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Sortie en Suisse romande de Terrestrial Verses (Ayeh haye zamini) des cinéastes iraniens Ali Asgari et Alireza Khatami

Certains films, à (très) petit budget, relatent, au premier abord, d’une réalité locale qui, petit à petit, tel l’objectif d’une caméra, s’élargit et englobe dans un grand angle l’esprit de l’universel. Terrestrial Verses (malheureusement intitulé en français Chroniques de Téhéran) de Ali Asgari et Alireza Khatami, présenté dans la section compétition internationale de Cinefest 2023 à Miskolc en Hongrie, après avoir fait sa première à Cannes dans un Certain regard, en est la parfaite illustration.

Ayeh haye zamini (Terrestrial Verses) d’Ali Asgari & Alireza Khatami
Image courtoisie Film Boutique

Ces versets terrestres sont le pendant immanent des dogmes transcendants qui sont au mieux suivis, au pire subis, sans pouvoir être questionnés, puisqu’ils tirent leur impérialisme du niveau métempirique de la réalité. Ali Asgari (Until Tomorrow,2022; Disappearance, 2017) et Alireza Khatami (Oblivion Verses, 2027) font retomber cet espace suréminent de manière implacable par l’absurde qui induit du comique de situation brut, sans concession, tragique dans ses conséquences et surtout parfaitement universaliste. Car la contrainte culturelle, religieuse, administrative, institutionnelle systémique n’est pas l’apanage de certaines cultures, religions ou parties du globe. Chaque saynète – il y en a neuf, ainsi qu’une introduction et une conclusion – renvoie à des mécanismes d’abus de pouvoir, de contrôle social et de soumission bureaucratique qui font écho à ce que tout un chacun a pu vivre ou a été témoin dans sa vie.

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Ali Asgari et Alireza Khatami illustrent ici le propos avec un dispositif aussi simple et radical qu’efficace : face caméra, un∙e protagoniste est la proie d’un∙e interlocuteur∙rice, hors champ, qui tient le levier de la discussion et le sort potentiel de la personne en face d’elle. Les situations de départ sont réalistes et concrètes, leur déroulement frise l’absurde naturaliste, ce qui provoque un humour opportuniste, grinçant et touchant dans la désespérance qu’il véhicule. L’injustice est omniprésente, mais les personnages, de tous horizons de la société de Téhéran, ne se posent pas en victimes, au contraire, ils et elles résistent à leur manière face à l’adversité, déterminé∙es à arracher aux petits potentats auxquels ils et elles ont affaire leur maigre dû de liberté, dévoilant au passage les hypocrisies et la complexité qui traversent cette société. La représentation simple de ces situations permet d’exposer le macro-mécanisme des pouvoirs totalitaires qui se nourrissent de la peur pour maintenir leur hégémonie, à travers les micro-pouvoirs qu’ils instaurent à tous les échelons de la structure sociale, micro-pouvoirs que l’on se retrouvent sous d’autres formes, sous un vernis civil et édulcorant (administration, institution, censure) ou les mêmes formes (harcèlement sexuel, marché du travail, auto-censure) dans les sociétés démocratiques. À cet égard, le fait que l’on ne voie jamais l’interlocuteur∙rice des protagonistes participe à cet effet d’interchangeabilité infini de celles et ceux qui oppressent.

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Lire la critique de Malik Berkati publiée lors du Festival international du film de Miskolc 2023.

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