Cannes 2023 : présenté en compétition, Il sol dell’avvenire (Vers un avenir radieux), de Nanni Moretti, suit les tribulations d’un cinéaste renommé en proie à des difficultés personnelles et professionnelles
Avec Il sol dell’avvenire (Vers un avenir radieux), Nanni Moretti est de retour sur la Croisette, proposant une délicate comédie dramatique qui tire le bilan de la fin du communisme en Italie, sujet du tournage actuel de Giovanni, un cinéaste réputé, dont les certitudes, mais surtout les incertitudes, mettent en scène Mathieu Amalric, Margherita Buy et Silvio Orlando.
Après la parenthèse de Tre piani (2019), seul film basé sur un sujet non original, Nanni Moretti renoue avec la quintessence de son travail et de ses aspirations en proposant avec authenticité un film nostalgique qui se révèle une véritable déclaration d’amour pour le septième art. Il sol dell’avvenire (Vers un avenir radieux) regorge de citations et de références cinématographiques. Avant de tourner son nouveau film, Giovanni veut impérativement voir Lola de Jacques Demy avec Anouk Aimée, en compagnie de sa femme et de sa fille, ou cite Apocalypse Now, de Francis Ford Coppola, pour offrir un exemple d’un film dans lequel la violence n’est pas une fin en soi.
Giovanni, cinéaste italien renommé, s’apprête à entamer le tournage d’une fresque politique sur les communistes italiens en 1956. Mais entre son couple en crise – sa femme, Paola (Margherita Buy) lui annonce qu’elle le quitte -, son coproducteur français, Pierre, (Mathieu Amalric) au bord de la faillite et le monde du cinéma qui change, tout semble jouer contre lui ! En effet, en Italie, le chef de la section Gramsci et rédacteur en chef de l’Unité, Ennio (Silvio Orlando) embrasse l’orthodoxie alors que sa femme milite avec les dissidents. Au fil du temps et de son tournage, Giovanni va devoir arrondir les angles tout en osant prendre la plus grande des libertés : changer la fin de l’Histoire.
Dans une savoureuse mise en abîme, Nanni Moretti invite son public à découvrir un film dans un film en faisant de nombreuses références cinématographiques à celui qui l’a influencé, Federico Fellini à partir des ambiances de cirque. On suit les cogitations existentielles de Giovanni. Parallèlement à la déception des communistes italiens face aux exactions commises par leurs maîtres à penser, les communistes soviétiques, Giovanni découvre que sa fille unique est folle amoureuse de l’ambassadeur polonais (Jerzy Stuhr) à Rome… Qui pourrait être son grand-père. Giovanni peine à garder ses repères dans cette vie qui semblait réglée comme une horloge mais qui se dérobe peu à peu sous ses pieds : sa femme lui révèle qu’elle suit une psychanalyse et a pris un appartement depuis plusieurs mais ne trouvait jamais le moment adéquat pour lui annoncer la fin de leur histoire, son producteur lui promet des sommes d’argent qu’il n’a pas et Giovanni lui non plus ne se sent pas très bien ni dans sa vie ni sur son tournage. Toujours sur la corde raide, Giovanni va devoir repenser sa manière de faire s’il veut mener tout son petit monde vers un avenir radieux.
Si bien des scènes suggèrent un ton comique, Il sol dell’avvenire distille aussi la résignation nostalgique typique du drame à travers les questions existentielles, les doutes, les inquiétudes de Moretti qui, à travers son alter ego Giovanni, flirte avec le moralisme, le sarcasme et une certaine mélancolie.
Nanni Moretti a convoqué Francesca Marciano, Federica Pontremoli et Valia Santella pour écrire ce scénario qui fleure bon le néoréalisme italien des années cinquante. Soutenu par excellente bande-son qui tient à coeur au cinéaste du film dans le film qui souhaitait retracer un pan de l’histoire de l’Italie à travers ses chansons : Voglio vederti dansera, de Franco Battiato, Canzone dell’amore perduto de Fabrizio de André, Lontano de Luigi Tenco, Sono solo parole de Noemi, des classiques de la chanson italienne mais aussi Think d’Aretha Franklin, entre autres.
Il sol dell’avvenire réunit émotion, poésie, drôlerie en explorant les défis auxquels les cinéastes peuvent être confrontés dans leur vie personnelle et professionnelle. Le talent de Nanni Moretti fait à nouveau date en réussissant à combiner de manière habile comédie et drame. Les performances des acteurs et actrices, particulièrement convaincant.es, car bien dirigé.es, réussissent à rendre cette œuvre à la fois délicate et captivante.
Nanni Moretti avait déjà remporté la Palme d’or avec La stanza del figlio (La chambre du fils) en 2001. Pourra-t-il réitérer son précédent succès cette fois-ci ?
ll sol dell’avvenire, bien qu’en compétition à Cannes, est déjà sorti dans les salles italiennes depuis le 20 avril !
Firouz E. Pillet, Cannes
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