Berlinale 2019 – Compétition jour #2 : Grâce à Dieu, le film très attendu de François Ozon sur l’affaire de pédophilie du diocèse de Lyon
Dans nos contrées francophones, cette affaire est toute fraîche dans les mémoires puisque le procès, qui a vu comparaître six personnes du diocèse, dont son cardinal, Philippe Barbarin, a eu lieu dans la première semaine de janvier 2019. Le tribunal correctionnel de Lyon rendra son verdict le 7 mars prochain.
En attendant, il y a le film de François Ozon qui sortira très prochainement et qui revient sur la genèse de cette mise en lumière des actes criminels qui se sont perpétués pendant des décennies au sein de l’Église, institution qui était au courant des agissements du prêtre pédophile, le père Preynat.
Le fil narratif tissé par Ozon est très habile et fonctionne très bien: il raconte une histoire que tout le monde – du moins en France et dans les pays francophones – connaît en faisant des passages-témoins entre les personnages, comme dans une course de relai avec un effet domino, ce qui permet de rester longtemps sur les-dits personnages et de ne pas sautiller de l’un à l’autre comme dans un film choral. Le film débute ainsi sur Alexandre (Melvil Poupaud) qui vit à Lyon avec sa femme et ses cinq enfants. Un jour il apprend que le prêtre qui avait abusé de lui losrqu’il était enfant, il y a 30 ans, travaille toujours avec des enfants. Il alerte le diocèse qui répond à ses sollicitations mais n’entreprend pas d’actions de déstitution de prêtrise. N’acceptant pas de se faire mener en bateau, il engage une action en justice malgré que pour son cas les faits soient prescrits. Mais la machine est lancée, une enquête dilligentée et des témoins se manifestent. François (Denis Ménochet) et Emmanuel (Swann Arlaud) décide de monter le groupe de parole, puis l’association La parole libérée, qui va permettre de médiatiser l’affaire et de trouver de nouvelles victimes dont pour certaines les faits ne sont pas prescrits.
Film réussi, dont le titre provient d’un lapsus extrêmement révélateur prononcé par le cardinal Barbarin lors d’une conférence de presse, sur un sujet très difficile et à multiples facettes, les destins proposés à suivre ayant tous un profil très différent. François Ozon explique d’ailleurs:
J’ai fait un film d’utilité publique, à cause de l’omerta qui a cours dans toutes les institutions et les lieux de pouvoir, que ce soit l’Église mais aussi les écoles, les clubs de sport ou la famille qui est elle aussi un lieu de pouvoir. Je me place du point de vue humain et pas judiciaire et ce que je veux montrer au-delà des actes criminels c’est également la libération de la parole et les répercussions de cette parole sur l’entourage.
D’ailleurs, cette libération de parole et cet action d’utilité publique semblent bien justifiées étant donné les pressions qu’ont subit les producteurs et le réalisateur, ainsi que les détracteurs en France qui ne manquent pas de se faire déjà entendre, même si, comme le souligne Ozon:
Ce sont des attaques de principes puisque tous les faits dont on parle sont connus par la presse et le procès et que les gens n’ont pas encore vu le film.
Un des producteurs, Éric Altmayer explique quant à lui:
Ce film n’a pas été facile à financer à cause du sujet. Par exemple Canal + qui a participer au financement de tous les films de François, n’a pas voulu participer cette fois-ci. La ville de Lyon n’a également pas participé à cause de nombreuses résistances, l’Église ayant une grande influence dans cette ville.
François Ozon poursuit:
D’ailleurs nous avons filmé les extérieurs à Lyon mais nous n’avons pas demandé les autorisations pour filmer dans les églises par exemple. Nous l’avons fait en Belgique pour avoir l’assurance d’être libres.
De François Ozon; avec Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud, Éric Caravaca, François Marthouret, Bernard Verley, Martine Erhel, Josiane Balasko; France; 2019; 137 minutes.
Malik Berkati, Berlin
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