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Mostra 2024 – Giornate Degli Autori : Possibility of Paradise de Mladen Kovačević livre quelques instantanés de vie en quête de bonheur

Qu’y a-t-il à l’est d’Éden ? Pour certain·es, il y a le monde réel, celui dans lequel l’humanité doit vivre depuis qu’Adam et Ève ont été chassé·es du Jardin d’Éden. Pour d’autres, c’est le lieu de l’adversité et de toutes les souffrances auxquelles l’être humain doit faire face. Enfin, pour certain·es, c’est un endroit où tout devient possible, un paradis terrestre où chaque individu peut forger son destin et explorer de multiples chemins. C’est sur cette dernière interprétation que nous entraîne le réalisateur serbe Mladen Kovačević avec Possibility of Paradise.

Possibility of Paradise de Mladen Kovačević
Image courtoisie Taskovski Films

Ostensiblement mis en scène par le cadrage, la lumière, le découpage et le décor, le film propose une incursion dans une forme cinématographique hybride qui brouille les frontières entre documentaire et fiction. Composé de vignettes, il nous invite à pénétrer dans les interstices d’un espace où les transformations et la communication deviennent fluides. Des fragments de vie des habitant·es d’une île indonésienne – certain·es y sont originaires, d’autres y sont établi·es, en voie de l’être ou sur le départ vers d’autres horizons – sont mis en scène, chacun·e dans sa quête existentielle d’un paradis personnel.

Le film s’ouvre sur une longue séquence de sept minutes où un groupe d’élèves nettoie sa classe, joue à des jeux de rôles d’adultes – se projetant dans une représentation de l’avenir, basée sur le modèle familial qu’elles connaissent ou sur leurs lectures – et discute en attendant que la pluie cesse, afin de pouvoir partir.

Mladen Kovačević évite le didactisme, les épiphanies ou les moments extraordinaires, se concentrant sur la banalité des expériences des protagonistes, qui dévoilent petit à petit les chemins du possible. Même le serpent, élément hautement symbolique du paradis, est ici raconté de manière gracieuse, dans une perspective de cohabitation entre l’être humain et l’animal. Le serpent est délicatement attrapé dans le jardin d’une expatriée avant d’être relâché dans la jungle. Le paradigme du paradis lui-même se présente comme un postulat s’affranchissant des frontières objectives pour offrir un narratif résolument terrestre et subjectif.

Cependant, l’habileté du réalisateur permet de faire émerger un commentaire social sans peser directement sur le sujet, en mettant en scène un certain nombre de protagonistes venu∙es d’Europe, d’Océanie ou des États-Unis dans ce cadre paradisiaque qui refoule la figuration du colonialisme dans ce qu’elle véhicule de la quête qui se transforme ici en quête du bonheur personnel.

Cependant, l’habileté du réalisateur permet de faire émerger un commentaire social sans peser directement sur le sujet. Il met en scène plusieurs protagonistes venu·es d’Europe, d’Océanie ou des États-Unis dans ce cadre paradisiaque, qui refoule la figuration du colonialisme et ce qu’elle véhicule de quête de pouvoir, d’abondance et d’élévation, pour la transformer ici en une quête du bonheur personnel.

Après la scène d’ouverture, nous rencontrons une femme européenne fortunée qui construit une villa afin d’y organiser des séminaires avec de jeunes filles vulnérables ; en miroir, nous la voyons recevoir une injection dans le bras, administrée par une infirmière. Nous n’en saurons pas davantage. Ce schéma se répète à chaque étape de ce chemin des possibles, constitué uniquement d’instants de vie qui résonnent facilement avec les émotions et sentiments de tout·e un·e chacun·e. La seule incursion vers un symbolisme plus onirique que naturaliste se manifeste dans une très belle scène où une stripteaseuse, masquée, danse et se dévêt dans l’épaisseur d’une lumière rouge.

A priori, ces personnes et leurs destins n’ont rien à voir les uns avec les autres, mais c’est sans compter sur le lien cosmologique entre les choses et les êtres, cette toile qui tisse l’humanité, avec ses différences, mais aussi ses similitudes et ses motifs récurrents, que l’on soit d’ici ou de là-bas. Étrangement, nous ne nous sentons pas voyeur·es, car partie prenante – pas forcément des modes de vie ou même de notre façon d’envisager notre appartenance au monde, mais plutôt, de manière indéfinissable, de le ressentir, chacun·e à notre manière. À cet égard, une scène poignante révèle les différents chemins et bifurcations que peuvent prendre nos vies : celle d’une jeune Russe installée sur l’île, qui appelle sa mère au téléphone. Celle-ci a fait un grave malaise, est rentrée de l’hôpital, mais pleure au téléphone, terrifiée à l’idée d’être seule et – probablement – de mourir également seule. La jeune femme l’écoute, la réconforte puis, une fois l’appel terminé, va allumer un bâton d’encens sur le petit temple. D’autres auraient peut-être pris le premier avion pour être à ses côtés. Mais comme le suggère Mladen Kovačević, la perspective du paradis est constituée d’une multitude de facettes et de possibilités…

De Mladen Kovačević ; ; avec Ivana Obradović Sahami, Ling Lai, Mcintosh Cooey, Dino Magnatta, Shinta Sukmawati, Anna Kadek, Branko Milovanović; Serbie, Suède; 2024; 75 minutes.

Malik Berkati

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