Astrid : le biopic – portrait de la femme qui se cachait derrière Fifi Brindacier
Fifi Brindacier, Kalle Blomquist ou Ronya, fille de brigand: les histoires d’Astrid Lindgren ont rythmé et animé l’enfance de millions d’individus à travers le monde dont la sous-signée qui avoue, avec nostalgie, avoir été coiffée comme Fifi Brindacier. Grande était donc l’attente de retrouver son héroïne !
Mais la surprise fut d’autant plus grande de découvrir que le film de Pernille Fischer Christensen se focalise sur une période bien précise de la vie d’Astrid Lindgren (Alba August), en 1920, qui, à seize ans et des rêves plein la tête, décroche son premier emploi comme sténo-dactylo pour le journal de son village.
La séquence d’ouverture induit en erreur les spectateurs alors qu’une caméra plongeante filme une femme d’un âge certain, de dos, qui ouvre un abondant courrier de lettres d’enfants qui lui souhaitent un bon anniversaire et la félicitent pour ses ouvrages. Les spectateurs s’imaginent donc que le film de Pernille Fischer Christensen va explorer l’oeuvre d’Astrid Lindgren née Ericsson … Nenni non point !
Pernille Fischer Christensen s’est intéressée au destin chaotique d’une jeune fille suédoise à à Näs, dans le village Vimmerby dans la Suède puritaine où la vie est rythmée par le travail des champs, la messe dominicale et le prêche du curé, et parfois, les sorties au bal du village. À l’église et à la maison, Astrid raconte des histoires à ses frères et sœurs qui en demandent davantage. Une Astrid qui n’est pas invitée par les garçons à danser, mais qui danse ensuite avec son amie Bertha dans un charleston dispersé. Les tresses volent comme Pippi Longstocking (littéralement « Pippi longues-chaussettes ») alias Fifi Brindacier. Et oui ! Il faut se mettre au suédois pour apprécier ce biopic dont le titre original n’aurait laissé plane à aucun doute : Unga Astrid, soit « La jeune Astrid ».
Astrid décroche donc son premier auprès du rédacteur en chef et imprimeur du journal local, Reinhold Blomberg (Henrik Rafaelsen), à Småland. Ses cheveux vont bientôt être coupés. Astrid s’en tient à la nouvelle mode féminine aux cheveux courts des années 1920 et change de coiffure. Malgré le fait que la mère (Maria Bonnevie) la gronde et marque sa désapprobation et que la le hameau de Vimmerby éclate de rire. Astrid ne se démonte pas et assume son choix.
Elle le fait tout au long de ce film savamment raconté. Astrid Lindgren devient bénévole à Vimmerby Tidning et montre à la rédactrice en chef Reinhold Blomberg (Harald Rafaelsen) à quel point elle est douée. Elle tombe amoureuse de son patron. Il est officiellement en instance de divorce, du moins c’est ce qu’il répète à Astrid … Qui se retrouve fille-mère.
Vu le contexte de la campagne suédoise à l’esprit fermé, cette nouvelle sonne le glas de l’enfance protégée d’Astrid dont l’insouciance prend fin de manière abrupte. Astrid doit partir s’établir à Stockholm pour vivre sa grossesse et se rendre au Danemark pour accoucher. Pernille Fischer Christensen prend le parti de montrer toutes les difficultés rencontrées par Astrid qui croit, naïvement, aux promesse de Blomberg, qui lui fait miroiter un mariage et la reconnaissance de son enfant à venir, promesses qui ne seront jamais tenues vu que Reinhold Blomberg, de trente ans son aîné, est marié et père de nombreux enfants officiels.
En tant que jeune femme, Astrid Lindgren dû accepté un chemin qu’elle ne souhaitait pas suivre mais la pression sociale et familiale était plus forte : elle déménage à Stockholm, suit une formation de secrétaire. Les parents ne veulent pas qu’elle montre son ventre arrondi comme elle est célibataire dans son village d’origine. Astrid entend parler de contacts à Copenhague où des femmes suédoises peuvent accoucher sans avoir à indiquer le nom de leur père. Elle est donc allée accoucher au Danemark et a confié son fils à une nourrice danoise, Marie (Trine Dyrholm), qui l’a profondément touchée et a déterminé le cours de sa vie.
Grâce à cette nourrice, Astrid a trouvé la force de prendre soi de son fils et a réussi à avoir confiance en soi, deux qualités nécessaires pour choisir un chemin différent de celui que l’on attendait d’elle à l’époque. Soutenue par Hannah, Astrid a suivi son coeur et développé sa passion pour l’écriture. Elle trouve aussi un emplioi stable auprès d’un jeune entrepreneur, Nils Store Lindgren (Björn Gustafsson), qui appréciera les qualités et le professionnalisme de la jeune secrétaire afin de l’épouser et de reconnaître son fils, Lars.
Quitter le fils a été un chagrin à vie pour Astrid Lindgren. Une fois arrivé à Stockholm, il s’était attaché à sa mère adoptive danoise. Douloureux pour lui comme pour sa mère dont les livres de l’écrivaine regorgent de garçons et d’orphelins solitaires qui aspirent.
Le film montre comment Astrid Lindgren a pris les décisions elle-même et a réussi malgré la trahison qu’elle a vécue. Ce choix narratif propose une regard nouveau sur l’auteur, incarné par d’excellents acteurs judicieusement choisis par Pernille Fischer Christensen. La photographie du film, signée Erik Molberg Hansen, offre des tableaux picturaux, tout particulièrement dans les scènes bucoliques.
Si le biopic Astrid se concentre sur cette époque turbulente de la vie d’une auteur qui a rencontré le succès sur le tard, c’est peut-être parce que les créations littéraires d’Astrid Lindgren ont déjà été abondamment adaptées sur grands et petits écrans.
Réalisé par une femme, le film raconte comment la jeune Astrid a trouvé le courage de faire face à l’hostilité de son entourage pour mener la vie libre et indépendante d’une femme et mère à la fois active et moderne. Talentueuse et résiliente, libre et déterminée, elle inventera des héroïnes à son image, dans des romans qui la rendront célèbre. Avec ses livres pour enfants imaginatifs tels que Fifi Brindacier, Astrid Lindgren est devenue l’un des auteurs les plus inspirants et les plus aimés de notre époque.
Firouz E. Pillet
Sortie romande: 8 mai 2019
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