Cannes 2021 : rencontre avec Melati Wisjen, jeune activiste indonésienne et Marion Cotillard, co-productrice du film Bigger Than Us présenté dans la section éphémère « Le cinéma pour le climat »
Par une fin de matinée ensoleillée, sur la Terrasse des journalistes au quatrième étage du Palais, l’effervescence se fait ressentir alors qu’un premier de journalistes attendent l’arrivée de Marion Cotillard et de Melati Wisjen, une jeune activiste indonésienne qui mène un combat acharné face à la pollution de son île, Bali, par le plastique. Marion Cotillard a co-produit avec Denis Carot et la cinéaste Bigger Than Us, le nouveau documentaire de Flore Vasseur.
Marion Cotillard, très détendue et radieuse, affichant un maquillage très discret et des lunettes de soleil rétro, explique comment elle s’est retrouvée impliquée dans ce projet :
Depuis plus de vingt ans, je me suis engagée dans des causes environnementales et sociales, afin de sensibiliser les esprits pour un monde plus équitable. En devenant mère, j’ai immédiatement senti que mes enfants avaient beaucoup à m’apprendre. Cette nouvelle génération est engagée.
Êtes-vous admirative de cette jeune génération si engagée ?
Ce qui se passe en ce moment, ce mouvement n’a pas de nom, mais il est tellement puissant. Quand j’étais enfant, les gens disaient : « Cela va s’améliorer un jour dans le futur ». Quand j’avais vingt, j’étais engagé dans la préservation de l’environnement mais mes amis me qualifiaient de « bizarre » et me disaient que j’aillais finir dans le Larzac à faire du fromage de chèvre … Le cliché typique que l’on colle en France aux personnes qui sont engagés écologiquement. Aujourd’hui, la génération de Melati, ils ne savent pas si ça va s’améliorer, et ça ne va pas s’améliorer si nous ne faisons rien contre la situation et l’impact que les êtres humains ont eu sur la planète. Il faut encourager et soutenir les jeunes et leurs actions.
En soutenant ce projet, n’aviez-vous pas peur que l’on vous reproche de profiter de ce documentaire pour mettre en votre personne en valeur ?
Flore Vasseur est une personne que j’admire depuis longtemps et j’apprécie son travail. Elle est devenue une amie. Quand elle m’a proposé de participer à son documentaire en le co-produisant, j’ai tout de suite accepté mais je me suis effectivement demandé si on allait me reprocher de le faire. Je me suis dos que les gens allaient penser : « Encore une célébrité qui se met en avant via ce documentaire ! » Mais il m’apparaissait plus important de soutenir un tel film vu le message qu’il apporte.
Assise à ses côtés, souriante et posée, Melati Wijsen, dix-huit ans, incarne un changement de génération qui est devenu un mouvement social mondial et une prise de conscience des jeunes qui luttent pour préserver la planète avant qu’il ne soit trop tard. Melati Wijsen parle des débuts de son engagement :
Mon père est indonésien et ma mère est néerlandaise. Je vis à Bali. Sur l’île, le plastique était partout. Dès notre plus jeune âge, nous savions que quelque chose n’allait pas. Le plastique ne devait pas se retrouver dans nos océans, dans nos rivières, sur nos plages. Ces déchets perturbaient nos séances de jeu, nos aventures dans la nature. Nous voulions protéger notre bel environnement. J’ai lancé avec ma sœur cadette Isabel le mouvement Bye Bye Plastic Bags, une campagne visant à débarrasser Bali des sacs en plastique à usage unique. Je dirige ce mouvement depuis 2013. Quand nous avons commencé notre action, je n’avais douze ans.
Quels résultats avez-vous obtenus depuis le début de votre action ?
Avec ma sœur, nous avons réussi à faire interdire les sacs en plastique, les pailles et la mousse de polystyrène sur notre île natale de Bali à partir de 2019. J’ai aussi lancé le mouvement populaire One Island One Voice et l’entreprise sociale, Mountain Mama’s. Je suis très engagée dans la protection de l’océan.
Par quels biais doit passer le changement ?
Bye Bye Plastic Bags a été une expérience enrichissante, instructive, c’est notre école de la vie qui nous a enseigné tellement plus que ce que n’importe quel manuel scolaire ne pourra jamais faire. Nous avons appris quel rôle joue l’éducation dans le changement des mentalités et en quoi la volonté se confronte au manque de connaissances ou de solutions. Les jeunes peuvent être le pont qui relie tous ces points.
Vous avez rencontré une jeune activiste au Malawi qui tente d’informer les jeunes filles qui subissent un rite d’initiation, consistant en un viol et se retrouvent enceintes, de poursuivre l’école, espérez-vous une amélioration de la condition des jeunes filles dans ce pays d’Afrique australe ?
Le Malawi fait perdurer une tradition: dès l’âge d’environ onze ans, les jeunes filles sont envoyées dans des camps d’initiation et sont violées par un homme beaucoup plus âgé qu’elles. Elles tombent enceintes et arrêtent d’aller à l’école. J’ai rencontré des jeunes filles de quinze ans qui ont déjà deux enfants. L’action de cette jeune activiste est primordiale mais, malheureusement, cette tradition est entretenue depuis des décennies au Malawi et je pense qu’ils vont continuer à la perpétuer.
Quelles solutions peut-on envisager ?
Il faut impérativement lutter contre l’ignorance et éduquer les enfants.
Marion Cotillard :
Oui, le changement vient de l’éducation. J’ai un fils et une fille et l’éducation que je donne à mon fils fera de lui une personne qui respecte les femmes et les considèrent égales à lui.
Melati, après avoir parcouru le monde et rencontré d’autres activistes en Afrique, en Syrie, au Brésil, pouvez-vous nous dire ce que cette expérience a changé dans votre vie ?
J’ai beaucoup appris sur moi-même et sur la vie, et l’impact dont je veux être à l’origine. Cette opportunité m’a montré tout ce qu’il est possible de faire et les défis qu’il faut relever chaque jour. Bali a finalement institué une interdiction des sacs en plastique à usage unique sur l’île. Cela prouve que les enfants peuvent faire des choses. Cela va au-delà de pointer du doigt et d’exiger, mais les jeunes donnent l’exemple.
Propos recueillis par Firouz E. Pillet à Cannes
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