Cannes 2023 : Wadaean Julia (Goodbye Julia),du réalisateur soudanais Mohamed Kordofani, présenté dans la section Un Certain Regard, est le premier long métrage soudanais à être présenté sur la Croisette
Wadaean Julia (Goodbye Julia), du réalisateur soudanais Mohamed Kordofani entraîne le public à la veille de la division du Soudan en 2011. Mona (Eiman Yousif) et accablée par la culpabilité après avoir dissimulé un meurtre commis par son mari, Akrsm (Nazar Goma), autoritaire et jaloux. Mona était une excellente chanteuse à la voix envoûtante, mais son mari possessif lui a interdit de chanter. Mona, à la retraite anticipée et contre son gré, se morfond à ne rien faire dans son immense villa du nord du Soudan dans un mariage houleux et tente de se racheter en accueillant la veuve sud-soudanaise du défunt, Julia (Siran Riak), et son fils, Daniel, chez elle. Un jour, Julia fait la rencontre bienveillant et attentionné de Majer (Ge Duany) qui, comme, a perdu toute sa famille pendant la guerre.
Dans Wadaean Julia, deux femmes – l’une du Nord, l’autre du Sud – sont réunies par le destin dans cette relation improbable qui s’avère complexe vu les non-dits mais toutes deux tentent de concilier les différences entre les communautés soudanaises du nord et du sud par l’écoute de chansons et le partage de pas de danse dansable. La bande-son regorge de chansons très entraînantes qui déclenchent des trémoussements chez les spectateurs, mais la réalité socio-politique du pays a tôt fait de rappel au public des heures plus sombres.
Mohamed Kordofani délivre un récit fort, émotionnellement poignant, n’hésitant pas à aborder les sujets difficiles de la persécution religieuse aggravée par un racisme enraciné, viscéral, particulièrement exacerbé chez les Soudanais du Nord, plus clairs de peau, arabophone qui estiment que les Soudanais du Sud, plus foncés de peau et qui parlent le jalabam ne sont bons pas qu’à les servir comme domestiques. Akram va jusqu’à dire à Mona que les Soudanais du Sud sont leurs esclaves, n’ayant aucune considération pour eux.
Si Goodbye Julia peut se dérouler au Soudan entre 2005 et 2010, ce film semble profondément pertinent et, malheureusement, intemporel au regard de ce qui se passe actuellement.
La mise en scène très tenue et très travaillée de Mohamed Kordofani parvient à un subtil équilibre entre les multiples modes du film : entre divers genres, mêlant le drame, le film politique, le film historique et le thriller. Tout le récit est mis en valeur par la beauté de la photographique et la puissance narrative où l’émotion affleure sans ne jamais sombrer dans le mélodrame.
Accordant sur la Croisette une interview avec Variety, Mohamed Kordofani a exprimé l’espoir que son film « puisse être le début d’un mouvement de réconciliation entre tout le peuple soudanais dans le pays ravagé par la guerre ».
Si Wadaean Julia a pu voir le jour, c’est grâce à la production d’Amjad Abu Alala, réalisateur de You Will Die at Twenty, qui a remporté le prix Lion of the Future de la Mostra de Venise pour le meilleur premier long métrage en 2019.
Il ne reste plus qu’à souhaiter que ce magnifique film soit acheté par un distributeur helvétique !
Firouz E. Pillet, Cannes
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