Ciné-Festival 2018 : « Un homme pressé » d’Hervé Mimran, réussit un bel exercice de style, plongeant Fabrice Lucchini, brillant orateur devant réapprendre le langage suite à un AVC – Rencontre
Le Ciné-Festival, qui a succédé à la Fête du Cinéma, créée en 1985, propose fin novembre à Lausanne d’année en année un programme riche en avant-premières en préparation de personnalités du septième art.
C’est dans ce cadre que j:mag a rencontré Hervé Mimran, réalisateur de Un homme pressé, avec Fabrice Lucchini et Leïla Bekhti.
Célèbre pour ses films Tout ce qui brille (2010) et Nous York (2012), le réalisateur et scénariste Hervé Mimran réussit dans son dernier long métrage, Un homme pressé le tour de force de mettre Fabrice Lucchini, orateur rompu à l’exercice de joutes oratoires et de déclamation, féru de littérature et de théâtre à la ville, dans un rôle qui le met dans une situation aux antipodes de ce qu’il vit dans sa vie professionnelle comme privée.
Alain (Fabrice Lucchini), qui est un homme d’affaires respecté et un orateur brillant, court après le temps. Dans sa vie, il n’octroie aucune place pour les loisirs ni la famille. Un jour, il est victime d’un accident vasculaire cérébral qui l’arrête net dans sa course effrénée et entraîne chez lui de profonds troubles de la parole et de la mémoire. Sa rééducation est prise en charge par Jeanne (Leïla Bekhti), une jeune orthophoniste. À force de travail et de patience, Jeanne et Alain vont s’apprivoiser progressivement et apprendre à se connaître. Grâce à la bienveillance et la patience de la jeune femme, l’homme pressé va enfin prendre le temps pour se reconstruire et prendre le temps de vivre.
Hervé Mimran offre un rôle inattendu et à contre-emploi à Fabrice Lucchini. Face à lui Hervé Mimran a placé son actrice fétiche, Leïla Bekhti, qui s’affirme comme une comédienne aux multiples registres au fil des ans.
Exercice de style réussi pour Fabrice Lucchini qui a relevé ce défi en nous faisant comprendre bien des choses malgré les onomatopées qu’il prononce et les incohérences sémantiques qu’il distille en continu. Son personnage nous faut comprendre bien des choses, soulignant combien, dans la société actuelle, les priorités sont mises sur l’abondance, la réussite et les résultats à outrance en oubliant la personne et la qualité de vie.
Généreux dans ses réponses, Hervé Mimran nous a confié moult anecdotes sur sa vie comme sur son œuvre : fils d’un couple pied-noir – son papa du Maroc, sa maman d’Algérie – Hervé Mimran a grandi à Marseille, « loin de la capitale et de l’univers du septième art ». Le cinéaste connaît bien la Suisse pour y être venu en colonie de vacances et raffole du Fendant et de la crème du Gruyère, « des spécialités helvétiques qui n’ont pas passé les frontières », ce qui le désole. Enfin, Hervé Mimran, très loquace, nous révèle que la source d’inspiration de son dernier film provient de Christian Streiff, PDG dans l’industrie automobile, qui a tenté de cacher son état pendant plus de trois mois pour recouvrer ses capacités intellectuelles après trois ans de rééducation et de labeur.
Rencontre avec Hervé Mimran au Beau-Rivage à Ouchy.
Propos recueillis par Firouz-Elisabeth Pillet