FIFH 2023 : Hébron, Palestine, la fabrique de l’occupation, de Idit Avrahami et Noam Sheizaf, apporte un éclairage audacieux sur la situation au Proche-Orient en l’illustrant avec le cas de la ville de Cisjordanie
Présenté dans la section Panorama du Documentaire 2023, Hébron, Palestine, la fabrique de l’occupation, de la réalisatrice Idit Avrahami et du réalisateur Noam Sheizaf, retrace l’histoire de cette ville qui a servi de laboratoire aux mécanismes de l’occupation.
Idit Avrahami est la réalisatrice et la co-créatrice de plusieurs séries et films documentaires. Son court métrage documentaire Institutional Abduction (2019) a été présenté à la Biennale de Venise 2019. Elle a été journaliste au quotidien israélien Haaretz. Elle est diplômée de l’école de cinéma et de télévision Sam Spiegel à Jérusalem et y enseigne actuellement la réalisation de films documentaires.
Noam Sheizaf est réalisateur de documentaires et scénariste. Il a été le réalisateur de Meshulam, chef de la recherche et du contenu pour The Corridors of Power et The Human Factor de Dror Moreh ; et scénariste pour Lieberman (de Nurit Keidar). Il a été journaliste et rédacteur en chef dans plusieurs journaux israéliens, et a fondé le magazine en ligne indépendant +972, auquel contribuent des journalistes israéliens comme palestiniens.
Le tandem de journalistes et documentaristes est parti autopsier la situation de la ville palestinienne d’Hébron, implantée dans la région des monts de Judée. Hébron est la plus grande ville de Cisjordanie avec ses 215 000 habitants palestiniens. Au cœur de la ville résident huit-cents colons israéliens et dix-sept unités de l’armée de l’État hébreu y sont basées pour assurer leur sécurité et contrôler la population palestinienne.
Idit Avrahami et Noam Sheizaf livrent un film remarquablement documenté, fort, puissant, qui raconte l’histoire, depuis plus de soixante ans, d’une rue à Hébron et en suivent les changements induits par le contexte historico-politique. Cette rue sous haute tension, baptisée H2, représente un lieu de symbolique religieuse immense tant pour les Juifs que pour les Musulmans. En effet, au bout de la rue d’un kilomètre de long, devenue le sujet de toutes les discussions, on trouve le tombeau des Patriarches où serait enterré Abraham (pour les juifs) ou Ibrahim (pour les musulmans), leur ancêtre commun. Les uns et les autres y viennent en pèlerinage.
Mais le documentaire de Idit Avrahami et Noam Sheizaf nous montre que ce lieu est aussi devenu un laboratoire pour Israël pour tester ses méthodes de contrôle. Au fil des ans et des mesures prises par Israël, Hébron est devenue l’une des zones les plus ségréguées, contrôlées et surveillées du Moyen-Orient. La tension y est permanente et les habitants d’Hébron s’y sont accoutumés
C’est aussi l’un des endroits les plus filmés au monde. Grâce à ces images et à des entretiens avec les commandants militaires, Hébron, Palestine, la fabrique de l’occupation raconte l’histoire d’un lieu qui est à la fois un microcosme de l’ensemble du conflit et un site d’essai pour les méthodes de contrôle qu’Israël met en œuvre dans l’ensemble de la Cisjordanie.
Grâce aux nombreux films qui y ont été tournés, on peut (re)découvrir Hébron alors que la ville était animée, que les marchés remplissaient ses rues et que les habitants vaquaient en toute quiétude à leurs occupations. Grâce à de riches archives, des témoignages rares, des images d’aujourd’hui et à des entretiens avec les commandants militaires d’Hébron, le documentaire de Idit Avrahami et Noam Sheizaf raconte l’histoire d’Hébron et de cette rue qui devient méconnaissable en quelques années. Des images pas si lointaines temporellement et qui contrastent cruellement avec la situation actuelle !
« Hébron, c’est le laboratoire de l’occupation ! Tout ce que font les autorités israéliennes en Cisjordanie et même à Jérusalem a été essayé ici à Hébron », clame un avocat israélien spécialiste des droits humains. Et il poursuit en indiquant que la ville de Cisjordanie est devenue un laboratoire où le quotidien des Palestiniens est fait de ségrégation, de surveillance, de contrôles intensifs, parfois brutaux !
Hébron se révèle à nous comme un microcosme de la réalité du Proche-Orient et un site d’essai pour les méthodes de contrôle qu’Israël met en œuvre dans l’ensemble de la Cisjordanie. Critiqué par les autorités israéliennes, ce documentaire édifiant apporte un éclairage indispensable sur le conflit israélo-palestinien et résonne encore plus intensément aujourd’hui. Le public ne sort pas indemne de la projection.
Le gouvernement israélien a vertement dénoncé le documentaire et pris des mesures à son encontre : annulations de projections, campagne de diffamation en ligne contre les réalisateurs qui sont accusés par le gouvernement de « salir Israël et de nuire à la réputation de l’armée ». On ne peut donc que se réjouir d’avoir eu la possibilité de voir ce documentaire projeté au Festival du Film d’Histoire de Pessac et d’avoir pu en débattre.
Firouz E. Pillet, Pessac
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