Berlinale 2019 – Compétition jour #6: La paranza dei bambini (Piranhas) – Une jeunesse abandonnée par la société civile et repêchée par la société du crime
Naples. Nicola et ses amis ont quinze ans. Ils veulent sortir avec des filles, entrer dans des discos, acheter des vêtements cool, des scooters tout neufs (ce qui nous vaut une belle course-poursuite à deux-roues dans les rues de Naples)… bref, faire de l’argent. Pour y arriver, Nicola, charismatique, intelligent et voulant à la fois sortir de sa condition d’enfant de pauvre et surtout faire en sorte que sa mère ne doive plus payer « sa protection », échafaude des plans, plus ou moins foireux, pour entrer dans le milieu. Mais une fois dans la place, il va s’aguerrir et son ambition va grandir. Encore enfants, ils jouent avec des armes mais, dans une sorte de saut quantique, Nicola et ses amis vont changer de dimension lorsqu’ils vont prendre le pouvoir dans le quartier de Sanità et que cet attirail va devenir des machines de pouvoir et de mort. Le jeune homme a une vision romantique de son action – sous sa direction les petites gens ne doivent plus payer la taxe de protection, il offre des maillots de foot aux plus jeunes pour leur équipe, etc. – et l’illusion s’installe en lui d’apporter le bien d’apporter bien même si c’est par le mal.
Ce qui frappe tout d’abord, c’est l’absence des parents dans le quotidien de ces enfants. Et puis, le manque de structure pour les cadrer. Ces enfants sont livrés à eux-mêmes, leur école c’est la rue, c’est eux-mêmes, c’est la mafia, seule à même de leur donner les moyens de leurs rêves stéréotypés de gosses en pleine puberté dont le seul crédo est la satisfaction immédiate de leurs désirs. Le mécanisme que dépeignent ici Claudio Giovannesi, le réalisateur et coscénariste du film, et Roberto Saviano, coscénariste et auteur du livre éponyme, est désespérant : sans jamais juger ces enfants embarqués dans un déterminisme social, ils mettent à plat le mécanisme qui enchaîne les destins de ces jeunes qui s’aiment comme des frères, ne craignent ni la prison ni la mort. Ils risquent tout maintenant et ici, c’est cela leur vie.
L’euphorie de ces moments de victoires, de pouvoir est le moteur qui les poussent à s’aventurer toujours plus loin dans le monde du crime, mais évidemment les roues de l’illégalité finissent toujours par mal tourner – pas tant d’ailleurs par l’intervention des autorités que par les guerres de clan, les trahisons, les vendettas qui bien entendu s’auto-alimentent à l’infini; les sacrifices et les revers douloureux qui ne manquent pas d’arriver lorsque l’on choisit cette vie n’offrent que deux options : continuer sans peur ni reproche ou s’enfuir.
Le jeune Francesco De Napoli qui joue Nicola crève littéralement l’écran. Si le film en lui-même, malgré son sujet poignant et sa bonne facture, manque un peu de relief artistique, son acteur principal est en revanche, à date, un ton au-dessus de ses collègues de la compétition.
De Claudio Giovannesi; avec Francesco Di Napoli, Ar Tem, Alfredo Turitto, Viviana Aprea, Pasquale Marotta, Luca Nacarlo, Carmine Pizzo, Ciro Pellecchia, Ciro Vecchione, Mattia Piano Del Balzo, Aniello Arena, Roberto Carrano, Adam Jendoubi, Renato Carpentieri; Italie; 2018; 105 minutes.
Malik Berkati, Berlin
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