face aux navires soviétiques et ouvrait pour la préservation des océans et de ses habitants alors qu’il faisait partie de Greenpeace.
La soirée à laquelle Paul Watson a finalement participé par visioconférence a été ouverte par l’allocution d’Adelin Coigny, fondateur du Fonds Smile Wave en 2017, qui œuvre pour la protection des océans et pour la justice sociale, qui a rappelé, en s’adressant à l’hôte d’honneur de la soirée, l’une de ses citations qui date mais qui est toujours d’une brûlante actualité :
« La réalité ne peut pas être normalisée malgré les efforts de certains gouvernements et médias que je ne prendrai pas la peine de nommer. A une époque où les droits humains sont bafoués depuis bien trop longtemps – Gaza et les territoires palestiniens occupés, l’Ukraine, le Yémen, le Soudan, la RDC, la liste est trop longue et c’est grâce à un festival tel que le FIFDH qu’on ne les oublie pas. (…) Paul Watson, bienvenue ! C’est un honneur de vous parler ce soir ! Cela fait de nombreuses années que vous êtes une source d’inspiration dans mon travail. Je pense qu’il n’y a qu’une poignée de personnes qui ont consacré leur vie avec autant d’engagement à la préservation des océans. Je vais vous rappeler une de vos phrases que vous aviez prononcées à l’époque et qui est gravée dans mon esprit : « Nous, les humains, nous ne sommes que des passagers temporaires d’un vaisseau spatial qui s’appelle la planète Terre. Ce vaisseau a un système de survie dont nous devons prendre soin. Si nous n’en prenons pas soin, nous allons finir par mourir. » Nous sommes tristes de ne pouvoir vous accueillir ce soir, mais heureux de pouvoir avoir cette conversation par vidéo. Je rappelle que ce grand monsieur a été co-fondateur de Greenpeace, fondateur de Sea Shepherd et est aujourd’hui aux commandes de la Captain Paul Watson Foundation. »
La soirée est menée avec cette question comme fil conducteur : Sommes-nous des hors-la-loi quand nous défendons la planète face à des pratiques elles-mêmes illégales ? Le lien entre cette question et la carrière du capitaine Watson semble couler de source.
Le fondateur de l’organisation Sea Shepherd a annulé sa venue à la dernière minute sur le conseil de son avocat. L’activiste américano-canadien, qui réside en France où il a demandé l’asile politique, redoutait d’être arrêté après avoir passé la frontière car le Japon ne renonce pas et cherche toujours à arrêter le défenseur des baleines que ce pays considère comme un pirate des temps modernes.
Pour rappel, le Japon a relancé la chasse à la baleine qui semble appartenir à une époque révolue. Pourtant, en 2023, le Japon a capturé 294 cétacés, selon l’agence de la pêche. Le gouvernement veut porter la consommation, actuellement à 2 000 tonnes par an, à 5 000 tonnes, afin de maintenir une industrie toujours très dépendante des subventions. Sur les 6100 notices rouges d’Interpol qui sont faites pour les tueurs en série, les criminels de guerre, les barons de la drogue, il y en a une qui porte le nom de Paul Watson.
Le militant écologiste Paul Watson a été interpellé et placé en détention le 21 juillet 2024 au Groenland par les autorités danoises. Il s’était arrêté à Nuuk, la capitale du territoire, afin de ravitailler son navire en carburant. Il partait en mission avec sa fondation pour « intercepter » le baleinier du Japon dans le Pacifique Nord, qui allait chasser dans ce sanctuaire. Depuis 1986, un moratoire, promulgué par la Commission baleinière internationale qui était inquiète de la disparition de l’espèce, interdit la pêche commerciale des baleines. Avec l’Islande et la Norvège, le Japon fait partie des trois derniers pays à continuer cette activité. Paul Watson et ses équipes menaient des actions dans les eaux du monde entier « pour faire respecter » cette interdiction.
Paul Watson explique au public :
« Ces notices rouges sont déposées auprès d’Interpol par des pays membres. Je n’arrivais pas à obtenir la garantie des autorités suisses que je ne serais pas arrêté et extradé vers le Japon en raison du mandat d’arrêt d’Interpol contre moi. Le Japon suit le moindre de mes mouvements. Ils savent toujours où je vais. Je suis convaincu que si je vais en Suisse, le gouvernement japonais va contacter le gouvernement suisse pour agir pour me mettre en détention avant une éventuelle extradition. En 2017, il y a eu un changement de gouvernement au Costa Rica et j’ai reçu un appel du nouveau ministre de l’environnement qui m’indiquait qu’Interpol avait laissé tomber cette notice rouge. Cela montre combien toute cette affaire est politique. »
«Mon arrestation a attiré l’attention de la communauté internationale sur la poursuite des opérations illégales de chasse à la baleine par le Japon. Ces cinq mois d’emprisonnement ont été une extension de la campagne contre la chasse à la baleine », avait déclaré Paul Watson à sa libération dans un entretien vidéo à l’AFP.
Quand on le questionne sur ce mandat d’arrêt international à son encontre, il souligne :
« Comment j’ai découvert tout cela ? En 2010, ils m’ont mis sur liste bleue. J’ai la double nationalité canadienne et américaine mais, quand je suis allé aux États-Unis où j’ai montré mon passeport américain, d’un coup, je suis retrouvé entouré de six officiers armés qui m’ont menotté et embarqué pour m’interroger puis ils m’ont relâché. Je leur ai demandé pourquoi ils étaient si lourdement armés. Ils m’ont répondu : « Parce que le Japon vous décrit comme un écoterroriste dangereux et armé ». C’est à cause de cette description qu’ils ont dépêché quinze policiers pour m’arrêter au Groenland. Je ne suis pas écoterroriste, je ne travaille ni pour Monsanto ni pour Exxon. Je n’ai jamais blessé personne dans ma vie et je n’ai jamais été reconnu coupable d’un crime. Dès 1977, j’ai défini mon action comme non violente agressive. L’idée est de ne blesser personne. Nous avons mis un terme à plus de cent-vingt actions illégales ces dernières années avec cette approche non violente agressive. (…) comme couler des navires dans le port de Reykjavik. Nos actions ne visent qu’à faire respecter la loi. »
Avant son arrestation au Groenland, l’activiste écologiste s’était lancé dans un combat digne de David et Goliath. Il affrontait le Kangei Maru, le plus grand abattoir baleinier flottant du monde, récemment lancé et construit pour aller n’importe où en haute mer pour tuer des baleines, des rorquals communs, une espèce en voie de disparition. L’industrie baleinière japonaise compte utiliser le Kangei Maru pour revitaliser la chasse commerciale à la baleine et développer une activité baleinière mondiale. Après cinquante ans d’interventions du capitaine Paul Watson contre les opérations de chasse illégale à la baleine, arrêter le Kangei Maru alait être le dernier grand défi de sa vie. Le militant rappelle qu’il a souvent été arrêté mais ne souhaite pas revivre son arrestation de l’été dernier lors de son accostage à Nuuk, la capitale du territoire danois du Groenland, où il a passé 149 jours en détention provisoire. Le Danemark l’a libéré le 17 décembre 2024 après le rejet de la demande d’extradition japonaise.
« En Terre-Neuve, le Canada est venu me chercher avec des garde-côtes et des avions des garde-côtes. Ils avaient différents chefs d’accusation contre moi mais je n’ai jamais fait de mal à personne. Je me suis retrouvé en Terre-Neuve ou tout le monde me déteste parce que je suis contre la chasse aux phoques. J’avais un excellent avocat qui a commencé sa plaidoirie en disant : « On ne nie pas ce qu’on a fait, non seulement on l’admet mais on en est fier. On recommencera à la première occasion. J’ai été acquitté. »
Devant le constat qu’à une époque, les militants coulaient les navires par le fond, ils faisaient sauter des pipelines. Aujourd’hui, on est plus dans la sensibilisation, le modérateur demande à Paul Watson si le militantisme est devenu moins militante de nos jours :
« Il faut évoluer parce que les gouvernements sont beaucoup plus répressifs aujourd’hui, Il y a de nouveaux arsenaux juridiques en permanence. Par exemple, le Canada a tenté d’appliquer cette loi sur la préservation des phoques. On n’a pas le droit de filmer ou de prendre en photo un phoque qui se fait tuer. A cause de cette loi, j’ai été arrêté de nombreuses fois. Il faut être imaginatif. En 2023, il y a un film formidable qui est sorti : How to Blow Up a Pipeline, de Daniel Goldhaber. Ils ont réussi à faire sauter un pipeline sans vraiment le faire sauter. Le FBI qui était sur l’affaire ne pouvait rien faire. Le message est passé quand même sans qu’ils aient fait sauter quoi que soit. C’est un exemple de la manière dont on peut utiliser son imagination pour faire passer un message. J’ai toujours dit que l’arme la plus puissante sur la planète, c’est la caméra. Il faut filmer, prendre des photos, documenter. En 1977, j’ai pris une photo avec Brigitte Bardot et un bébé phoque pour lutter contre ce massacre, J’ai appris très tôt comment fonctionnent les médias. Personé d’autre ne s’est rendu dans cette région pour dénoncer le massacre des bébés phoques et pour cela, je lui en suis très reconnaissant. »
L’importance de l’informationn par les images
Paul Watson souligne que son action dérange particulièrement car il a toujours eu comme moyen d’action et de dénonciation des pratiques illégales par les images :
« C’est comme cela que l’on informe les gens. Pourquoi les Japonais sont aussi en colère cotre moi ? C’est parce que pendant dix ans, on a documenté et on a montré leurs activités illégales dans l’Océan austral. Les Japonais ont tué des baleines dans des sanctuaire baleiniers malgré l’interdiction de la pêche à la baleine commerciale et en 2014, la Cour de Justice Internationale a confirmé que leurs activités étaient illégales. Il y a eu des conséquences contre eux. A l’inverse, c’est moi que l’on vient cherche et c’est moi qu’on rend responsable alors que ce sont eux qui ont été reconnus coupables. (…) Ces navires japonais n’ont plus le droit de pénétrer dans les eaux australiennes, ils pourraient y être arrêtés. Ils sont très décidés à m’arrêter. »
Le Japon reproche à Paul Watson plusieurs opérations coup de poing contre des baleiniers. Les autorités nippones ont émis un mandat d’arrêt international en 2012, l’accusant d’être coresponsable de dommages et blessures à bord d’un navire baleinier japonais en 2010.
Paul Watson tient à relativiser la chasse à l’homme dont il fait l’objet en ironisant sur le grief qui lui est reproché :
« La notice rouge d’Interpol est faite pour les tueurs en série, les criminels de guerre, les barons de la drogue. Ce n’est pas pour une conspiration d’intrusion sur un navire. C’est une accusation très légère. Ils ont lancé ce mandat contre moi depuis presque douze ans maintenant. Ils sont très décidés à m’arrêter et à m’extrader au Japon. Et si je vais au Japon, je ne reviendrai jamais. »
Depuis plusieurs années, la répression des activistes climatiques s’intensifie dans de nombreux pays démocratiques. Arrestations, intimidations, interdictions : comment lutter contre la crise climatique et de la biodiversité dans un tel contexte ?
La figure de Paul Watson inspire autant qu’elle divise. Entre sa détention et sa libération, il est devenu un symbole de la répression grandissante à l’encontre les activistes climatiques. Se battre pour les océans : qu’est-ce que cela veut dire aujourd’hui ? Alors que les conséquences du dérèglement climatique, de la perte de biodiversité et de l’exploitation des ressources et des océans sont de plus en plus tangibles, et que les gouvernements font les sourdes oreilles face à l’urgence de la situation, l’affaire Paul Watson semble donner le pouls de l’état de la démocratie, de la liberté de protester, et de la protection de celles et ceux qui défendent notre environnement ? Comment expliquer l’escalade autoritaire vis-à-vis des activistes, et comment se traduit-elle ?
Quand on demande à Paul Watson envisage l’avenir :
« Je ne changerai jamais de cap pour ce qui est de la non-violence agressive et jamais je ne me retrouverai en ménage avec ces entreprises de la pêche. Aucun gouvernement, aucune entreprise ne me dictera jamais ce que je dois faire. Nous allons mettre un terme à la chasse baleinière dans le monde, d’une manière ou d’une autre. Nous allons continuer nos missions. On s’opposera à la chasse baleinière de l’Islande et, si le Japon tente de retourner dans le sanctuaire baleinier antarctique, nous serons là.»
Cette soirée, en l’absence physique du militant écologiste, ne fait que confirmer que la détermination du Japon à faire arrêter Paul Watson reste intacte et toujours plus redoutable. Dans ce contexte, l’échange avec Paul Watson était d’autant plus précieux et apprécié par un public qui n’a pas tari en questions comme en applaudissements.
Firouz E. Pillet
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