L’Asie de l’est au palmarès de la 64e Berlinale
L’an passé, l’Europe de l’est était à l’honneur. Cette année, c’est au tour de l’Asie de l’est avec quatre distinctions sur les huit Ours attribués par le jury international composé du producteur et scénariste étasunien James Schamus (président), de la productrice Barbara Broccoli (USA), de l’actrice danoise Trine Dyrholm, de la réalisatrice iranienne Mitra Farahani, de l’actrice étasunienne Greta Gerwig, du réalisateur français Michel Gondry et des acteurs Tony Leung (Hong Kong) et Christoph Waltz (Autriche).
Tout palmarès fait des heureux et des mécontents: juger un film reste avant tout un acte subjectif. Si l’on peut être en désaccord avec certains prix, il est rare que le résultat laisse une impression générale aussi froide. Froide comme le film primé dont le titre à l’international est: Black Coal, Thin Ice (Charbon noir, fine glace). Les films norvégien et britannique ont été à notre avis injustement oubliés par le jury.
Peut-être que le tropisme chinois du président du jury qui a collaboré sur tous les films de Ang Lee depuis Pushing Hands y est pour quelque chose…
Ours d’Or : Bai Ri Yan Huo (Black Coal, Thin Ice), de Diao Yinan, République populaire de Chine.
Histoire noire, violente, très bien jouée certes, avec une réalisation très maîtrisée mais à vrai dire, le sens de ce film nous a échappé. Lire le synopsis en anglais.
Notre avis : Ce film n’est certainement pas le meilleur film de la compétition, ce prix est incompréhensible pour les journalistes qui ont vu les 20 films soumis au jury. Il est vrai que cette année aucun film présenté ne sortait de manière évidente du lot. Il était plus facile de dire quel film ne méritait pas de gagner plutôt que l’inverse. Ceci dit, cette Berlinale a été très marquée par le cinéma de genre, film noir, avec beaucoup de violence. Au moins cette tendance a été primée !
Prix du meilleur acteur, Ours d’Argent : Liao Fan dans Bai Ri Yan Huo (Black Coal, Thin Ice), de Diao Yinan, République populaire de Chine.
Notre avis : Ce prix se tient, même si dans le genre sombre, violent et désespéré, l’acteur grec Vangelis Mourikis dans le rôle de Stratos, le justicier noir To mikro psari de Yannis Economides, n’aurait pas démérité.
Grand Prix du Jury, Ours d’Argent : The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, États-Unis.
Notre avis : comme nous l’écrivions à la sortie de la projection, ce film est flamboyant et trépidant avec cependant un parti pris esthétique qui agit un peu au détriment de l’histoire.
Alfred-Bauer-Preis pour l’innovation, un film qui ouvre une nouvelle perspective, Ours d’Argent : Alain Resnais pour Aimer, boire et chanter, France.
Absent pour cause de douleur à la hanche, Alain Resnais était représenté par André Dussollier (omniprésent durant cette Berlinale puisqu’à l’affiche de 3 films : Diplomatie de Volker Schlöndorff, La Belle est la Bête de Christophe Gans et Aimer, boire et chanter d’Alain Resnais) et de Jean-Louis Livi producteur des films du réalisateur.
Au téléphone, Alain Resnais a dit à son producteur sa joie d’avoir reçu ce prix mais il a ajouté : « n’oubliez pas qu’il faut que vous travailliez sur mon prochain film ! »
Notre avis : Il est réjouissant de voir ce prix de l’innovation attribué à un réalisateur de 91 ans. Même s’il le film demande impose quelques efforts d’imagination aux spectateur comme nous le signalions ici, s’il fallait lui donner donner un prix, cet Ours est parfait.
Prix de la meilleure réalisation, Ours d’Argent : Richard Linklater pour Boyhood, États-Unis.
Richard Linklater a un fort lien avec la Berlinale. Ses films avec Julie Delpy et Ethan Hawke y ont été présentés et, en 1995, il avait justement gagné le même prix pour Before Sunrise. Il est amusant de constater que les films de ce réalisateur ont un rapport fort avec le temps. Dix-huit ans pour les agaçants Before etc, douze ans pour ce dernier film. Pour Linklater cet art c’est « celui de raconter des histoires, peu importe comment on les fait ». Et c’est une réussite puisque le film a reçu deux autres distinctions, peut-être les plus importantes : celle du prix du public Morgenpost et celle de la Guilde Allemande des Cinémas d’Art et d’Essai.
Notre avis : Absolument mérité, le prix du meilleur film n’aurait pas été volé non plus. Notre critique après la projection.
Prix de la meilleure actrice, Ours d’Argent : Haru Kuroki pour Chiisai Ouchi (The Little House) de Yoji Yamada, Japon.
« Ce n’est pas moi mais l’œuvre de M. Yamada qui a été reconnue à travers ce prix. C’est grâce à lui, la chance qu’il m’a donné et sa direction que je suis là. » Voilà comment Haru Kuroki a reçu ce prix. Tout comme l’héroïne du film, Taki, l’actrice est timide et modeste… et porte à merveille le kimono !
Le film du maître japonais est un lent manifeste qui martèle délicatement un message : plus jamais la guerre. Seul reproche à ce film : il fait partie de la catégorie de ceux qui n’en finissent pas de finir. Synopsis en anglais.
Notre avis : Tout comme pour Liao Fan, le prix est mérité mais il aurait aussi pu être attribué à d’autres actrices qui ont des rôles forts, plus particulièrement Lea van Acken, l’adolescente-martyr de Kreuweg.
Prix pour le meilleur scénario, Ours d’Argent : Anna et Dietrich Brüggemann pour Kreuzweg de Dietrich Brüggemann, Allemagne.
« Il existe trois phases dans la réalisation d’un film : l’écriture, le tournage, le montage. Ici nous avons éliminé une phase, celle du montage. L’écriture du scénario n’en prend que plus d’importance. » a dit Dietrich Brüggemann à la remise de son prix. Sa sœur Anna a expliqué comment ils travaillent : « Nous élaborons l’histoire ensemble, nous développons les personnages, discutons de la structure que nous voulons donner au film. C’est Dietrich qui écrit les dialogues. Il me les envoie pour que nous puissions continuer à construire l’histoire dans un sens commun. Nous avons le même regard, la même vision figurative de ce que nous voulons montrer à l’écran. »
Notre avis : Parfaitement mérité. Le scénario est au cordeau puisque le film est construit de plan fixes dont certains peuvent durer 15 minutes : un vrai défi pour les acteurs qui doivent pouvoir s’appuyer sur un texte ne souffrant d’aucune approximation et sonnant toujours juste. L’Ours du meilleur film aurait été tout à fait acceptable. Notre critique à l’issu de la projection.
Prix de la photographie, Ours d’Argent : Zeng Jian pour Tui Na (Blind Massage) de Lou Ye, République populaire de Chine.
Ce sont le réalisateur du film et sa scénariste qui ont reçu le prix pour Zeng Jian absent. Il a cependant envoyé un SMS pour remercier le festival : « C’est la première fois que je remporte un prix pour mon travail de chef opérateur. Ce résultat est le fait d’une grande coopération avec la scénariste, le réalisateur, mais surtout avec les acteurs [aveugles, N.D.A.] qui m’ont conduit à réaliser ce cadrage qui vous a plu. » Le réalisateur a renchérit : « Il est important que ce prix aille pour un film avec des acteurs aveugles. C’est un travail d’équipe qui inclut également l’éclairage, le montage pour la réussite de ce cadrage. »
Notre avis : Comme nous le disions juste après projection, l’image fait partie de la distribution d’acteurs, grâce à elle nous entrons à tâtons dans un monde où l’absence d’image le rend flou à appréhender. La concurrence était rude cette année : rarement autant de films pouvaient prétendre à l’Ours de la meilleure photographie, ceci étant dû principalement aux superbes paysages donnant cadre aux histoires. Il n’est évidemment pas donné à tout le monde de rendre honneur aux paysages les plus qu’ils soient, mais ceux-ci aident tout de même au rendu. Il est juste que ce prix soit revenu à un travail de caméra inventif et original.
D’autres films, primés dans les nombreuses sections parallèles, feront l’objet de critiques lors de leurs sorties. Merci de nous avoir suivis pendant ces 10 jours.
Malik Berkati, Berlin
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