Les crevettes pailletées : un film qui invite dans une joyeuse immersion aux Gay Games, en Croatie, grâce à une équipe de water-polo
Après avoir tenu des propos homophobes, Mathias Le Goff, vice-champion du monde de natation, est condamné à entraîner “Les Crevettes Pailletées”, une équipe de water-polo gay, davantage motivée par la fête que par la compétition. Cet explosif attelage va alors se rendre en Croatie pour participer aux Gay Games, le plus grand rassemblement sportif homosexuel du monde. Le chemin parcouru sera l’occasion pour Mathias de découvrir un univers décalé qui va bousculer tous ses repères et lui permettre de revoir ses priorités dans la vie.
Maxime Govare et Cédric Le Gallo ont co-réalisé le film : si le second fait ses premiers pas derrière la caméra pour un long métrage de fiction (il a réalisé plusieurs reportages et documentaires), le premier est un habitué de la comédie puisqu’on lui doit Toute première fois, film dans lequel un homosexuel de 34 ans sur le point de se marier tombe amoureux d’une femme et Daddy cool.
Le titre du film, Les crevettes pailletées, intrigue et invite à accompagner ces bande de gais lurons (sans jeu de mots) qui se révéleront toujours prêts à s’amuser malgré les douleurs et les épreuves que chacun portent en soi. Le titre du film provient du nom de la propre équipe de water-polo de Cédric Le gallo, Les « Shiny Shrimps ». L’idée d’appeler le film comme cela lui est venue un soir dans une piscine : crevette pour le côté aquatique et pailleté pour le côté festif.
Le titre tient ses promesses et entraîne les spectateurs dans une aventure rocambolesque, faite de fous rires et de joie partagée, de tensions, de heurts mais aussi de réconciliation et de tendresse, mâtinées de solidarité et de ténacité. L’équipe de water-polo commence ses entraînements comme ses compétitions en scandant leur leïmotiv : « Nous allons vous décortiquer car nous sommes les crevettes pailletées ! » A force de les entendre se motiver, on se pique au jeu de les accompagner et de scander avec freinée avec cette équipe de joyeux drilles.
Comme dit plus haut, Les Crevettes pailletées est inspiré de la véritable équipe de water-polo gay avec qui Cédric Le gallo parcourt le monde depuis 2012, de tournois en tournois, dont les derniers Gay Games. Le fait que ce soit inspiré directement au vécu de l’équipe des « Shiny shrimps » donne une dimension véridique qui sonne toujours juste, quelles que soient les situations traversées, et touche, émeut, amuse et convainc. Conscient de vivre une aventure unique qui a changé sa vie, le réalisateur avait envie de défendre les valeurs qui animent son équipe : la liberté, le droit à la différence et à l’outrance et surtout le triomphe de la légèreté sur la gravité de la vie. En amont du film, le réalisateur confie que cette aventure a donné un sens nouveau à ses vie et lui a apporté une communauté heureuse de vivre et solide en amitié :
A une époque, je n’avais pas d’amis gays. Un jour, une amie m’a convaincu de rejoindre cette équipe. Quand je me suis retrouvé avec eux, j’ai trouvé l’ambiance très sympa. J’y suis retourné et puis de fil en aiguille j’ai très rapidement participé à des tournois, et des liens très forts se sont créés. Ils sont devenus mes meilleurs amis. Cette rencontre a changé ma vie… Je ne pensais pas que le fait d’avoir une bande était si important pour s’épanouir et assumer ce que l’on est.
Côté références, Cédric Le Gallo et Maxime Govare revendiquent des films comme Pride (le film de Matthew Warchus, 2014, présenté en séances spéciales de la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes, il remporte la Queer Palm pour la confrontation de deux groupes que tout oppose, des gays très extravertis et des personnages homophobes, N.D.L.R.). Les réalisateurs citent aussi Priscilla, folle du désert ( film australien de Stephen Elliott, 1994) pour l’aspect road trip et extravagant; d’ailleurs, l’épopée des Crevettes pailletées pour se rendre aux Gay Games est réalisée dans un bus touristique à deux étages couleur turquoise et laissant flotter à l’arrière du bus le drapeau arc-en-ciel. Mais Cédric Le Gallo et Maxime Govare revendiquent aussi l’influence de Little Miss Sunshine (réalisé par Jonathan Dayton et Valerie Faris, sorti en 2006 et présenté à Locarno) pour le coté très hétérogène, voire bigarré, du groupe :
Les Crevettes fonctionnent comme une famille, avec ses tensions, son passé qui ressurgit, mais aussi beaucoup de bienveillance .
C’est aussi par le biais de ce sentiment d’appartenance à un groupe à la fois différent mais uni dans une passion commune, un sentiment de partager et de communier dans les hauts et les bas, d’être présent pour autrui et attentif à ses difficultés pour encore mieux partager la joie de vivre et les moments d’insouciance que le film touche et émeut.
On imagine aisément que les scènes dans l’eau ont été particulièrement difficiles à tourner pour les acteurs comme pour les membres de l’équipe technique surtout dans les scènes aquatiques et les scènes de foule mais on comprend que pour le tandem de réalisateurs comme pour le groupe d’acteurs il y a eu certainement quelque chose d’assez jouissif à se retrouver avec quelques centaines figurants, en maillot de bain, avec un mégaphone, une grue et le chef opérateur sous l’eau en train de filmer.
Nicolas Gob, qui incarne Mathias Le Goff, vice-champion du monde de natation condamné à entraîner Les Crevettes Pailletées pour avoir tenu des propos homophobes, tient un rôle fondamental dans le film. A priori rems antipathique et contraint à entraîner ce groupe de gais lurons qu’il exècre, le personnage de Mathias évolue tout au long de ce périple, d’abord par intérêt dans l’espoir de pouvoir se présenter aux sélections pour les compétitions mondiales de natation puis, progressivement, subtilement, de manière intrinsèque, dans une sorte de rédemption, alors que Mathias découvre un monde qui lui est méconnu mais qu’il commence à apprécier à sa juste valeur pour la richesse des personnalités rencontrées.
L’acteur belge dont la carrière est particulièrement riche à la télévision a été révélé au public via la série Les Bleus, premiers pas dans la police, dans laquelle il jouait un policier homosexuel. Nicolas Gob a su rendre avec exactitude l’évolution de son personnage, initialement si antipathique parce qu’il est complètement en dehors de son milieu. L’acteur, si coutumier de rôles de personnages homosexuels à la télévision, se découvre à l’opposé en découvrant une nouvelle manière d’aborder la vie, en même temps que les spectateurs.
Le sujet du film peut inquiéter certains spectateurs qui peuvent redouter un ramassis de clichés ou des répliques exacerbées car, malheureusement, il arrive souvent que des films qui se consacrent à la cause LGBTQ demeurent bien éloignés de la réalité des personnes concernées et ne distillent aucune une vérité ni message pour cette communauté. Le scénario des Crevettes Pailletées comble tous ces manques et sonne toujours juste sans se prendre trop au sérieux pour autant.
Le résultat: un film « feel good », réussi et à l’humour omniprésent malgré les affres que traverse chacun des protagonistes, servis par d’excellents acteurs (pour la plupart gays et qui apportent une justesse à leur rôle), un film dont la bonne humeur nous poursuit bien au-delà de la projection et qui nous donne envie d’écouter Laissez-moi danser, de Dalida, une fois rentrés chez nous, histoire de prolongéer cette bulle de joie et de rire.
Firouz E. Pillet
Sortie en Suisse romande: le 8 mai 2019
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