Mostra 2017 : Downsizing, satire sociale futuriste d’Alexander Payne, fait l’ouverture de la 74ème édition
Le cinéaste américain Alexander Payne était très attendu à la Mostra de Venise tant par la presse que par les festivaliers.
Alexander Payne a habitué le public à des films sur des hommes américains d’âge moyen et issu de la classe moyenne (on se souvient de Nebraska, présenté à Cannes). La dernière réalisation du cinéaste était donc très attendue au Lido puisqu’Alexander Payne est sorti de sa zone de confort pour oser une fantaisie futuriste avec Downsizing.
Certes, son protagoniste, Paul Safranek (Matt Damon) incarne un homme américain d’âge moyen et de classe moyenne. Marié à Audrey (Kristen Wiig), tous deux aspirent à une vie meilleure qu’ils ne peuvent s’offrir … A moins qu’ils acceptent de changer de taille, de manière irréversible, pour aller vivre à Leisureland et sauver ainsi la planète.
En effet, des scientifiques de Norvège ont découvert comment rétrécir les cellules humaines afin que la masse et la matière d’une personne puissent être “réduites” de seulement douze centimètres de hauteur. Les scientifiques scandinaves présentent cette nouvelle échelle humaine comme la réponse à la plus grande menace de l’humanité: la surpopulation avec ses corollaires : le réchauffement climatique, la fonte de la calotte glaciaire, la fuite de gaz toxiques. En réduisant l’échelle, les humains peuvent réduire leur empreinte carbone, leur consommation, leurs déchets, leur espace et la planète peut continuer à connaître la vie sur Terre. Cette solution est présentée comme la panacée avant que des dommages irréversibles effacent notre espèce entière.
Cependant, les bonnes intentions du scientifique sont instantanément déformées par les mêmes désirs qui alimentent la consommation humaine de plus en plus excessive. En cinq ans, bien que seulement trois pour cent de la population mondiale ait subi cette transformation, devenir petit est devenu synonyme de devenir instantanément riches au-delà de vos rêves les plus fous. Ces communautés vivent dans des communautés à bulles fabriquées à but lucratif. Paul et Audrey en visite au Nouveau-Mexique rencontrent un couple d’amis rétrécis (Neil Patrick Harris et Laura Dern) qui jouent dans un sitcom dans lequel le mari se vante de sa grande maison tandis que sa femme prend un bain à bulles et parle de sa journée, consacrée au sport et à l’achat de bijoux. Le mari est sur le point de se fâcher, mais apprend que le coût total des nouvelles boucles d’oreilles, le bracelet et le collier correspondent à 83 $. Eclats de rire dans l’assemblée de journalistes qui auront de nombreuses occasions de rire de bon cœur aux répliques et aux situations décalées que sert en abondance le cinéaste tout au long de son film. Paul et Audrey se décident à tenter le grand saut vers Leisureland. Mais, à son réveil, paul découvre qu’Audrey a pris peur, in extremis, et est retournée vivre chez les «grands ».
Avant la première au Festival du film de Venise aujourd’hui, Payne a décrit le projet comme similaire à Black Mirror. Cependant, de nombreuses situations reflètent les doubles facettes technologiques et soulignent les revers sombres de la méthode Downsizing.
Tout en abordant des questions actuelles sur le devenir de l’humanité et de la planète, le film de Payne marque un retour au style des films de Hollywood des années 40 qui tendaient à trouver de l’espoir dans l’humanité. La plupart des principaux héros – Paul Safranek (Matt Damon); Dusan, son voisin cabotin et facétieux (le jubilatoire Christoph Waltz), Hong Chau (Gong Jiang), une rebelle vietnamienne dont tombera amoureux Paul, sont de bonnes personnes et leur voyage les aide à continuer à réaliser de bonnes actions pour les autres. Par instants, malgré la tonalité contemporaine, on songe au roman classique de Jonathan Swift, Gulliver’s Travels, et on assimile Matt Damon à Jimmy Stewart. Paul Safronek, qui a quitté l’école de médecine pour s’occuper de sa mère malade à Omaha, n’est jamais devenu chirurgien malgré ses aptitudes. A Leisureland, il peut enfin mettre à profit ses connaissances et son savoir-faire en aidant les gens de la classe ouvrière en tant que médecin improvisé en les soulageant de leurs douleurs articulaires .
Il y a beaucoup de situations cocasses visuellement, soutenues par des répliques savoureuses. cette tonalité comique n’estompe pas les questions existentielles qu’aborde le film qui se déroule entre une compassion sérieuse et une dérision parfois abrupte. La distribution ingénieuse met chaque acteur dans un rôle qui lui sied à ravir. Se risquant à flirter avec les conventions de la science-fiction pour monter une satire sociale caustique, Alexander Payne a su convaincre. Seul bémol à ce tableau réussi, comme tout film hollywoodien qui se respecte, le périple de Paul à Leisureland se termine par une romance qui détone quelque peu avec la face obscure de l’aventure médicale que les deux heures vingt minutes de Downsizing ont révélée.
Firouz E. Pillet, de la Mostra 2017, Lido