Berlinale 2020 – Compétition : Favolacce (Bad Tales) des frères Fabio & Damiano D’Innocenzo laisse un sentiment circonspect
Difficile de dire quelle est la nature et la qualité de cette coproduction italo-suisse. Elle laisse perplexe quant à ses intentions. Les frères D’Innocenzo veulent-ils nous dire quelque chose ou cherchent-ils simplement à jouer avec le spectateur ? À commencer par ce narrateur dont on ne sait pas qui il est vraiment, ni même s’il nous raconte son histoire ou une histoire pour nous faire peur.
Car le monde que nous montrent à voir les deux cinéastes italiens, d’une violence envers les enfants qui laisse sans voix, où les adultes sont pétris dans le moule de la frustration, de la haine de soi et des autres, aux vies stériles et sans une once de civilité. Franchement, les adultes que Favolacce montre sont des êtres à la limite de la dégénérescence, d’une vulgarité et d’une médiocrité inouïes. Les hommes sont colériques, misogynes, obsédés sexuels, masculinistes face à des femmes passives et sans réactions ou sursauts vitaux. Les enfants, encore innocents, sont tétanisés de peur et regardent ces adultes-référants s’autodétruire et détruire tout ce qu’ils touchent. Ils sont enfermés dans une solitude qui crève le cœur, un état d’angoisse permanent les habite puisque n’importe quel événement peut être le prétexte à une sanction ou une brimade. La maison, lieu de sécurité en comparaison à la rue, devient l’espace de tous les dangers. À l’âge pré-adolescent où les activités que l’on devrait avoir seraient celles de jouer dans la chaleur de l’été avec ces petits camarades, s’amuser et vivre quelques aventures innocentes, les enfants de ce quartier résidentielle de banlieue échafaudent un plan pour sortir de l’impasse de terreur dans laquelle ils se retrouvent coincés.
La cruauté qui émaille de chaque scène entre les enfants et les adultes fait redouter la prochaine à venir : les parents de Viola qui lui rasent les cheveux et lui mettent une perruque car elle a des poux, le père de Dennis et Alessia qui, après s’y être baigné, crève la piscine gonflable qu’il vient d’acheter à ses enfants. Un autre père, lui, raconte sa vie sexuelle à son fils, veut qu’il se déniaise – on parle ici d’enfant d’une douzaine d’années – et quand il croit que c’est fait, lui donne une canette de bière pour trinquer avec lui. Ces enfants sont en permanences soumis à une violence physique et psychologique insoutenable.
Damiano D’Innocenzo explique qu’ils voulaient
regarder les enfants sans les juger et se mettre à leur hauteur pour décrire ce qu’ils voient. Et la seule chose qu’ils peuvent penser en regardant ce milieu dans lequel ils vivent c’est : « je vais mourir ici ! ».
Fabio D’Innocenzo ajoute
Nous sommes dans une société de plus en plus vulgaire, brutale, corrompue. Nous avons voulu refléter cela dans l’apparence physique des personnages, alors que les enfants eux sont beaux dans leur innocence.
Ces actes gratuits sont totalement incompréhensibles, cette concentration d’individus totalement abâtardi improbable, c’est peut-être pour cela qu’un grand malaise ressort de ce film dont décidément on ne sait pas s’il est bon ou non. En tous les cas, il est assez inconfortable de le regarder, chose qui donne le signe qu’au moins Fabio et Damiano D’Innocenzo savent manier le medium qu’est le cinéma.
De Fabio & Damiano D’Innocenzo; avec Elio Germano, Barbara Chichiarelli, Lino Musella, Gabriel Montesi, Max Malatesta, Justin Korovkin, Giulia Melillo; Italie; 2020, 98 minutes.
Malik Berkati, Berlin
[la quote of the day des frères D’Innocenzo]
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