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Filmfest Dresden : L’exigence du court métrage – tout un art !

Le Filmfest Dresden est un festival international de courts métrages qui a fêté ses 30 ans cette année. Ce qui avait commencé comme une aventure un peu underground dans l’ex-RDA est devenu un rendez-vous important sur la très riche scène des festivals de courts dans le monde, avec un mix judicieux de courts déjà présentés dans les festivals de catégorie A et de films issus d’autres circuits internationaux mais aussi régionaux. De cette manière, il est à la fois une opportunité de rencontrer le public pour ceux qui sont déjà reconnus – mis à part quelques chaînes de télévision, il n’y a pratiquement plus que les festivals pour avoir l’occasion de visionner des courts métrages – et permet de servir de tremplin aux jeunes cinéastes.
Chaque année un focus sur la prolifique production du court au Québec (un article séparé y sera consacré) ainsi que deux autres focus, cette année la Géorgie et la Grèce, sont présentés. Dans une ambiance décontractée, le public rencontre les artistes autour de discussions modérées ou spontanées dans les couloirs du festival, l’occasion aussi pour les professionnels du monde entier de se rencontrer et avancer sur leurs projets.
Cette année, cerise sur le gâteau de ce jubilée, le festival a offert aux festivaliers une masterclass de la grande scénariste et réalisatrice hongroise Ibolya Fekete !

L’art de faire court

D’après le célèbre dicton, les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures ! Même si cette introduction se raccroche à un bon mot un peu facile, il y a parfois quelque chose de vrai également dans l’art cinématographique ou celui des lettres : pourquoi faire long lorsque l’on n’a rien à ajouter au propos ? Les longs films comme les longs livres sont bien sûr parfois parfaitement justifiés, la longueur faisant partie intégrante de l’œuvre, mais il faut également reconnaître que très souvent c’est beaucoup de temps volé aux spectateurs ou lecteurs pour rien ou pas grand-chose. Alors on se dit, allons voir du court ! Et bien, ce qui est étonnant, c’est que le court peut paraître lui aussi parfois bien long, les réalisateurs tombant dans les mêmes travers que leurs collègues du long. Qu’importe donc le format tant que l’on maîtrise son propos et le rythme insufflé…

A cet égard, Le court métrage est un exercice très exigeant, peut-être plus exigeant que le long. Passons sur le fait que c’est un passage quasi obligé pour les étudiant-e-s en cinéma, avec les aléas dus au manque d’expérience et de moyens de production. Le court est aussi un format choisi pour lui-même, car répondant mieux à un besoin d’expression, une histoire ou une envie d’expérimentation, de création.
Exigeant tout d’abord pour celui qui le fait, puisqu’il doit capturer les quintessence de ce qu’il veut exprimer, contrainte qui cependant semble ouvrir les chakras de l’inventivité et de l’audace des artistes acculés à la limite de temps – la définition du court varie mais la durée maximum la plus courante étant 30 minutes.
Mais il l’est aussi pour le spectateur, qui doit être prêt à entrer rapidement dans un film. Et ceci d’autant plus lorsqu’il s’agit de voir des programmes assemblés pour durer le temps  moyen (et idéal) d’un long métrage : nonante minutes. Les programmes peuvent contenir entre 5 et 7 films, soit entrer 5 ou 7 fois dans un film, respirer 30 secondes et entrer dans le prochain. Une véritable gymnastique de l’esprit qui à la fin d’une journée de 3-4 programmes lessive le spectateur !

Palmarès des Cavaliers et mentions spéciales

Difficile de parler de tous les films en compétition, car comme dans tous festivals, quel que soit le genre ou le format, il y a quand même beaucoup de films qui vont de moyen à mauvais, mais aussi des décisions de jurys qui sont assez obscures. Il y a assez l’occasion pour parler des mauvais films dans le format long, ici il vaut mieux se concentrer sur ceux qui sont appréciables !

Beaucoup de films d’animations dans les différentes sections de la compétition – genre qui offre visiblement le plus d’espace créatif, présence qui se reflète dans les prix attribués.

Aaba (Grandfather/ Grand-père) d’Amar Kaushik, Inde, 22 minutes, 2016.
Cavalier d’or compétition international et Cavalier d’or du jury des jeunes

— Randa Dani, Sunku Dani dans Aaba (Grandfather/Grand-père) d’Amar Kaushik
© Raapchik Films / Soumik Mukherjee

Très fine histoire sur le cycle de la vie qui se déroule dans le splendide paysage des hauts plateaux indiens. Rien de spectaculaire, mais la beauté des choses simples, tout en images, sans blabla inutile, avec beaucoup d’humour malgré le tragique de l’histoire, ce grand-père apprend qu’il va bientôt mourir. Il entreprend alors de préparer sa fin prochaine avec calme et attention pour les autres en creusant physiquement sa propre tombe avec autant de minutie qu’il l’a creusée symboliquement pendant sa vie en encrassant ses poumons de goudron. Mais la vie est ainsi faite qu’entre la mort programmée et son effectivité, le destin touche également ceux qui n’en sont pas avertis…

The Theory of Sunset de Roman Sokolov, Russie, 9 minutes, 2017.
Cavalier d’or Prix du public en compétition internationale

The Theory of Sunset de Roman Sokolov
Image courtoisie du Filmfest Dresden

Encore une jolie histoire sur le cycle infini de la vie et sa finitude. Il fait nuit et un petit homme traverse la forêt pour effectuer sa tâche du jour : mettre un sou dans la machine et appuyer sur le bouton afin que le jour nouveau se lève. Puis il prend son vélo pour arriver à temps au crépuscule du soir, moment où le soleil lui redonnera une pièce pour enclencher le crépuscule du matin prochain. Entre temps, le petit homme croise le chemin de ceux qui vont fêter une naissance et ceux qui vont porter le deuil. Une scène absolument délicieuse de ce film d’animation: une roue de la bicyclette du petit homme crève et c’est la mort qui l’aide à gonfler le pneu.

Neko Ni Hi – Cat Days de Jon Frickey, Allemagne/Japon, 11,09 minutes, 2018.
Prix ARTE compétition nationales et internationales confondues et Cavalier d’or égalité des genres

Neko Ni Hi – Cat Days de Jon Frickey
Image courtoisie du Filmfest Dresden

Avec subtilité et tendresse ce film d’animation à l’esthétique très marquée aborde la thématique de l’identité par l’absurde et exprime : « sois ce que tu veux être !»
Suite à une visite chez la docteure pour une grippe, le père de Jiro apprend que son fils est vraisemblablement un chat, puisqu’il n’y a que les chats qui attrapent le virus dont il est atteint. S’en suit une très belle représentation de la relation père-fils et le processus d’acceptance face à l’altérité. Ce qui est également intéressant, c’est la relation avec le corps médical représenté ici par la doctoreure : c’est elle qui pose le diagnostic qu’elle confirme quelques jours plus tard par un test ADN, mais quand Jiro refuse ce diagnostic, elle sera la première à lui dire : «  Be whatever you want to be », encourageant également ainsi le père dans cette direction. Cette liberté d’être n’est, dans la réalité, pas autant soutenue par le corps médical auquel on ferait bien de projeter à un moment de leur cursus d’études ces quelques minutes bienveillantes.

Min Börda – The Burden de Niki Lindroth von Bahr, Suède, 14 minutes, 2017.
Prix pour la musique et le son d’Hans Appelqvist

Cette comédie musicale animée suédoise nous entraîne aux confins de l’absurde (au tropisme scandinave donc), reflet de la société dans laquelle on s’enferme, ici représentée à travers des animaux confrontés à l’ennui et à des questions existentielles.
Le travail technique du son et la composition musicale donnent à cet étrange et non moins jubilatoire objet cinématographique un aspect totalement harmonique  – la coordination des mouvements d’animation et de la bande-sonore qui est le support narratif du film est exceptionnelle. Prix amplement mérité.


Mrs McCutcheon
de John Sheedy, Australie, 16,30 minutes, 2017.
Mention spéciale égalité des genres

Film absolument hilarant sur un sujet très sérieux qui finit par faire couler quelques larmes sur les joues de certains spectateurs, de belles larmes, celle de la possibilité d’un monde meilleur où les personnes sont acceptées telles qu’elles sont dans leur identité propre et non définie par des normes et/ou les autres. Cela fait la troisième fois que Tom, qui a toujours eu le sentiment d’être né dans un corps étranger, doit changer d’école, au grand dam de sa mère. Ici aussi il a de la peine à se faire accepter par certains de ses camarades, mais heureusement Trevor, d’origine aborigène et par conséquent également discriminé, est là pour le soutenir.
Ce film est juste de bout en bout, le réalisateur menant son histoire avec dextérité, profilant ses personnages fortement afin d’être le plus efficace sans avoir à fournir d’explications narratives – la professeure des écoles est absolument succulente – et une direction d’acteurs parfaite qui permet aux enfants d’être d’une justesse rare au cinéma.

 

Ce film a été présenté dans les programmes enfants du festival : on pourrait regretter que le festival fasse aussi cette distinction, ce court étant la preuve que les films s’adressent à tout le monde et, par rapport à ce sujet abordant la conformité hétéronormative, le genre ou l’appartenance ethnique peut-être même encore plus aux adultes, le message étant encore une fois : sois simplement toi et sois-en fier.

Mascarpone de Jonas Riemer, Allemagne, 14 minutes, 2017.
Prix de la Fondation DEFA (fondation qui préserve les films des studios DEFA de l’ex-RDA et promeut la culture cinématographique allemande, N.D.A.)

Une véritable mise en abîme du cinéma, d’une inventivité jouissive, avec une histoire et sa traduction visuelle qui ne peut que régaler les cinéphiles, les amoureux du cinéma étasunien de la grande époque d’Hollywood et du cinéma de genre : quand Francis le projectionniste de cinéma emboutit l’arrière du gangster le plus recherché du moment, il se retrouve tout à coup embarqué dans vrai film de gangster où il va devoir devenir complice de braqueurs de banques pour sauver son chien pris en otage…
A côté de ce ravissement des sens cinématographique, la performance technique ! Un parti pris hybride fait de miniatures et de grandeur nature, d’animation et d’éléments réels. La ville en carton est façonnée par une foultitude de détails, les défis de précision sont légions, comme ceux du montage visuel et sonore pour, par exemple, restituer avec brio une course-poursuite de voitures en cartons conduites par de vrais acteurs dans des rues en cartons, tient de la prouesse.

Le making-off du film:

 

Époustouflant – Un des meilleurs films toutes sections confondues !

Malik Berkati, Dresde

Si vous avez l’occasion de voir ces films dans un programme de télévision (le meilleur restant celui d’ARTE, Court-circuit) ou dans un festival pas loin de chez vous ou lieu de villégiature (liste des festivals du court en Europe), l’expérience en vaut vraiment la peine !

Ici vous pouvez télécharger le catalogue du festival

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Malik Berkati

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