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Commémoration de La Journée du Ruban blanc – Prijedor en Bosnie-Herzégovine

Jan Baumgartner, réalisateur-autodidacte de Berne, présente actuellement à Genève, Lausanne, Sion et la région du Tessin son long métrage documentaire L’ADN de la dignité (The DNA of Dignity), d’une heure et dix minutes, tourné l’année dernière dans la ville de Prijedor et ses environs ou les populations bosniaques et croates furent enfermées, maltraitées et exterminées dans les camps de Manjaca, Keraterm, Omarska et Trnopolje, situés dans la région du Confin, aujourd’hui utilisés comme des dépôts d’usines ou écoles primaires, de l’entité serbe de Bosnie-Herzégovine.

L’ADN de la dignité (The DNA of Dignity) de Jan Baumgartner
Image courtoisie Jan Baumgartner

Rendre la dignité aux victimes de guerre bosnienne

Il s’agit d’une histoire vraie, d’une mère cherchant les restes de son fils, depuis trois décennies déjà. Ce film, très représentatif de la situation régionale, est aussi destiné aux survivants et familles des 11 000 disparu.es, dont les corps ne sont toujours pas retrouvés. En janvier dernier, le film a été nommé pour le Prix de Soleure, puis au programme officiel de Crossing Europe Film Festival de Linz et au Thessaloniki Film Festival. En août dernier, ce documentaire fut projeté à la Semaine de la Critique, à Locarno.
Le réalisateur, âgée de 35 ans, a connu la région très jeune, dans le cadre d’un programme d’échanges scolaires. À 16 ans, il a d’abord visité la Croatie, puis la Bosnie-Herzégovine, appréciant l’accueil et hospitalité des habitants. Devenu bilingue, Baumgartner souligne l’existence des préjugés négatifs sur l’Europe du sud-est, toujours très répandus toujours, dans l’occident du Vieux continent.

La Bosnie, comme d’autres pays des Balkans, est peuplé des gens, incroyablement charmants !

Très surpris et impressionné par la faculté de survie des habitant.es, parmi les ruines et les destructions, sans moyens matériels et souvent dans une pauvreté visible, le cinéaste voulait ouvrir la discussion entre les habitants et les aider à reconstruire le pays :

Même aujourd’hui, les impacts de balles dans la plupart de maisons sont un rappel de la guerre. Beaucoup de personnes ont leur propre histoire de souffrances, ayant perdu leurs proches.

La terre parle

Plus de trente ans après le conflit, 11 000 personnes sont officiellement portées disparus. Mais leur nombre est beaucoup plus élevé et de nombreux artistes internationaux, partagent l’opinion des locaux, condamnant la tendance incompréhensible des puissants à cacher ce chiffre qui tourne plutôt autour des 250 000 morts que des 100 000 officiellement. Le réalisateur ne pose pas la question de la culpabilité qui fera l’objet de son futur projet, déjà en développement. Il n’a pas tourné de scènes choquantes ni de crime, il s’est uniquement appuyé sur l’effet de sensibilité.

Je veux montrer qu’il y a un espoir… chaque personne identifiée donne aux endeuillé.es la possibilité de justice, certes très lente en Bosnie-Herzégovine, mais qui est existante.

Le cinéaste, aussi scénariste et producteur du film, espère envoyer un message universel, provoquer et stimuler les discussions et les débats évolutifs sur le conflit, qui fut cruel et très au-delà des traités de paix et du cessez-le-feu. D’abord infirmier diplômé, le cinéaste travaille aussi pour Spitex, les Services d’aide et de soins à domicile du canton de Berne. Il a filmé toute la procédure de fouilles des fosses communes et des analyses digitales, appliquées par le corps médical à la recherche de l’identité des victimes. Ce documentaire apporte une nouvelle dimension à l’anthropologie, l’archéologie ou la criminalistique. D’abord le lien avec la Commission internationale pour les personnes disparues (CIPD) :

Ils et elles sont jeunes entre 35 et 45 ans. Surtout, les femmes sont nombreuses à vouloir résoudre ce vrai puzzle et trouver les identités des restes anonymes. Les spécialistes utilisent avec précaution des bases de données d’ADN, et comparent des échantillons de références sanguines de la population locale, recherchant leurs proches.

Ce n’est pas la première fois que Jan Baumgartner travaille sur cette guerre balkanique. Il a déjà élaboré le sujet dans son court métrage La terre qui parle (Talking Soil), dont la première mondiale a eu lieu au Festival du Film de Sarajevo, en 2018. Il s’agissait du déminage du sol très endommagé, entrepris par d’anciens combattants devenus démineurs, à la recherche des milliers de mines très dangereuses, enfouies dans la terre.

— La Journée du Ruban blanc à Prijedor le 31 mai 2015
Image courtoisie Anadolu Ajansı

Jan Baumgratner a tenu à participer à la grande commémoration des Brassards Blancs, célébrée dans de nombreux pays les 30 et 31 mai. Le 31 mai 1992, les autorités serbes de Bosnie à Prijedor (et plus tard dans d’autres localités) ont donné l’ordre, via la radio locale, à la population non serbe de marquer leurs maisons avec des drapeaux blancs et de porter un ruban blanc autour de leurs manches pour que les non-Serbes puissent être repérés dans la rue. Les survivants de Prijedor ont rendu hommage aux 4000 victimes qui ont perdu la vie tout au début de la guerre, au printemps 1992. Parmi eux, il y a eu 102 enfants. Leurs bourreaux ont souvent échappé à la prison en passant la frontière serbe, continuant leur existence comme des citoyens dits-honorables, dans l’État voisin.

Djenana Mujadzic

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Rédactrice / Reporter (basée/based Paris)

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