Genève : Aspasie, association de solidarité des travailleur∙se∙s du sexe, souffle ses quarante bougies
En ce 18 juin 2022 sous un soleil de plomb qui invite à la baignade dans Le Léman, les Bains des Pâquis et Genève-Plage sont déjà pris d’assaut par les baigneurs qui, tentent en vain, de lutter contre la canicule. Certains utilisent le jet d’eau comme un brumisateur géant dont les gouttes rafraîchissantes viennent tomber sur la jetée au milieu de la rade. Mais il est une manifestation qui accueille sur les rives du lac, côté Quai Gustave-Ador, de nombreuses personnes dans la joie et la convivialité : la célébration des quarante ans d’Aspasie au Bateau Genève. Ce jubilé sest marqué par la création de la Fondation Philénis, une fondation immobilière au soutien des personnes travailleuses du sexe.
Aspasie, son centre de documentation et Grisélidis Réal
Aspasie, association de solidarité créée à Genève en 1982 par des travailleur∙se∙s du sexe (TDS) et leurs allié∙e∙s, a déjà quarante ans. Aspasie propose un centre de documentation et une bibliothèque sur la prostitution qui regroupe trente ans de militantisme d’Aspasie et de Grisélidis Réal.
Pendant plus de trente ans de lutte et de mobilisation pour les droits des travailleuses et travailleurs du sexe, Grisélidis Réal, écrivaine, peintre, poète et « courtisane révolutionnaire » a recueilli avec méthodologie tout ce qui concernait, de près ou de loin, aux métiers du sexe, en Suisse et dans le monde entier. C’est ainsi que le centre de documentation met à disposition les archives de Grisélidis Réal : articles de presse, correspondances, travaux de recherche, rapports, prises de position, comptes rendus de séminaires, de colloques ou de congrès, affiches, pamphlets, manifestes, entre autres.
« Grisélidis Réal Ecrivain – Peintre – Prostituée 1929-2005», peut-on lire sur sa pierre tombale du cimetière des Rois, à Genève. Mais s’il faut le rappeler, Grisélidis Réal a été la figure de proue de la défense des personnes travailleuses du sexe, elle qui, mère divorcée de six enfants, manquait cruellement d’argent et a commencé à vendre son corps pour subvenir à leurs moyens.
Bien décidée à faire valoir les droits fondamentaux des personnes travailleuses du sexe, Grisélidis Réal nourrissait l’ambition de créer, chez elle, un « Centre international de documentation sur la prostitution ». À l’aide de sa photocopieuse, la Pasionaria, née à Lausanne mais active à Genève, confectionnait des dossiers thématiques qu’elle mettait ensuite à disposition de toute personne intéressée par la thématique du travail du sexe.
La mission d’Aspasie
Forte de son expertise de près de quarante ans, Aspasie conseille, accompagne, écoute et oriente toute personne exerçant le travail du sexe mais défend aussi les droits fondamentaux et les intérêts des travailleur.se.s du sexe en promouvant la santé et la prévention du VIH et des IST, en luttant contre la traite et l’exploitation sexuelle et en combattant la stigmatisation et l’exclusion sociale. Aspasie travaille de concert avec son association Sœur Boulevards.
Lors de la fête organisée ce 18 juin 2022 pour ses quarante ans d’existence et de lutte, les représentants d’Aspasie présentent une rétrospective sur ces quarante années d’actions avec les travailleur·euse·x·s du sexe à Genève (TDS) et reviennet sur des moments clefs de l’histoire de l’association comme sur l’histoire du travail du sexe à Genève. Cette rétrospective se déroulera de 18h à 20h puis la soirée se poursuivra jusqu’à 04h00 avec des performances artistiques et des DJs dans ce lieu exceptionnel décoré pour l’occasion.
Philénis, la nouvelle initiative immobilière d’Aspasie
2022 est aussi l’occasion pour Aspasie d’une initiative pionnière et novatrice : la création d’une fondation immobilière, Philénis, dont le but est de favoriser l’autonomie et l’indépendance des travailleur·euse·x·s du sexe en mettant notamment à leur disposition des lieux de travail et de vie à prix équitable.
En effet, malgré une loi (L-PROST) dont l’objectif est de garantir la protection des travailleur·euse·x·s du sexe à Genève, les conditions d’exercice de cette activité restent problématiques à de nombreux égards. Des scandales qui ont défrayé la chronique… On songe aux faveurs sexuelles obtenues par des représentants des forces de l’ordre à Genève qui avaient passé un accord avec le gérant d’un bar à hôtesses des Pâquis. Les rapports de forte dépendance entre les des travailleur·euse·x·s du sexe et les gérant·e·x·s des établissements érotiques ou autres professionnel·lle·x·s engendrent la mise à disposition d’appartements avec des conditions souvent abusives, les situations d’usure, les mauvaises conditions de travail, l’insalubrité, pour ne mentionner que les problèmes majeurs qui demeurent beaucoup trop fréquents et maintiennent beaucoup de des travailleur·euse·x·s du sexe dans la précarité. C’est pourquoi, afin de lutter contre ces situations, Astasie vient de créer une fondation immobilière, la fondation Philénis :
« Grace à des soutiens exceptionnels, Philénis a pu acquérir un immeuble au cœur des Pâquis, quartier traditionnel du travail de sexe, à Genève. Cette fondation, qui bénéficie du plein soutien des autorités genevoises, va ainsi mettre à disposition des locaux pour permettre aux travailleur·euse·x·s du sexe de travailler et vivre, dans un cadre qui favorise une réelle indépendance et qui limite les pressions financières en évitant le recours aux intermédiaires. »
Philénis contribuera et développera aussi des projets et des activités qui favoriseront les droits des travailleur·euse·x·s du sexe. Au-delà de ce premier immeuble, la Fondation œuvrera à développer d’autres lieux qui visent ces mêmes objectifs. La première pierre, au sens propre et figuré, d’un toit qui protègera les des travailleur·euse·x·s du sexe en les libérant du joug financier, psychologique et parfois physique des gérants.
Rencontre avec Pénélope Giacardy coordinatrice d’Aspasie:
Firouz E. Pillet
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