Berlinale 2014: Deux films au long cours en compétition
Aujourd’hui, deux films présentés en compétition avec pour point commun d’avoir été des projets à long terme, pour des raisons différentes cependant. Le film chinois pour cause de censure a mis cinq à sortir, le tournage du film étasunien a quant à lui duré douze ans.
Western chinois
Wu Ken Qu (No Man’s Land, à l’international) a pour décor le désert du Xinjiang, dans un paysage à couper le souffle. Une seule route traverse cette région et c’est sur ce tronçon d’asphalte au milieu de nulle part que le jeune avocat ambitieux et arrogant Pan Xiao va se retrouver enfermé dans immensité. Sur son chemin, violence, avidité, extorsion. Il y a aussi un peu de Mad Max dans ce western où les chevaux sont remplacés par des voitures et camions. Le réalisateur réussit le tour de force de filmer la bestialité et la brutalité avec une très grande finesse de caméra, à se concentrer sur les détails qui soulignent la maîtrise totale de la photographie. Ce film ravira les adeptes du genre même si sur la fin l’enchaînement de violence commence à lasser et le souffle de l’histoire à se perdre dans le vent qui balaie la contrée recouverte de poussière.
Wu Ken Qu ; de Ning Hao ; avec Xu Zheng, Yu Nan, Huang Bo, Dou Bujie ; République populaire de Chine ; 2013 ; 117 min.
Boyhood
Cette projection a été celle la plus applaudie par la presse internationale lors de sa projection. Et il est vrai que ce film de près de trois heures est un tour de force narratif. En effet, Richard Linklater, à partir d’une structure décidée dès le début du projet mais amenée à évoluer pendant le processus, a filmé depuis 2002 les mêmes acteurs pour un projet qui devait durer douze ans, le temps que les enfants acteurs finissent leur High School. Cela aurait pu tourner au simili documentaire. Cela est devenu un petit bijou d’une simplicité et d’un naturel touchant, sans être ennuyeux une seule seconde. À travers les yeux de Mason, garçon timide, un peu renfermé et rêveur, nous suivons une histoire ordinaire d’une famille mono-parentale de la classe moyenne inférieure dans une petite ville du Texas. Pendant ces douze ans, les enfants deviennent adultes et les parents apprennent à le devenir aussi. Le réalisateur évite – et on le remercie – l’écueil des scènes éculées du premier baiser, de la première relation sexuelle, etc. Il s’attache plus au processus, aux moments de vie qu’aux symboles et rites de passage. Ce film est plus qu’un essai narratif, c’est un vrai projet artistique : les personnages ne gagnent pas seulement en maturité tout au long de l’histoire, ils prennent également forme physiquement, loin des artifices du cinéma grimant les protagonistes lors de différentes phases de vie. Même si le film est très étasunien en ce sens qu’il a pour toile de fond son système scolaire, de par les dialogues également, il trouve écho dans d’autres parties du monde où le fait de devenir grand revient à devenir un être humain unique et singulier.
Richard Linklater est un adepte des projets à long terme. C’est à lui que l’on doit le duo très agaçant Julie Delpy – Ethan Hawke qui poursuit le cadran de la montre depuis dix-huit ans avec Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight (les avis au sein de j :mag sont différents : Frank B. Halfar aime beaucoup , MaB n’en peut plus ), tous les 3 présentés au festival de Berlin… en espérant qu’avant minuit soit le dernier !
De Richard Linklater ; avec Patricia Arquette, Ethan Hawke, Ellar Coltrane, Lorelei Linklater ; États-Unis ; 2013 ; 164 min.
Malik Berkati, Berlin
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