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The Exam de Shawkat Amin Korki – Un drame social à suspense d’une grande finesse !

Le cinéma kurde, riche et originaire de plusieurs pays et réalités – Turquie, Irak, Syrie, Iran – reste encore très confidentiel de ce côté du monde en dehors des circuits des festivals. Un de ses fers de lance est le scénariste-réalisateur-producteur kurde irakien Shawkat Amin Korki, récipiendaire de plusieurs prix internationaux. Pour son dernier film, The Exam, il a reçu le prix de la critique internationale (FIPRESCI) à Karlovy Vary et le Prix du meilleur scénario au Festival du film de Tirana. Il n’y a malheureusement pas de sortie en salle prévue en Suisse, mais trigon-film le distribue sur la plateforme suisse de films à la demande que le distributeur gère : filmingo.

— Vania Salar – The Exam
© trigon-film.org

Rojin (Vania Salar) doit réussir l’examen d’entrée à l’université afin d’éviter un mariage arrangé. Si elle est admise, son père la laissera étudier. Pour Shilan (Avan Jamal), sa sœur aînée, il est impensable que Rojin soit assujettie au même destin qui la fait souffrir, enfermée qu’elle est dans un mariage sans amour et sans perspective de développement personnel autre que de donner des enfants à son mari et s’en occuper. La solution : prendre contact avec des malfrats qui organisent un système bien huilé pour faire parvenir aux étudiant.es les réponses aux examens.

L’originalité de ce scénario est la matière complexe qu’il brasse dans une histoire a priori simple. Certes il est question de la condition des femmes dans une société encore corsetée dans les mailles du conservatisme, ainsi que de la corruption endémique qui régit les sociétés en suspens entre la guerre qui n’est jamais loin – à la fois dans les mémoires mais aussi physiquement, en bruit de fond du quotidien – et la construction d’un État moderne. Mais il est aussi question de morale, d’éthique – peut-on nourrir la machine de la viciation pour (se) sauver d’une injustice ? – et d’émancipation, d’autodétermination qui doit se faire de manière volontaire. En effet, Rojin, dépressive depuis que son petit ami a disparu en mer dans un voyage migratoire, se laisse embarquer par sa sœur dans un engrenage ou chacune de leurs actions les entraînent un peu plus dans un dédale de problèmes inextricables. La question de savoir si Shilan déploie autant d’énergie délictueuse au seul service de sa sœur se pose de façon prononcée, tant sa rage contre sa propre vie semble prendre le pas sur la passivité de Rojin et même de son père.
Toutes ces interrogations distillées au fil du récit de Shawkat Amin Korki et Mohamed Reza Gohari, co-scénariste, vont au-delà du décor dans lequel il se meut, lui donnant ce souffle que l’on dénomme communément universel.

The Exam de Shawkat Amin Korki
© trigon-film.org

Le travail de réalisation de Shawkat Amin Korki, ainsi que de son directeur de la photographie Adib Sobhani, est remarquable, avec pour seul bémol le jeu des deux jeunes actrices principales qui manquent un peu d’expérience, particulièrement face à leurs homologues masculins, comme l’acteur et réalisateur (Narcissus Blossom, 2006 ; The Dark Wind, 2016) Hussein Hassan qui joue le mari de Shilan. La finesse de Shawkat Amin Korki se lit également dans l’écriture du rôle des hommes qui, s’ils ne se montrent pas sous leurs meilleurs jours (l’incorruptible y compris), ne sont pas non plus dépeints de manière manichéenne. Comme les femmes, ils sont en permanence sous pression, que ce soit celle de la société, de la situation économique… ou même de leur femme comme ce fonctionnaire qui essaie aussi de passer les examens d’entrée à l’université afin de pouvoir espérer un avancement dans sa carrière, poussé en cela par son épouse. Shawkat Amin Korki évite ainsi l’écueil de la moralisation ; d’ailleurs il n’y a pas vraiment de morale à ce film, la fin nous montre plutôt que, comme dans toutes les sociétés fragiles, il y a surtout des perdants face à ceux qui peuvent appuyer sur les ressorts véreux pour s’en sortir et, si possible, continuer à développer leur univers malfaisant.

La plateforme filmingo a eu la bonne idée de mettre en ligne les trois longs métrages précédents de Shawkat Amin Korki et ainsi de faire découvrir son univers cinématographique : Crossing the Dust (2006), Kick Off (2009) et Memories on Stone (2014).
Cliquez ici pour regarder The Exam.

De Shawkat Amin Korki; avec Avan Jamal, Vania Salar, Shwan Attoof, Hussein Hassan, Hushyar Nerwayi; Allemagne, Kurdistan irakien, Qatar; 2021; 89 minutes.

Malik Berkati

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