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Cannes 2021 : Dans Benedetta, présenté en compétition,Paul Verhoeven fait prendre le voile à Virginie Efira et suscite les foudres des milieux religieux

Au XVIIème siècle, alors que la peste décime de nombreuses régions de la péninsule italienne, la très jeune Benedetta Carlini (née en 1591 a Vellano, dans la commune de Pescia, dans une famille de riches notables à la fin du XVI siècle et morte en 1661; N.D.L.R.) se rend avec ses parents, Midea Carlini (Clotilde Coureau) et Giuliano Carlini (David Clavel) au Monastère des Théatines pour devenir novice et entrer dans les ordres.

Benedetta de Paul Verhoeven
Image Guy Ferrandis / SBS Productions

Présenté ce vendredi au Festival de Cannes dans la compétition, Benedetta, de Paul Verhoeven, regroupe une distribution imposante.
À commencer par le rôle titre tenu par Virginie Efira qui y joue une jeune nonne du XVIIe siècle, qui va découvrir son désir, et progressivement les joies du plaisir charnel et l’intensité la volupté, avec une jeune novice, Bartolomea (Daphné Patakia), accueillie dans le couvent alors qu’elle fuyait un père violent et incestueux. Le couvent des Thaétines, dans la commune de Pescia, en Toscane, est placée sous la houlette rigoureuse de la Mère Abbesse (Charlotte Rampling) dont la fille, Cristina (Louise Chevillotte), est aussi religieuse.

Benedetta fait de plus en plus de miracles. Encore enfant, elle terrorisait des bandits de grand chemin en les menaçant des pires châtiments. Ses parents n’en revenaient pas et lui donnèrent une éducation religieuse dès le plus jeune âge. La fillette était persuadée d’être l’épouse de Dieu et sa vocation était une évidence pour ses proches mais encore plus pour Benedetta. À tout juste neuf ans, Benedetta arrive, vêtue d’une magnifique robe de soie et portant une couronne de fleurs qui lui sont aussitôt ôtées afin qu’elle endosse la bure des novices qui lui gratte la peau « pour mieux se rapprocher de Dieu », lui assone la Mère Abbesse. Benedetta est capable de faire des miracles et sa présence au sein de sa nouvelle communauté va bouleverser la vie des sœurs. D’ailleurs, la Mère Abbesse reste sur le qui-vive et se méfie de cette nouvelle venue qui semble si habitée par le Christ.

Benedetta de Paul Verhoeven brosse le portrait d’une religieuse aux mœurs contraires à la morale, dans l’Italie conservatrice du XVIIe siècle. Pourtant, les contemporains de Benedetta ont d’autres chats à fouetter car la peste fait de plus en plus de ravages, en particulier à Florence. Benedetta a promis qu’elle intercéderait auprès de Jésus pour préserver les habitants de Pescia. Mais le jour où le Nonce de Florence (Lambert Wilson), appelé en renfort par la Mère Abbesse, arrive au couvent, tout va basculer.

— Lambert Wilson et Virginie Efira – Benedetta
Image Guy Ferrandis / SBS Productions

Paul Verhoeven, octogénaire sémillant et frétillant, semble avoir conservé toute la vivacité de son esprit, si ce n’est d’autres attributs que la morale nous empêche de nommer. Et ses fantasmes sur la vie dissolue et la propension au péché de la chair de Benedetta ne font aucun doute. Faut-il pour autant qualifier le cinéaste de sulfureux ? À lire les commentaires outragés des internautes issus des milieux religieux, il est certain que son dernier film suscite la controverse. Rencontré au Festival de Locarno en 2000 où le cinéaste néerlandais venait y recevoir un Léopard d’honneur, Paul Verhoeven assumait ouvertement son goût de la provocation. Avec Benedetta, il n’avait aucune raison de s’assagir, bien au contraire !

Les férus de Paul Verhoeven ne seront pas déçus par Benedetta : ce drame historique présente une mise en scène assez classique dans un décor pictural mis en valeur par une photographie soignée mais le dernier opus du cinéaste contient quasiment toutes les obsessions du cinéaste octogénaire qui s’affirme à nouveau comme des esprits les plus libres de sa génération. Après le succès en salles et aux César de Elle avec Isabelle Huppert, Paul Verhoeven retrouve le producteur Saïd Ben Saïd pour mener à bien ce projet plus ambitieux. En sus de l’envergure du film, Benedetta révèle sur grand écran l’ambiance du rapport à la religion que le chaste a toujours entretenu, entre attraction et répulsion, entre rejet et fascination. D’ailleurs, Paul Verheven a longtemps songer à faire un film sur la vie du Christ mais a fini par opter pour un livre, Jésus de Nazareth, paru en 2015. Dans cet ouvrage, Paul Verhoeven osait la comparaison entre Jésus et Che Guevara, recourant à son charisme pour convaincre ses fidèles de l’existence de Dieu. Paul Verhoeven a fait des études de théologie : on lui pardonne ce trait osé … Ou plutôt, on lui donne l’absolution.

Benedetta poursuit dans cette lancée et suscite déjà les passions, voire les critiques intempestives des milieux chrétiens qui qualifient le film de blasphématoire. Dans le film, Benedetta est aussi accusée de blasphème, en particulier quand le Nonce de Florence vient scruter ses stigmates. Sœur Cristina, la fille de la mère abbesse, est persuadée que Benedetta s’est infligée ces blessures. Quand Benedetta semble est le suppôt du Christ, sa voie devient masculine : est-elle possédée ou est-elle folle ? Le Christ prend-il le corps de Benedetta pour parler aux mécréants qui doutent de son existence ? Les contemporains de Benedetta s’interrogent et le public reste dans le doute car le cinéaste se contente de suggérer des pistes, laissant le choix à ses spectatrices et ses spectateurs.

Virginie Efira – Benedetta
Image Guy Ferrandis / SBS Productions

Athée, Paul Verhoeven ose un tableau sulfureux du catholicisme à travers une protagoniste qui goûte avec volupté aux plaisirs de la chair et qui remet en question la vie ecclésiastique et ses dogmes, surtout ébranlant un sujet tabou dans les cloitres : celui de la sexualité. Paul Verhoeven ose aborder des sujets qui conduisaient souvent au bûcher au XVIIème siècle, Au XXIème, ces mêmes sujets semblent susciter autant de remous mais Paul Verhoeven assume pleinement son choix. Certaines scènes des apparitions christiques ont suscité beaucoup d’éclats de rire, ce qui ne devait être l’effet escompté par le cinéaste.

Benedetta est interdit au public âgé de moins de douze ans : évitez d’y aller en famille ! Quant aux âmes pudibondes, abstenez-vous !

Sinon, il n’y pas de quoi damner l’âme d’un cinéphile ! D’ailleurs, sur La Croisette, les journalistes s’attendaient à être électrisés par les scènes intimes entre Virgine Efira et Daphne Patakia mais la gent masculine semble être restée sur sa faim !

Benedetta, qui est en lice pour la Palme d’or du 74ème Festival de Cannes, sort simultanément dans les salles de Suisse romande.

Firouz E. Pillet, Cannes

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Firouz Pillet

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