Madame Hyde : une relecture contemporaine et très libre de la nouvelle de Stevenson
De professeure de physique timide, ridiculisée par ses collègues et méprisée par ses élèves, Mme Gékyl (Isabelle Huppert, excellente, comme à l’accoutumée) est déterminée à s’affirmer et à se faire dorénavant respecter. Que s’est-il passé durant cette nuit orageuse alors qu’un coup de foudre s’abat sur le laboratoire où Madame Gékyl fait des expériences ? Devenue Mme Hyde grâce à un choc électrique puissant tombé du ciel, elle se mue en femme de feu et va être en mesure de tout changer dans sa vie, méconnaissable pour son mari (José Garcia), homme au foyer, comme pour le facétieux directeur d’établissement (Romain Duris, qui excelle dans un jeu maniéré) où elle enseigne.
Le film de Serge Bozon, écrit avec Axelle Ropert, offre une interprétation extraordinairement originale de l’œuvre de Stevenson, mêlant harmonieusement comédie, mélodrame, satire sociale, le genre de super-héros et des soupçons d’horreur du positivisme du XIXème siècle. La chute, indécise, laisse une sentiment de confusion.
Comme le titre le laisse supposer, Bozon se livre avec Madame Hyde à une relecture très libre de la nouvelle L’Etrange cas du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde de Robert Louis Stevenson.
Le Français Serge Bozon, qui s’illustre plus comme acteur que réalisateur, a présenté à Locarno un film courageux, teinté de surnaturel, servi brillamment par d’excellents acteurs dont Isabelle Huppert, Romain Duris et José Garcia utilisés à contre-emploi, ce qui rend leurs prestations encore plus savoureuses. Malgré un départ qui fleure la comédie classique à la française, le film de Bozon évoluera en mélodrame fantastique, teinté de surnaturel.
Quel est le dessein de Bozon ? Rien n’est moins clair. Ce qui est plus limpide est la progressive éradication de la rationalité cartésienne, l’abondance de messages (conseils de la professeure à l’intention de Malik, un élève handicapé à l’intelligence supérieure) qu’elle incite à travailler ses compétences au lieu de se rebeller, et les significations philisophico-existentielles qui tombent par hasard au cours du récit. Mais s’agit-il réellement de hasard ?
La réussite du film est qu’il parvient à nous faire oublier certaines limites dans la résolution confuse et difficile des problèmes. La pluralité des genres et des registres, nourrie par d’abondantes métaphores, choisie formellement par le réalisateur aurait pu être un exercice périlleux mais est sauvé par une unité de style.
La presse francophone a été séduite par l’exercice, la presse internationale a eu plus de la peine à l’apprécier.
Firouz E. Pillet, Locarno
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