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Berlinale 2023 – Hommage: Avec The Fabelmans, Steven Spielberg rend un vibrant hommage à ses parents sous forme de récit d’apprentissage

La Berlinale décerne cette année l’Ours d’or honorifique à Steven Spielberg pour l’ensemble de sa carrière, avec la section Hommage qui lui est dédié. À côté des classiques E.T, Les Dents de la mer, La Liste de Schindler, Duel, Les Aventuriers de l’arche perdue, Munich et Le Pont des espions, le festival présente son dernier film, The Fabelmans.

— Paul Dano, Mateo Zoryan Francis-DeFord, Michelle Williams – The Fabelmans
© Storyteller Distribution Co., LLC. All Rights Reserved.

Depuis son enfance, le jeune Sammy Fabelman (Gabriel LaBelle), rêve de devenir réalisateur. Il grandit dans l’Arizona, dans une époque qui permet de nourrir des rêves de réussite dans cette Amérique des Trente Glorieuses où la forte croissance économique et l’augmentation du niveau de vie semblent accessibles à toutes les familles. Cependant, The Fabelmans rend compte des difficultés économiques et des soubresauts émotionnels de la famille.

Sam vit auprès de ses deux sœurs, Natalie Fabelman (Keeley Karsten) et Reggie Fabelman (Julia Butters), de leur mère Mitzi (Michelle Williams), qui a renoncé à une carrière de pianiste concertiste pour se consacrer à sa famille et vit dans la nostalgie de cette carrière avortée. À leurs côtés, le meilleur ami de Burt, Benny Loewy (Seth Rogen), inséparable de la famille Fabelmans qui semble, a priori, unie et solide. Mais il ne faut pas se fier au vernis rutilant des apparences !

Suivant les déménagements successifs de la famille selon les lieux d’embauche du père Burt (Paul Dano), The Fabelmans suit le passage de l’enfance à l’adolescence puis à l’âge adulte d’un jeune juif américain qui rêve de faire des films dans les années cinquante et soixante, découvrant un antisémitisme exacerbé dans un lycée californien, pendant que ses parents voient leur couple se défaire inexorablement. L’adolescent va un jour découvrir un secret de famille bouleversant. Il va aussi se rendre compte que le cinéma va l’aider à voir et à accepter la vérité. Fort heureusement, la visite surprise de l’oncle maternel Boris Podgomy (Judd Hirsch), joyeux drille truculent, incitera Sam à suivre sa voie !

— Gabriel LaBelle et Judd Hirsch – The Fabelmans
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Puisant tant dans ses souvenirs personnels que dans la mémoire familiale, ce film très personnel de Steven Spielberg livre une ode au pouvoir imaginatif et créatif du septième art. Se nourrissant des racines familiales qui ont contribué à le forger comme l’un des cinéastes majeurs de la seconde moitié du XXème siècle, le récit brille par sa qualité narrative et la virtuosité d’interprétation des comédiens, y compris ceux que l’on aperçoit dans de brèves scènes comme David Lynch interprétant John Ford de manière mémorable dans un nuage opaque de fumée de cigare.

Le réalisateur dévoile, à travers son double à l’écran, Sammy Fabelman, des chapitres ignorés de l’histoire de sa vie, en sachant parfaitement éviter les pièges de l’égocentrisme, du mélodrame larmoyants et de la complaisance à l’égard de sa famille comme de sa propre personne. Révélant avec authenticité quelques vérités émotionnelles de son adolescence, Steven Spielberg déclare son amour tant au cinéma – dont on comprend que cet art devient rapidement une obsession pour l’enfant puis pour le jeune homme – ainsi que pour sa famille imparfaite, bancale mais profondément aimante.

Avec finesse et subtilité, le cinéaste distille cette histoire, son histoire, avec un ton vif, enjoué et souvent drôle, mettant à l’honneur l’humour et l’affection qui unissent la famille, évitant de s’attarder sur le secret de famille ni de s’appesantir sur ses conséquences dramatiques (en particulier pour les enfants) qu’il révélera sans fracas.

Le style aéré et limpide qu’adopte Steven Spielberg lui permet de se replonger dans cette période de sa jeunesse en regardant avec bienveillance et émerveillement toute cette époque se reproduire sous ses yeux, son sens de l’enchantement tourné vers un avenir que Sam ébauche et dont le public imagine sans peine la suite. Empreint de chaleur, de tendresse et de poésie, The Fabelmans propose un aperçu convaincant du contexte et du processus qui ont amené le jeune Sam/Steven à devenir cinéaste. Une immense sincérité et une grande honnêteté, ce qui tirera immanquablement quelques larmes aux spectateurs.

— Mateo Zoryan Francis-DeFord –The Fabelmans
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De son propre aveu, son histoire personnelle transparaît par fragments dans certains de ses films comme E.T. (1982) ou Rencontres du troisième type (1977) mais le cinéaste, qui a perdu son père en 2020 et sa mère en 2017, tenait à leur rendre un hommage plus explicite.

Le pseudonyme choisi par Steven Spielberg, fort judicieux et approprié, se comprend en anglais – Fabelman signifiant littéralement «ceux de la fiction» – mais on se laisse volontiers aller à une autre interprétation en se disant que le cinéaste l’a choisi en pensant aux vocables allemands Fabel, la fable, et Fabelman, l’homme fabuleux. L’une ou l’autre de ces acceptions sied à ravir à Steven Spielberg, lui qui sait si bien conter des histoires !

Le film sort sur les écrans romands le 22 février.

Firouz E. Pillet

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