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Nyad (Insubmersible) – Contre méduses et marées

Dans ce biopic sportif, tous les éléments classiques du genre destinés à rendre hommage à l’individu porté à l’écran : l’exploit personnel qui transcende toutes les difficultés et les coups du destin pour faire triompher la valeur de la persévérance. À ceci près que si l’héroïne est une athlète hors normes, elle est également un être humain complètement auto-centré, à la fois sympathique, touchante et insupportable, déplaisante. On sait gré au duo de cinéastes Elizabeth Chai Vasarhelyi et Jimmy Chin (auteur.rice de Free Solo sur l’ascension par le grimpeur Alex Honnold en solo intégral de la formation rocheuse El Capitan dans la vallée de Yosemite, Oscar du meilleur film documentaire 2019) de ne pas être tombé dans le travers le plus commun des biopics – ne pas oser égratigner son héros ou son héroïne, ou d’enjoliver leurs travers les plus dérangeants – et d’avoir su transposer fidèlement à l’écran la personnalité de la véritable Diana Nyad, comme on le constate, stupéfaits tant le trait semble grossier dans la fiction, à la fin du film dans des extraits télévisés !

— Jodie Foster et Annette Bening – Nyad (Insubmersible)
©2023 Kimberley French/Netflix

Annette Bening endosse avec un enthousiasme manifeste le rôle de cette sexagénaire qui, 30 ans après avoir troqué la natation marathon contre une remarquable carrière de journaliste sportive, se met en tête de retenter, en 2011, l’impressionnante traversée qu’elle n’avait pas réussi à terminer en 1978 : le bras de mer de 177 km qui sépare Cuba de la Floride, traversé par des courants contradictoires, des requins et des méduses extrêmement urticantes. Cette traversée, Nyad, qui porte son nom comme le signe de sa destinée, n’est pas la seule à l’avoir tentée, mais personne n’en est arrivé à bout. Accompagné de sa meilleure amie, Bonnie Stoll (Jodie Foster), qui devient sa coach, son back-up, la cheffe de l’équipe qui se monte autour d’elle et, parfois, sa souffre-douleur, elle se lance dans cet exploit, sans moyens et sans cage de protection contre les requins. L’aventure dure quatre ans pendant lesquels les hauts et les bas s’enchaînent, mais qui, au rythme des tentatives et des images saisissantes de l’abnégation dont elle fait montre, lui amène de la visibilité, des sponsors et des spécialistes dévoués qui viennent compléter son équipe. Car oui, comme souvent dans les épopées sportives, l’exploit porte un nom mais est porté par de nombreuses personnes qui, à divers échelons, participent à la réussite de l’entreprise.

Au cœur de Nyad, la mise en miroir de deux tempéraments opposés, qui font traditionnellement les beaux jours du cinéma buddy movie (L’arme fatale, Thelma et Louise, Men in Black, par exemple), indispensable à cette entreprise titanesque, sur le papier vouée à l’échec : Diana Nyad au caractère volcanique, narcissique et intransigeant face à Bonnie Stoll, îlot de patience et pilier de soutien sur laquelle la nageuse de fond peut à chaque instant s’adosser lorsque les forces manquent. Le duo Bening-Foster joue à plein sur cette amitié indéfectible, les deux actrices fonctionnent parfaitement ensemble, continuant tout au long du film à mettre à l’épreuve le lien profond qui les unit, et, au visionnage des dernières images d’archives, semblent totalement coller à la réelle relation entre les deux femmes.

La dimension psychologique qui pousse Diana Nyad à aller au bout d’elle-même ne s’arrête pas au fait qu’elle refuse cet échec vécu à vingt-huit ans, ni au fait qu’à soixante ans, malgré une réussite professionnelle avérée, elle a le sentiment que le monde pense qu’elle appartient au passé et qu’elle n’a plus grand-chose à lui apporter. Elizabeth Chai Vasarhelyi et Jimmy Chin utilisent les moments d’hallucination dans l’eau et les moments de fatigues intenses sur terre pour distribuer des flashbacks qui petit à petit font remonter à la surface une réalité crue : celle d’un traumatisme dans l’adolescence, un de ceux qui font tragiquement la Une des journaux dans tous les domaines, celui du sport ne commençant qu’à présent à se confronter à sa face sombre.

Pour lire (en anglais) le déroulé de cet exploit par Diana Nyad : https://diananyad.com

Dans les salles depuis le 18 octobre, le 3 novembre sur la plateforme.

De Jimmy Chin et Elizabeth Chai Vasarhelyi; avec Annette Bening, Jodie Foster, Rhys Ifans, Johnny Solo, Ethan Jones Romero, Jeena Yi, Luke Cosgrove, Anna Harriette Pittman, Karly Rothenberg, Samantha Gordon; États-Unis; 2023; 120 minutes.

Malik Berkati

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