Pessac 2018 : Après la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, et Locarno, le Festival de Pessac a mis à l’honneur les Indiens Wayuu dans « Pájaros de verano”
Dans les années 1970, en Colombie, une famille d’indigènes Wayuu se retrouve au cœur de la vente florissante de marijuana à la jeunesse nord-américaine. Ces simples paysans devenus hommes d’affaires vivant dans l’opulence se retrouvent vite dépassés par la hardiesse des pratiques de ce business. Dans le désert de Guajira, une famille Wayuu se met à jouer un rôle de premier plan dans une affaire de drogue et prend rapidement goût à la richesse et au pouvoir. Avidité, honneur et passions s’en mêlent, déclenchant une guerre fratricide et met en péril leurs vies, leur culture, la cohésion du clan et surtout ses traditions séculaires. Pájaros de verano relate la naissance des cartels de la drogue.
Le duo Gallego-Guerra revient au cinéma après le succès du film El abrazo de la serpiente. Cette fois-ci, le tandem raconte dans Pájaros de verano l’histoire d’une famille Wayúu qui, au milieu de l’abondance liée à la marimbera, qui fait verser le sang de sa famille dans le sable de Guajira. Le titre choisi par la distribution francophone – Les oiseaux de passage – ne porter pas la même intention sémantique que le tire d’origine – littéralement « Oiseaux du printemps » : quand on fait allusion au printemps, on imagine le renouveau, la renaissance de la nature, les arbres couverts de bourgeons, les nids abritant des oisillons alors que les oiseaux de passage ne font, par définition, que passer. La différence de titres porte-t-elle en elle la différence de perception liée à la culture respective ?
Rappelons que le tandem, composé de Ciro Guerra et Cristina Gallego a déjà fait parler de lui, avec succès.
Les deux premiers films de Ciro Guerra, L’Ombre de Bogotá et Les Voyages du vent ont été sélectionnés dans de nombreux festivals internationaux, ont été commercialisés dans plusieurs pays et ont reçu plus de 40 prix. L’Étreinte du serpent, son troisième long métrage, a remporté le prix Art Cinéma Award à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes et est devenu le premier film colombien à être nommé pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Cristina Gallego est diplômée de l’université nationale en cinéma. En 2001, elle crée la compagnie Ciudad Lunar avec Ciro Guerra. Ensemble ils produisent ses longs métrages L’Ombre de Bogotá, Les Voyages du vent et L’Étreinte du serpent. Elle a également produit d’autres réalisateurs tels que Pedro Aguilera, Abner Benaim et Annemarie Jacir. Cristina enseigne dans différentes écoles de cinéma et a été invitée comme conférencière aux Nations Unies à Genève.
À travers les yeux de Cristina Gallego et Ciro Guerra, ce film est raconté par les femmes Wayuu, des femmes fortes, sages et imposantes, aux robes aux couleurs bigarrées et formes amples, qui sont les protagonistes du récit du film mais surtout du récit de leur clan.
Comme tous les Wayuu, Zaida est née deux fois. Quand elle a quitté sa mère pour venir au monde pour la première fois et qu’elle a quitté l’isolement, après un an, elle est devenue une femme après ses premières règles. Dans le ranch où elle vit avec les siens, les jours passent écrasés par un soleil ardent et les mois en lunes. Pendant plusieurs lunes, le clan vivait paisiblement, éloigné du monde de la corruption et des tentations faciles, du regard des hommes et des vices terrestres.
Seule dans le ranch, Zaida purifie son âme et nettoie son esprit. Elle s’est nourrie de bouillie pour soigner le corps et s’est baignée à l’aube pour dissiper les mauvaises pensées avec le froid de l’aube. Ursula, sa mère, lui a appris à tisser et à peindre son visage, lui a parlé de la sagesse dont elle aurait besoin si elle devait intervenir dans les conflits de sa famille et l’a aidée à comprendre l’univers à travers les rêves qu’il faut savoir entendre et interpréter. Quand elle était prête, elle part retrouver sa famille lors d’une fête. Dans un rituel de bienvenue lors duquel Zaida effectue une danse envoûtante, elle sera repérée par celui qui deviendra son mari, Rapayet. La dot livrée – trente chèvres, dix vaches, trois mules et des colliers en pierres précieuses (tuma), le mariage peut être conclu. Sur un paysage chatoyant mis en valeur par une photographie lumineuse, les Indiens passent de leurs bicoques en bois et pierres, à travers lesquelles filtre la lumière du soleil, à des bâtisses en béton et en ciment qui marque leur fulgurante ascensions sociale et leur soudaine aisance pécuniaire.
Si Pájaros de verano – parlé en langue Wayuu et espagnole – présente un indéniable intérêt anthropologique (les Indiens Wayuu) et sociologique (la naissance des cartes et du commerce de la drogue vers les États-Unis), le film s’éternise en palabres redondants qui auraient été plus efficaces si moins prépondérants. La surabondance de ces scènes d’accords entre les divers clans offensés qui cherchent à laver leur honneur finissent par lasser et perdent cruellement l’attention des spectateurs, à regret !, les acteurs, et surtout les actrices, hypnotisent par leur beauté, leur port altier et leur présence, discrètes mais efficace dans des rôles-clefs quant au fonctionnement de la société.
Après les Festival de Cannes (Quinzaine des Réalisateurs), de Locarno et de Pessac, Pájaros de verano est l’une des onze productions qui représenteront la Colombie aux prix Oscar et Goya.
Firouz E. Pillet
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