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La Charte la plus ancienne de Bosnie-Herzégovine fête ses 828 ans

Rédigé à l’été 1189 en vieux bosnien, Bosancica, par le souverain de Bosnie-Herzégovine, Kulin- ban, ce document diplomatique d’une page envoyé au prince de Dubrovnik, Krvas et aux autres citadins de cette ville dalmate indépendante, est le plus vieux document des pays slaves de l’Europe du sud-est.

— Copy “B” of the Charter of Ban Kulin.
commons.wikimedia.org

D’une valeur inestimable La Charte existe en trois exemplaires : deux se trouvent dans les archives de Dubrovnik et le troisième à Saint-Petersbourg. En comparant ces trois documents, les experts ont supposé qu’un seul est l’original, sans pour autant se mettre d’accord sur lequel! La Charte est un témoignage des profondes racines de l’héritage historique, culturel et linguistique de la Bosnie-Herzégovine moyenâgeuse et confirme l’indépendance de Kulin et de son puissant État. Elle représente aussi l’acte de naissance du pays.

Kulin-ban né avant 1163 et mort en 1204 a gouverné entre 1180 et l’année de sa disparition. Il a été nommé ban, ce qui signifie monarque, par l’empereur byzantin Manuel Ier Comnène. Kulin a fondé la dynastie Kulic – catholique, Kulinic – orthodoxe et Kulenovic, d’abord bogomile puis musulmane. En 1183 Kulin devient l’allié du roi hongrois Béla III qui a attaqué Empire byzantin. A cette période le territoire de la Bosnie-Herzégovine s’entendait entre Vrhbosna, Usora, Soli,Tuzla, Donji kraji et Rama.

A l’époque, les hérétiques appelés Bogomiles étaient chassés de Serbie et sont venus en nombre en Bosnie-Herzégovine. Kulin les tolérait ce qui a pousser le roi de Zeta Dioele, Vukan Nemanjic, à écrire au pape qui fut prévenu le 8 janvier 1199 que Kulin était devenu hérétique, abandonnant la chrétienté. Il a aussi accueilli des bogomiles en provenance de Trogir et Split, les grandes villes dalmates. Les Hongrois et Serbes ont voulu partager les territoires de Bosnie-Herzégovine en accusant Kulin-ban de faire du bogomilisme la religion d’État. Le pape Innocent III a immédiatement entrepris une croisade, obligeant Kulin à se rendre à Bilino Polje le 6 avril 1203.

A l’ombre de l’hérésie

Le souverain a rencontré le messager du pape  Jean de Kozémans, le légat pontifical pour les Balkans, et a officiellement déclaré son appartenance à l’Église catholique romaine. Vukan suivi par la plupart des nobles a vu ce geste comme purement politique et l’intention de Kulin d’éviter la guerre à n’importe quel prix. Il a demandé au pape d’ordonner au souverain hongrois d’extirper l’hérésie de la Bosnie-Herzégovine. Les deux dernières années de sa vie Kulin, a soutenu le roi serbe Stephan Nemanja contre Vukan. En 1204 le descendant de Kotroman le Goth, plus connu comme Kotroman l’Allemand,  est venu en Bosnie-Herzégovine et s’est installé comme légitime héritier de la dynastie Kotromanic qui a succédé à celle de Kulin. Son fils Stjepan est devenu ban la même année.

Selon les dernières conclusions des experts, l’original de la Charte se trouverait en Russie car l’ancien consul de cet État l’aurait acheté au marché de Dubrovnik, ou elle avait fini après une incendie. Mais la rumeur persistante raconte qu’un orthodoxe de Sarajevo l’aurait volée en fouillant des dossiers d’État et l’aurait emportée en Russie, pays qui ne souhaite pas la rendre à la Bosnie-Herzégovine qui a tenté plusieurs fois de faire revenir la Charte dans sa capitale, mais sans succès. Les Russes expliquent que l’acte fut trouvé à Dubrovnik et comme il représente le deuxième plus vieux document slave, il  lui appartient, car la Russe est une sorte de “gardienne du slavisme”!

Du côté de la Croatie, l’État bosnien n’a jamais demandé officiellement la reddition de la Charte. La Croatie l’a prêtée temporairement à l’occasion d’un exposition à Mostar avant de la reprendre. D’autres exemplaires ont été gardé à Vienne depuis 1832 mais rendus à Dubrovnik peu après grâce à un contrat passé entre la Yougoslavie et l’Autriche sur les échanges d’archives.

Deux copies de la Charte ont été longtemps utilisées comme modèle d’élaboration de contrats internationaux entre Dubrovnik et d’autres États slaves de la région.

Djenana Mujadzic

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Rédactrice / Reporter (basée/based Paris)

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