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IFFR 2024 – The Ballad of Suzanne Césaire un film-essai sur l’écrivaine martiniquaise

Tout le monde connaît, ou du moins a déjà entendu parler d’Aimé Césaire, le célèbre poète et homme politique martiniquais. Il est le créateur, aux côtés de Léopold Sédar Senghor et Léon Gontran Damas, du mouvement politique, culturel et littéraire connu sous le nom de « La Négritude ». Mais qui connaît son épouse, Suzanne Césaire ? Professeure de lettres, militante féministe et politique, elle était également écrivaine, autrice d’une brève œuvre dont il ne reste que sept textes publiés pendant la Seconde guerre mondiale dans la revue qu’elle avait co-fondée avec son mari, Tropiques.

— Zita Hanrot et Motell Foster – The Ballad of Suzanne Césaire
Image courtoisie IFFR

L’artiste plasticienne étasunienne, Madeleine Hunt-Ehrlich, puise son inspiration dans les écrits de Suzanne Césaire pour créer un film-essai qui laisse une large place à l’interprétation du spectateur, de la spectatrice. L’œuvre soulève diverses questions : s’agit-il d’un hommage à une figure méconnue ? D’une mise à jour historique sur la contribution de la Martiniquaise au mouvement afro-surréaliste ? D’une mise en lumière de l’invisibilisation des femmes dans l’espace culturel ? Ou peut-être d’une mise en abîme cinématographique avec un film dans le film ?

La réalisatrice, dans sa note d’intention, partage une réflexion personnelle. En devenant mère, tout en plongeant dans les archives de Suzanne Césaire, elle a été frappée par la manière dont les extraits fragmentés, chargés d’un regard social et poétique perspicace sur le monde, devaient constamment être interrompus par les exigences de son rôle de mère de six enfants qu’elle avait eu avec Aimé Césaire.

« Dans notre film, le fragment devient une structure centrale et une idée sur la façon dont le cinéma peut narrer des histoires. Plutôt que de l’utiliser pour lisser les aspérités de l’histoire, le cinéma nous précipite là où le connu s’arrête. Cette ballade se présente comme une romance post-moderne, un biopic qui reconnaît que les raisons pour lesquelles nous réfléchissons à l’histoire sont toujours influencées par les besoins les plus pressants du présent. »

Une actrice et jeune mère, interprétée par Zita Hanrot, se retrouve hantée par des voix alors qu’elle s’immerge dans le rôle de l’écrivaine Suzanne Césaire. Au cœur des paisibles palmeraies tropicales, un petit groupe de cinéastes et d’acteur·trices confronte l’histoire de Suzanne Césaire dans sa jeunesse. Ils répètent leurs textes et mettent en scène des passages de sa vie. Ce procédé disruptif perturbe la mémoire historique d’une personne dont la biographie n’a pas été suffisamment explorée. Madeleine Hunt-Ehrlich réussit à entremêler narration et abstraction dans une entreprise à la fois cérébrale, qui trouve son essence dans la lecture, et organique, portée par le hors-champ, les images de la nature et ses sons, ainsi que les chants de la chanteuse Sabine McCalla.

Loin du biopic classique boursouflé d’intentions hagiographiques, The Ballad of Suzanne Césaire, basé en partie sur l’essai publié dans la revue Guernica en 2017, Surrealist Refugees in the Tropics, propose une vision fragmentée de sa protagoniste où la proximité sensitive entre sa réalisatrice et son sujet affleure de manière délicate, tissant un récit singulier et captivant qui transcende les conventions du genre.

De Madeleine Hunt-Ehrlich; avec Zita Hanrot, Motell Foster, Josué Gutierrez, Reese Antoinette; États-Unis; 2024; 75 minutes.

Malik Berkati

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