Sortie en Romandie de 107 Mothers (Cenzorka) de Péter Kerekes – Une immersion humaniste dans une prison ukrainienne
Présenté en Première mondiale à la Mostra de Venise 2021, le dernier film du cinéaste slovaque Péter Kerekes a, depuis, remporté de nombreux Prix sur le circuit des festivals internationaux. 107 Mothers sort sur les écrans romands ce mercredi 20 avril 2022.
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Que Péter Kerekes, documentariste multi-primé (66 sezón [66 Seasons], 2003; Cooking History, 2009; Zamatoví teroristi [Velvet Terrorists], 2013) ait remporté le Prix du meilleur scénario à Venise est une reconnaissance majeure du fait que la colonne vertébrale d’un film tient sur sa finesse d’écriture, surtout lorsque le sujet est basé sur une réalité. Combien de biopics, de films historiques ou, comme on a pu le voir à Cottbus avec le film russe d’Alexander Hant In Limbo, lui aussi basé sur un fait réel, peuvent s’écraser brutalement sur le béton de la vraisemblance ? Car oui, aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, partir de la réalité pour créer un film de fiction est une entreprise très complexe qui demande un grand doigté narratif pour trouver l’équilibre entre ce qui existe et les éléments fictionnels qui lient l’ensemble de l’œuvre et son intention. Ivan Ostrochovský et Péter Kerekes ont évité tous les pièges de la perspective démonstrative pour faire confiance au public parfaitement capable de ressentir et de se faire sa propre idée sur la situation à l’écran.
Nous sommes en Ukraine, à Odessa. Lesya (Maryna Klimova ) a assassiné par jalousie son compagnon, ce qui lui vaut une peine de sept ans de privation de liberté dans l’une des prisons pour femmes de la ville. La scène d’ouverture, est celle de son accouchement. Kerekes n’y va pas par quatre chemins – une vague de sursauts a traversé la salle lors de la projection publique –, il filme en gros plan la sortie de l’enfant du ventre de sa mère. Rapidement on repère au fond du plan une femme étrangère au monde hospitalier puisqu’elle porte un uniforme de l’administration pénitentiaire, Iryna, qui observe la scène avec un doux sourire sur le visage et dans les yeux. Elle dirige la section des mères de la prison et, quand les deux femmes rentrent à l’établissement pénitentiaire, c’est elle qui va expliquer les règles qui s’appliquent dorénavant à Lesya. Très vite, on comprend que l’histoire que nous raconte Kerekes n’est pas celle exclusive des prisonnières, des enfants ou des employées de la prison mais celle de toutes ces personnes qui vivent en communauté derrière les barreaux, quel que soit le type de l’uniforme qu’elles portent – détenues, gardiennes, infirmières, travailleuses sociales.
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