Cannes 2019 – Claude Lelouch nous offre un film émouvant qui repose pour beaucoup sur la reformation du couple Anouk Aimée – Jean-Louis Trintignant dans Les plus belles années d’une vie
D’ailleurs bien de menus détails du premier volet de leur histoire d’amour sont repris, comme des madeleines de Proust parsemées de-ci de-là et qui ponctuent leur retrouvailles. Par exemple, ce fameux geste naturel qu’avait Anouk sur Un Homme et une femme qui à l’époque lui a été beaucoup reproché, disant qu’elle le faisait trop. Claude Lelouch précise à propos de ce geste récurrent :
Moi je trouvais cela très beau, je l’ai laissé, il est devenu mythique maintenant.
Car Claude Lelouch aime la spontanéité qui lui sert de stimulus. Il précise :
J’avais encore plus envie avec cette suite de faire un film qui le soit. Je ne voulais pas qu’on joue un film mais qu’on soit dans la vie.
Dans le film à propos de Jean-Louis Trintignant, Anouk Aimée dit : « C’était lui et c’était plus lui ». Les spectateurs s’interrogent alors sur ce qui a fondamentalement changé entre ces deux chapitres séparés par un demi-siècle, entre Un homme et une femme et Les plus belles années d’une vie. Une évidence s’impose : au fil des rencontres entre Jean-Louis et Anne, la tendresse et une évidente complicité sont restée intacte même si il n’y a plus la passion.
Mais ce qui a changé pour le cinéaste, c’est la frénésie qui domine notre époque :
On n’a plus le temps. Avant on aimait les films de trois quatre heures, aujourd’hui on ne supporte plus qu’un film fasse plus de deux heures. Le temps s’est raccourci et en même temps on vit plus longtemps.
Filmer, cinquante-deux ans plus tard, un très vieil homme et une très vieille femme, même si elle est restée lumineuse, c’est un exercice périlleux que Jean-Louis Trintignant a longtemps refusé alors qu’Anouk Aimée a tout de suite accepté. Alors, quelle joie de les retrouver sur l’air de lafameuse chanson du chabadabada.
Cette comédie dramatique habitée par une magnifique romance est aussi l’histoire d’ une génération, qui est en train de disparaître. En effet, Trintignant, c’est bien sûr le Jean-Louis du film mythique, mais c’est aussi Michel dans Et Dieu créa la femme de Roger Vadim et Roberto dans Le Fanfaron de Dino Risi. Quant à Anouk Aimée (Anne), c’est aussi la Maddalena de La dolce vita de Federico Fellini et la Lola de Jacques Demy… Ce rappel du temps qui passe, inéluctablement, résonne aussi avec une considération existentielle sur la mémoire et ses défaillances, sur les souvenirs et les fantasmes qu’ils engendrent. Lelouch nous entraîne dans des saynètes successives dont on ne perçoit pas clairement si elles relèvent du rêve ou de la réalité : Anouk emmène Jean-Louis dans sa 2 CV mais il se font arrêter par la police nationale car ils roulent trop lentement. Jean-Louis prend le volant et ils se font à nouveau arrêter car, cette fois-ci, ils roulent trop vite, à cent à l’heure sur une route nationale. Puis, Jean-Louis émerge de son rêve …
A propos de son dernier film, très applaudi à Cannes, Claude Lelouch a confié à nos collègues de l’AFP :
J’ai eu peur en faisant ce film comme si je faisais mon premier film, ou mon dernier film. Je l’ai fait vraiment comme un premier et dernier film.
Firouz E. Pillet, Cannes
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