FIFDH 2022 : Gulbahar Haitiwaji, rescapée ouïghoure des camps de rééducation chinois, livre un témoigne poignant – Rencontre (audio)
Rescapée ouïghoure installée en France, Gulbahar Haitiwaji a hésité : devait-elle se taire pour préserver ses proches qu’elle avait laissés dans la Province du Xinjiang ou devait-elle témoigner, au risque que ses proches soient inquiétés, menacés ou incarcérés ? Gulbahar Haitiwaji a choisi de témoigner et de parler de ce génocide culturel savamment organisé.
Gulbahar Haitiwaji a été arrêtée lors d’un voyage en Chine, puis envoyée dans un camp de « rééducation » chinois. Durant trois ans, Gulbahar Haitiwaji a enduré des centaines d’heures d’interrogatoires, la torture, la faim, le froid, la violence des policiers, le lavage de cerveau et l’auto-critique, une injection supposée être un vaccin contre la grippe mais qui se révélera une stérilisation forcée, les rats, les nuits sous les néons aveuglants d’une cellule mais l’absence complète de lumière naturelle, des pratiques qui débouchent sur la perte totale du temps et une déshumanisation systématique.
Ces camps de « rééducation » chinois rappellent tristement le Goulag de l’URSS. Depuis 2017, plus d’un million de Ouïghours y ont été déportés et incarcérés. Les Xinjiang Papers, révélées par le New York Times en novembre 2019, décryptent une répression systématique, s’appuyant sur une détention de masse, la plus importante depuis l’ère Mao. Les Ouïghours sont une ethnie musulmane turcophone qui peuplent le Xinjiang, une région très convoitée par le Parti communiste chinois car elle se situe sur les « nouvelles routes de la soie », le projet politique majeur du président Xi Jinping. On parle désormais de génocide mais le Parti communiste chinois, s’obstine à nier leur caractère concentrationnaire et légitime l’existence de ces camps par la « lutte totale contre le terrorisme islamique ».
Le témoignage de Gulbahar Haitiwaji est à la fois bouleversant et terrifiant. Si elle a pu sortir de l’enfer, c’est grâce aux tractations acharnées de sa fille, Gulhumar Haitiwaji, qui l’accompagne partout et lui sert d’interprète. Depuis que son livre, Rescapée du Goulag chinois, est sorti en janvier 2022 (aux éditions des Équateurs en France, Payot en Suisse), elle n’a plus de contact avec ses proches restés au Xinjiang et qui l’ont supprimée de leurs contacts dans leurs boîtes électroniques et sur les réseaux sociaux. Gulbahar Haitiwaji ne peut que supposer que sa famille a été apeurée par des menaces, voire plus …
Gulbahar Haitiwaji, dont le prénom signifie « fleurs au printemps », impressionne par sa sérénité et sa résilience. Sa fille, Gulhumar Haitiwaji, dont le prénom signifie « emplie de fleurs », l’accompagne et lui sert d’interprète, sans relâche. Toutes deux iront aux Pays-Bas aussitôt après avoir quitté Genève pour diffuser un maximum ce témoignage primordial, en espérant qu’il puisse sauver des vies.
Rencontre audio avec Gulbahar Haitiwaji, en ouïghour et traduit en français par sa fille, Gulhumar Haitiwaji:
Firouz E. Pillet
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