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Berlinale 2019 – Generation: le premier long métrage du cinéaste argentin Pablo Briones décrit le quotidien de deux enfants aux alentours de La Havane; un film qui suscité les rires et la sympathie au festival – Rencontre

L’été chaud et moite arrive dans un petit village de la campagne cubaine, Puebla Textil, un village proche de la Havane. Leonel et Antuán passent les vacances en explorent un univers éloigné du monde des adultes. Avec une différence d’âge considérable, leur amitié se révèle pourtant unique, faite de entre jeux et combats, de conversations particulièrement matures sur la vie quotidienne, sur des questions existentialistes, emplies de plaisirs simples mais aussi d’ennui, un ennui qui les forge et les construit. Tous deux savourent ces moments partagés car ils savent qu’ils ne les vivrons plus puisque le plus âgé des deux enfants, Antuán  part vivre à La Havane à la fin de l’été. Alors que son ami plus âgé est attiré par la vie trépidante que va lui permettre  la ville, Leonel est obligé d’examiner sa vie et sa place dans le monde. Alors que la société cubaine traverse une période de transition, les deux amis se trouvent aussi à la croisée des chemins, dans une parabole de l’évolution de la vie des Cubains.

N’as-tu jamais rêvé les yeux ouverts?

demanda Leonel à Antuan.

Il faut regarder quelque chose et penser à ce que tu veux, comme où tu voudrais vivre dans le monde.

Antuan est plus grand que Leonel, physiquement il a au moins une différence de tête et quatre ans de plus, mais ce n’est pas un obstacle pour s’amuser avec des objets comme un carton. C’est là que se développe le film, mélange de fiction et de documentaire de Pablo Briones qui a d’abord élaboré un sénatio pour un court métrage lors d’un stage avec Abbas  Kiarostani.

Pablo Briones nous confie avoir écrit pour un seul enfant mais ce tandem improbable qui a négocié que le film prévoit deux enfants. Le cinéaste argentin commente :

Ils s’interprètent eux-mêmes, les grand-mères que l’on voit dans le film sont leurs propres grands-mères, les gens de Pueblo Textil sont les habitants du village et tous les personnages ont leur propre nom, ce qui se passe dans le film est leur réalité, mais en même temps il s’agit d’une fiction, car tout ce qui se passe est corrigé dans un scénario. Seuls les parents de Leonel et Antuán n’ont pas voulu apparaître dans le film.

C’est le premier long métrage du réalisateur né à Tucumán, dans le Nord de l’Argentine, en 1983. Pablo Briones sort diplômé de l’Université nationale de Córdoba. Il nous confie s’être basé sur un court métrage réalisé avec les mêmes protagonistes, intitulé Pezcal, élaboré dans le cadre du stage de cinéma à Cuba.

En effet, le projet original a vu le jour lors d’un atelier donné par le cinéaste iranien Abbas Kiarostani à l’École de cinéma de San Antonio de los Baños, à Cuba. Pablo Briones se souvient :

J’ai eu l’idée de faire un court métrage avec un enfant et je suis allé dans une petite ville très proche de La Havane à la recherche d’un enfant pour mon histoire.

En peu de temps le réalisateur a été entouré par de nombreux enfants intéressés, quand  Antuán et Leonel sont apparus, le plus âgé avec son bras sur l’épaule du plus jeune, comme souvent vu dans le film. «Ils sont arrivés en se demandant ce que je faisais là-bas», se rappelle le cinéaste avec amusement. Lorsqu’il a expliqué qu’il cherchait un enfant, Leonel, intrigué, a demandé: «Que se passe-t-il dans votre film?» J’ai expliqué que c’était un garçon qui cherchait son chat. «Eh bien, si nous sommes deux, a déclaré Leonel, nous le trouvons plus rapidement». Le cinéaste a été très amusé de négocier le scénario. Un lien a donc été établi avec les enfants. Il a donc décidé de substituer son idée originale à leur proposition.

Comme le souligne cette anecdote cocasse, Leonel est plus extraverti et audacieux que Antuán, plus réservé.

Dans le film de Pablo Briones, la caméra continue à contempler les errances d’Antuán et de Leonel à travers les paysages ruraux de Pueblo Textil, qui abrite une plage appelée Baracoa, d’où le titre du film est inspiré. Ils achètent des allumettes à ceux qui allument des torches improvisées pour explorer une grotte, jouent dans une voiture abandonnée rouillée ou dans un champ. Les dialogues sont un élément moteur du film, qui amuse le public, en particulier les enfants.

Le film est très représentatif des enfants à Cuba. Les enfants sont très à l’aise, ils ont beaucoup de liberté, ils jouent avec des choses simples, ils ont une vie communautaire très forte avec d’autres enfants et beaucoup de contacts avec la nature, ils jouent avec peu mais avec beaucoup de plaisir.

souligne Pablo Briones qui reconnaît volontiers que son film porte un regard sociologique sur la vie à Cuba, comme par exemple, à travers certains objets typiquement cubains à l’instar de cette sorte de planche à roulettes munie d’une barre de direction qui « sert à transporter des charges comme à se déplacer. ».

Le cinéaste reconnaît que, depuis son film, les enfants sont devenus célèbres à Pueblo Textil:

Antuán a voyagé avec son père Arturo pour se rendre  à la Berlinale, Leonel avec sa mère Mariana, qui ne voulait pas apparaître dans le film. Seules les grand-mères ont accepté de participer. Le voyage pour venir à Berlin était leur premier voyage hors de Cuba.

Pablo Briones d’enchaîner :

Leonel a déjà douze ans et Antuan seize ans. Le film les a rendus célèbres dans Pueblo Textil.

Le cinéaste espère exposer le film au Festival du film de La Havane en décembre.

C’est le public avec lequel nous souhaitons le plus partager le film, inviter les parents de La Havane et de Pueblo Textil.

Baracoa, le premier film de Pablo Briones, est une production soutenue par la Suisse, les États-Unis et l’Espagne, réalisée avec The Moving Picture Boys, intégrée par Jace Freeman et Sean Clark, de Nashville (Tennessee). Briones a rencontré Freeman à l’atelier de Kiarostani.

— Pablo Briones avec ses deux protagonistes Leonel Aguilera et Antuan Aleman à la Berlinale 2019
© Klara Hirseland

Le cinéaste, désormais établi à Genève et marié à une Tessinoise, nous a parlé de son film dans le cadre calfeutré et Art-déco du Tiffany, à Genève. nous avons tenté de le rencontrer durant la Berlinale mais son emploi du temps était surchargé :

Je suis heureux que mon film Baracoa ait été projeté dans la Section Generation à la Berlinale 2019. Il avait été refusé par le Festival de Locarno. A posteriori, je leur en suis très reconnaissant car figurer dans le programme de la Berlinale m’a permis de rencontrer, bien sûr le public mais aussi beaucoup de distributeurs et de producteurs. A la Berlinale, j’ai pu constaté l’intérêt que suscitait mon film. Baracoa est invité dans de nombreux festivals ce printemps et cet été. Je vais accompagner mon film dans ces divers festivals puis on envisagera la sortie en Suisse.

Pablo Briones nous a parlé du cinéma en Argentine, guère soutenu par le gouvernement actuel de droite qui néglige la culture. Malgré un nouvelle vague argentine très créative, pablo Briones n’envisage d’y tourner un film pour l’instant vu le contexte peu favorable à l’art en général et au cinéma en particulier.

Récemment papa, Pablo Briones se réjouit du succès que son film rencontre auprès du jeune public. Mais entre les divers festinals o!u il est invité pour son premier long métrage, il attend avec impatience de retrouver sa famille.

 

Propos recueillis par Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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