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Berlinale 2021 – Compétition : Ich bin dein Mensch de Maria Schrader ou le face-à-face malicieux entre un robot humanoïde et un être humain

Alma (Maren Eggert) est scientifique et travaille au fameux Pergamon Museum de Berlin comme anthropologiste. Pour obtenir un financement pour une recherche avec son équipe, elle accepte de participer à une expérience inhabituelle. Pendant trois semaines, pour le compte d’une commission d’éthique, elle doit vivre avec un robot humanoïde, Tom (Dan Stevens), qui est censé évoluer en un parfait compagnon de vie grâce à l’intelligence artificielle et au deep learning. La machine à but anthropomorphique est conçue pour rendre Alma heureuse. Évidemment, le fait qu’Alma soit scientifique et qu’elle participe à cette expérience un peu contrainte pour des motifs qui n’ont aucun trait à son intérêt pour la chose amène beaucoup de contrastes et de résistance propices à des situations de tragicomédie.  Pour ne rien arranger, Alma a de lourds problèmes intimes et cette perspective d’amour et de désir ouverte par l’entrée de Tom dans sa vie à la fois raviver ces tensions personnelles et lui permettre de s’y pencher plutôt que de les laisser enfouis dans un coin de sa vie ou le privé n’a plus cours.

— Dan Stevens, Maren Eggert – Ich bin dein Mensch (I’m Your Man)
© Christine Fenzl

Maria Schrader (réalisatrice entre autre de Stefan Zweig, adieu l’Europe; la mini-série Unorthodox et actrice révélée au grand public dans Aimée et Jaguar en 1999 même si elle était déjà très active en tant que cinéaste, scénariste et actrice auprès du Suisse Dani Levy) adapte la nouvelle éponyme d’Emma Braslavsky. Le titre anglais du film est présenté comme I’m Your Man. On espère que le titre français ne sera pas Je suis ton homme, car certes il n’est pas toujours facile de traduire les nuances d’une langue à l’autre, mais entre Mensch (humain) et Mann (homme) en allemand il y a une différence qu’il serait bon de rendre dans les autres langues si on ne veut pas passer à côté d’une partie de ce qui fait la saveur des touches sémantiques.

Jolie fable qui se penche sur la nature humaine et ce qui fait d’une personne un être humain, sur le désir, la recherche du bonheur, Ich bin dein Mensch est excellemment bien servie par ses actrices et acteurs, dont le Britannique Dan Stevens, à la tête parfaite pour jouer ce rôle détaché, à la fois étrange et familier, avec souvent ce petit sourire en coin, pas vraiment railleur, mais simplement assuré d’être dans le vrai et la supériorité de l’algorithme. Il parle un allemand parfait, avec juste un léger accent anglais,  étrangeté balayée par une raison rationnelle : l’algorithme pense qu’Alma est attirée par l’ailleurs, mais pas trop exotique – Britannique est donc parfait !
le plaisir également de retrouver Sandra Hüller (révélée à l’international dans le film-ovni Toni Erdmann) en interface entre les humains et les robots ou hologrammes, car il y aussi des possibilités d’offrir du bon temps à des personnes seules avec des hologrammes ce qui est bien plus simple qu’avec des robots car, comme elle l’explique à Alma, « vous ne vous rendez pas compte à quel point il est difficile de programmer le flirt, le moindre regard ou geste pas ajusté peut tout mettre par terre ! »
Dans le rôle ambivalent d’Alma, Maren Eggert excelle dans l’absurde de la situation qu’elle vit en pleine conscience : tour à tour mettre au défi, converser, s’opposer ou se confier à ce qu’elle sait être un robot, mais à qui elle s’adresse comme à un être humain. Cette proximité avec un alter qui n’est pas ego la plonge dans une grande insécurité, car elle ne contrôle plus tout, c’est le robot qui contrôle les choses de manière froide et calculée. Elle se retrouve face à lui face à elle-même, avec cette peur que l’algorithme lui révèle des choses sur elle-même dont elle n’a pas conscience ou qu’elle cache sciemment au plus profond d’elle-même.

— Dan Stevens, Sandra Hüller – Ich bin dein Mensch (I’m Your Man)
© Christine Fenzl

On regrettera un peu les attendus du récit et le manque d’ambition du scénario sur le rapport entre les robots humanoïdes et les êtres humains qui, ici, ne sont que recherche d’harmonie entre les deux parties ; ceci dit, le film n’a pas de prétentions philosophico-éthique, cela reste une comédie qui pose quelques questions universelles de base, fait poindre en sous-texte quelques critiques du monde contemporain et surtout fait passer du bon temps avec de fabuleux acteurs et une très belle photographie. Et puis, cela donne l’occasion de se remémorer et se replonger dans l’excellente série suédoise beaucoup plus complexe dans ce registre, Real Humans (Äkta människor, 2012-2014).

De Maria Schrader ; avec Maren Eggert, Dan Stevens, Sandra Hüller, Hans Löw, Wolfgang Hübsch, Annika Meier, Falilou Seck, Jürgen Tarrach, Henriette Richter-Röhl, Monika Oschek ; Allemagne; 2021; 105 minutes.

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