Les réalisatrices à l’honneur de la 15è édition des Giornate degli Autori de la Mostra de Venise 2018
La 15è édition des Giornate degli Autori, également nommées Venice Days, qui ont lieu pendant le Festival du film de Venise offre, comme chaque année, un riche programme qui complète à merveille la sélection officielle, en privilégiant les œuvres audacieuses et promouvant la diversité du cinéma indépendant mondial.
« Quand nous avons débuté en 2004, nous avions trois mois pour tout organiser »
aime à rappeler le Délégué général des Journées des auteurs, Giorgio Gosetti.
« Nous avions un budget zéro mais des idées en abondance, un défi commun à relever ; nous étions sur la même longueur d’onde que la Biennale. Aujourd’hui nous offrons un programme qui va bien au-delà d’un complément à celui officiel du festival. Nous ouvrons une fenêtre fascinante sur la carrière de nos cinéastes, leurs propres défis et besoins d’expression, et des lignes prospectives sur cette industrie qui connaît des transformations majeures. »
Les 15è Giornate degli Autori proposent comme à l’accoutumée une petite sélection de films, onze cette année sur le millier qui est arrivé aux organisateurs, mais également de nombreuses manifestations ayant lieu dans le cœur des Journées, l’incontournable Villa degli Autori, comme un hommage au cinéaste allemande Alexander Kluge, Lion d’or en 1968 et Lion d’or d’honneur en 1982, un programme intitulé Women’s Tale, la remise d’un prix à l’une des réalisatrice faisant partie du programme de cette année et de nombreuses discussions autour des films présentés. La sélection de cette année se veut un savant mélange de cinéastes établis (comme Rithy Panh qui fait l’ouverture) avec des réalisateur-trice-s émergents, voire débutants, de formats, ainsi qu’un large spectre de genres, puisque les Journées se clôtureront par une comédie.
Comme de nombreux festivals de cette année 2018, une place de choix est réservée aux femmes, que ce soit devant ou derrière l’écran : six des onze films sélectionnés ont été réalisés par des femmes, et de manière générale les protagonistes féminines jouent un rôle crucial dans les films présentés. Les organisateurs insistent sur un point, qui fait d’ailleurs contre-point définitif à la déclaration totalement ridicule de Thierry Frémaux en 2012 qui, en voulant justifier le fait qu’il n’y ait pas une seule réalisatrice dans la compétition officielle de Cannes, disait:
« Comme citoyen, je suis pleinement d’accord avec l’engagement féministe, comme professionnel, je sélectionne des œuvres pour leurs qualités propres. Nous ne serons jamais d’accord pour sélectionner un film qui ne le mérite pas simplement parce qu’il est réalisé par une femme. Cela mènerait à une politique de quota qui desservirait la cause. »
Comme si dans le monde entier, sur toute une année, le délégué général du Festival de Cannes, chargé du choix de la sélection officielle et des films en compétition pour la Palme d’or, et ses collaborateurs n’avaient pas l’occasion de tomber sur un seul film à même d’entrer dans les critères de qualité artistiques de la compétition… même si pour les festivals, les critères artistiques sont loin d’être suffisants pour être sélectionner…
« Ce focus porté sur les femmes est le fruit d’une exploration qui s’est faite sans aucun effort, aucune contrainte puisqu’effectuée sans aucun préjugé. Nous avons sélectionné le meilleur (parmi les films qui nous ont été proposés), et ce meilleur nous l’avons souvent retrouvé dans la caméra des réalisatrices. »
L’affiche 2018: une déclaration imagée claire
Pour les organisateurs de cette section indépendante du festival, la boxeuse qui se trouve sur cette affiche est une réponse à l’alerte lancée par les associations et réseaux audiovisuels féminins critiquant le manque de femmes réalisatrices dans la programmation de la 75e Mostra di Venezia. L’alerte a été lancée par le Women’s Audiovisual Network et soutenue par Women in Film & TV International, WIFT Nordic, WIFT Sweden et par le Swiss Women’s Audiovisual Network.
Cette affiche ayant fait quelques remous, les responsables de la section ont décidé d’expliquer plus avant leur démarche:
Dans cette année où le mot-clé #metoo a dominé l’actualité, nous faisons face aux effets du mouvement féministe le plus puissant du millénaire. Une fois les abus dénoncés et les personnes concernées placés sous les projecteurs, une nouvelle culture doit être reconstruite afin que le rôle des femmes soit reconnu sans discrimination. A l’image d’une boxeuse aux gants rouges regardant son adversaire, sans renoncer à sa féminité, l’édition 2018 des Giornate propose une sélection qui fait de la féminité son point fort, avec des artistes issus de contextes, pays et cultures très divers mais unis dans leur objectif : faire reconnaître l’égalité des chances. Cette année, les réalisatrices des Giornate viennent d’Arabie Saoudite, de Chine, de Belgique, du Brésil, de France, d’Allemagne, ainsi que d’Iran, d’Israël, d’Italie et d’Amérique.
Giorgio Gosetti, directeur des Giornate degli Autori ajoute:
Il existe une motivation réelle de cohérence dans les organisations de femmes et d’exiger une visibilité afin que l’industrie cinématographique puisse se développer grâce à la créativité des femmes. Il ne peut y avoir d’accusations contre le Festival de Venise cette année grâce à Giornate degli Autori : depuis sept ans nous organisons les Women’s Tales en collaboration avec Miu Miu ; il y aura trois jours de projections et d’entretiens avec de grandes personnalités du monde audiovisuel mondial, de l’art, de l’industrie, du journalisme et de la littérature. Il y a maintenant 16 courts métrages réalisés par des réalisateurs établis ou émergents faisant partie de la collection Women’s Tales et deux nouveaux films (réalisés par Dakota Fanning et Haifaa Al-Mansour) seront présentés le 2 septembre dans le cadre de notre sélection officielle. Mais surtout, 6 des 11 longs métrages en compétition au Giornate 2018 ont été réalisés par des réalisatrices. La créativité féminine règne donc en maître à Venise, cette fois-ci, comme beaucoup d’autres fois. C’est pourquoi je souscris au point de vue du réalisateur Alberto Barbera : le cinéma n’est pas une question de quotas de femmes et les films ne sont pas choisis en fonction du sexe des réalisateurs. La force et la créativité des femmes est cependant inégalée et cette manifestation le confirmera.
Le programme complet des Giornati degli Autori jusqu’au 8 septembre 2018
Malik Berkati
http://www.labiennale.org/en/cinema/2018
© j:mag Tous droits réservés