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Marlina, la tueuse en quatre actes : un western rural et féministe venu d’Indonésie

l’Indonésie n’avait présenté aucun film au Festival de Cannes, toutes sections confondues, depuis treize ans. C’est dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs que L’Indonésie est de retour sur la Croisette avec le film de  Mouly Surya, jeune cinéaste indonésienne de trente-cinq ans qui signe un véritable petit bijou dans la veine de Sergio Leone et de Quentin Tarantino.

—  Marlina si pembunuh dalam empat babak (Marlina la tueuse en 4 actes) de Mouly Surya

La caméra de Mouly Surya, soutenue par une musqué lancinante , entraîne les spectateurs au cœur des collines reculées d’une île indonésienne, où  Marlina, une jeune veuve, vit seule. Un jour, surgit un gang venu pour l’attaquer, la violer et la dépouiller de son bétail. Pour se défendre, elle tue plusieurs de ces agresseurs, dont leur chef, Markus. Décidée à obtenir justice et réparation, elle s’engage dans un long périple vers sa propre émancipation. Mais le chemin à parcourir est jonché d’épreuves. Ce film féministe, ravissant visuellement et agréablement joué, alterne les scènes consacrées à la protagoniste avec des panoramas splendides de l’Indonésie rurale.

Marlina la tueuse en 4 actes tisse les éléments de base dans un conte qui se révèle de manière splendide. Accompagnée d’un choix musical judicieux, signé Zeke Khaseli et Yudhi Arfani, le film semble imprégné des mélodies classiques d’Ennio Morricone pour les westerns spaghetti de Sergio Leone, mais sculpte ici sa propre identité en adéquation avec les somptueux décors filmés par Mouly Surya.

Une tension délicieuse surgit dès le début lorsque le Markus (Egi Fedly) aux cheveux longs arrive à moto vers une bicoque isolée, frappe à la porte et s’y installe sans y avoir été invité. Cet homme autoritaire et mal intentionné est absolument sûr de sa supériorité qui semble innée culturellement  en tant que mâle. Non seulement il dit à Marlina (Marsha Timothy) qu’elle va être victime du gang ce soir. Alors qu’il lui ordonne de préparer le repas, Markus lui fait savoir qu’en tant que veuve sexuellement attrayante, elle doit honorer cette bande de bandits comme service public. Il lui commande une soupe de poulet. Marlina la prépare avec un ingrédient qui va surprendre ses invités imposés.

Comme annoncé dans le titre du film, il existe quatre actes, soigneusement annoncés par les chapitres: The Robert, The Journey, The Confession, The Birth (Le vol, le voyage, la confession, la naissance). Ces phrases laconiques laissent place à de nombreuses options narratives créatives dans des contextes où les gens sont plus susceptibles de dégainer un sabre qu’un téléphone portable.

Sur la route principalement déserte menant à la ville et au poste de police les plus proches, Marlina attend un bus tenant deux pièces à conviction pertinentes de la scène de crime. Elle retrouve Novi (Dea Panendra), qui a presque atteint dix mois de grossesse et qui se plaint, exténuée par le refus de son bébé de sortir de son ventre. Alors que Novi se lamente, ce sujet douloureux pour Marlina l’agace. Lorsque le bus arrive enfin, sauf une femme qui est attendue au mariage de son neveu avec deux chevaux comme dot. Cet équipage bigarré et insolite poursuit son voyage vers la ville, perturbé par les deux bandits survivants.

Malgré les apparences d’une société à l’atavisme machiste, les femmes mènent le jeu où les hommes, fondamentalement aveuglés par leur supériorité imposée culturellement, seront cruellement rappelés à l’ordre. Au fil du périple de Marlina, les hommes sont confrontés à leur propre arrogance . Parfois, la caméra est proche et intime, parfois le dialogue est superposé à de larges panoramas, à tel pont qu’on n’arrive à peine à distinguer les humains de paysages.

Dans un souci constant de susciter l’empathie à l’égard de la protagoniste, la cinéaste approfondit le thème de la vengeance à travers ce film de genre très convaincant.

Firouz Pillet, Cannes

Projeté dans le cadre de la reprise de la Quinzaine des Réalisateurs aux Cinémas du Grütli 

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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