Palestine, Filmer C’est Exister (PFC’E), du 28 novembre au 2 décembre 2024 à Genève. Des Rencontres cinématographiques plus nécessaires que jamais pour témoigner de la tragédie palestinienne !
Depuis le 8 octobre 2023, le monde semble se diviser entre celles et ceux qui inscrivent un nouveau récit à partir du 7 octobre 2023 – marqué par l’attaque sanglante du Hamas en Israël, qui a causé la mort de 1205 personnes assassinées ce jour-là ou décédées en captivité à Gaza – et celles et ceux qui insistent sur le fait que ce récit s’enracine 76 ans plus tôt, lors de la Nakba (La Catastrophe). En 1948, cette tragédie a été marquée par des dizaines de massacres de Palestinien·nes et l’exil forcé de centaines de milliers d’entre eux et elles, dépossédé·es de leurs maisons, terres et champs. Depuis, dans une tension plus ou moins constante, le monde observe, souvent dans le silence, une Nakba perpétuelle au cours de laquelle les territoires palestiniens sont grignotés systématiquement.
À ces actes criminels dans les territoires palestiniens occupés, contraires au droit international, se sont ajoutés depuis le 8 octobre 2023 des crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés à Gaza. Pour ces faits, la Cour pénale internationale (CPI) a émis, le 21 novembre 2024, des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant, ainsi que Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas.
Mais l’image reste cruellement absente des écrans dits occidentaux. Cela s’explique, d’une part, par les actions d’Israël, qui empêche tout témoin extérieur de documenter les crimes commis à Gaza en interdisant l’accès aux journalistes étrangers et en ciblant systématiquement les journalistes gazaouis. Ces derniers, tout comme les travailleur·euses humanitaires également délibérément ciblé∙es – deux catégories protégées par le droit international humanitaire –, tentent pourtant de témoigner depuis l’intérieur. D’autre part, ce silence est renforcé par les biais médiatiques dans la couverture des événements, contribuant ainsi au phénomène de déshumanisation du peuple palestinien, et désormais également du peuple libanais.
Phénomène singulier à l’ère des réseaux sociaux omniprésents, les citoyen·nes de Gaza qui publient des images et des vidéos ne sont pas relayé·es par des médias devenus aveugles. Ces derniers semblent privilégier la reprise des éléments de langage de l’armée israélienne ou les déclarations du porte-parole du gouvernement israélien sans les interroger ni les recouper avec les récits provenant de l’autre côté – celui de l’enfer vécu par un territoire détruit et un peuple massacré, affamé et assoiffé.
Dans une violation systématique des principes fondamentaux du droit international humanitaire, les femmes et les enfants représentent près de 70 % des 43 469 victimes recensées dans la bande de Gaza, selon le rapport du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme, publié le 8 novembre 2024.
Chaque Palestinien·ne, comme chaque être humain sur cette terre, possède un visage, un corps, un cœur, un esprit. Pour les extraire de la masse dans laquelle ils et elles sont invisibilisé·es, vivant∙es ou mort∙es, le cinéma joue un rôle essentiel. Il redonne la parole aux personnes concernées, met des visages sur des histoires, et allie destins singuliers et histoire collective. Il permet de pallier les écrans noirs médiatiques et mettre en lumière la réalité. C’est précisément ce que font, pour la 13e année, les Rencontres Cinématographiques – Palestine, Filmer C’est Exister (PFC’E) à Genève, avec des projections de certains des films sélectionnés organisées également à Saint-Imier, Lausanne et La Chaux-de-Fonds.
PFC’E présentera 26 films (fiction et documentaire) et a choisi de mettre Gaza et ses habitant·es au cœur de chaque projection, avec la présentation de 22 courts-métrages réalisés depuis novembre 2023, réunis dans le projet From Ground Zero, à découvrir au début de chaque séance.
PFC’E a également choisi de braquer les caméras sur le camp de réfugié·es de Jénine, bastion de la résistance palestinienne contre les assauts militaires israéliens. Le Freedom Theatre (à cet égard, voir le documentaire The Journey of the Others de Jaime Villareal, présenté au PFC’E en 2021, qui explore les dynamiques de résistance à travers la culture, le pouvoir symbolique qu’elle véhicule, ainsi que l’effet salvateur qu’elle peut avoir sur des populations en situation de tension permanente) est mis en lumière. Ahmed Tobasi, enfant du camp, comédien et directeur artistique du Freedom Theatre, sera présent pour témoigner après chaque projection de ce programme. Le réalisateur et acteur Mohamed Bakri, père du célèbre acteur palestinien Saleh Bakri, reviendra également à Jénine dans son documentaire Janin, Jenin (2024), pour retrouver les témoins des massacres de 2002.
Voix émergentes : les cinéastes palestinien·nes questionnent leur société
PFC’E continue à promouvoir de jeunes réalisateurs et réalisatrices qui, à travers leur art, interrogent leur société et dénoncent des réalités ignorées : « le chantage à la collaboration imposé par Israël, l’assèchement de la mer Morte, le vol du patrimoine archéologique, ou encore l’ombre omniprésente des disparu·es. Certaines de ces cinéastes ont été formé·es à la faculté de cinéma Dar Al-Kalima à Bethléem. Trois d’entre eux seront partis nous », informe le festival.
La 13e édition de PFC’E s’ouvrira le jeudi 28 novembre à 19 h au MEG avec la projection du premier long-métrage du réalisateur genevois d’origine palestinienne, Yvann Yagchi, Avant il n’y avait rien. Ce film retrace le voyage qu’il effectue dans une colonie en Cisjordanie occupée, à la rencontre de son ami d’enfance devenu colon. Un voyage qui se transforme en une exploration du destin de sa famille et en un témoignage vibrant sur l’injustice et la brutalité de l’occupation. Lire ici la critique et l’interview de Yvann Yagchi.
À noter, un concert le 29 novembre pour une nuit de musique jusqu’à l’aube, avec une carte blanche rap, mettant en avant des rappeurs originaires de Gaza (Sami de Darg Team et El Susi), désormais installés en Europe, aux côtés de Dr Khoul, La Donna et Manal. Deux DJ sets et une prestation d’Isam Elias, pianiste, chanteur et auteur de chansons né à Nazareth, compléteront la soirée. Sa musique, qui mêle rythmes occidentaux – avec le piano et les synthétiseurs comme éléments principaux – et influences afro-orientales, se distingue par une riche diversité. Il est également l’un des deux membres du groupe palestinien Zenobia, fusionnant électro, synthés et dabkeh.
Quant au collectif Activestills, il proposera, du 29 novembre au 11 décembre, au Grütli, à l’Espace Hornung, une exposition de photographies réalisées par Mohammed Zaanoun et Doaa Albaz, photographes de Gaza, ainsi que par Wahaj Bani Moufleh, Faiz Abu Rmeleh, Ahmad Al-Bazz et Basel Adra, photographes de Cisjordanie occupée. Ce dernier est par ailleurs co-réalisateur, avec Yuval Abraham, Hamdan Ballal et Rachel Szor, du documentaire phénomène de l’année, No Other Land, sorti le 31 octobre sur les écrans romands. Lire la critique et l’interview de Basel Adra et Yuval Abraham, publiées lors de la Berlinale 2024.
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Malik Berkati
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