FIFDH 2024 – Genève, du 8 au 17 mars : La convergence entre culture et droits humains au cœur du dialogue international
Depuis 22 ans, le Festival du film et forum international sur les droits humains de Genève (FIFDH) investit pendant 10 jours la République et Canton de Genève, haut lieu s’il en est de l’engagement en faveur des droits humains et de la diplomatie internationale. Fort de son héritage historique et de son rôle de facilitateur dans les négociations internationales, Genève accueille ce festival, devenu un rendez-vous incontournable, où les cinéastes et les grandes voix des droits humains convergent pour explorer les enjeux cruciaux qui façonnent notre humanité. Le FIFDH créé un espace unique où le pouvoir du cinéma se mêle à la force des dialogues pour inspirer et promouvoir un monde plus juste et équitable.
Inutile de rappeler, compte tenu de l’état du monde, que de telles manifestations sont cruciales pour recentrer l’humain au cœur des considérations géo-historico-économico-idéologico-politiques ! Surtout lorsque les images saturent tous les écrans du monde, alimentant des récits opportunistes souvent diamétralement opposés. Bien que les « faits alternatifs », la binarité du bien et du mal, ainsi que le concept de post-vérité soient désormais ancrés dans notre champ lexical de compréhension du monde, il n’est jamais trop tard pour recréer des îlots où l’échange, la complexité et la présentation de différentes perspectives permettent une lecture éclairée des événements qui secouent la planète. C’est précisément ce que propose la 22e édition du FIFDH, qui se tiendra du 8 au 17 mars 2024.
Il y a le constat, mais il y a aussi l’action. Les nouvelles co-directrices éditoriales du festival depuis juin 2023, Laila Alonso Huarte et Laura Longobardi, voient dans cette manifestation l’occasion de faire le premier pas vers l’action nécessaire :
« Tout bouleversement implique une perte de repères, mais c’est également dans ce mouvement qu’apparaissent des perspectives nouvelles. Le FIFDH interroge le rôle des images et de la représentation dans ces changements, en proposant de réunir celles et ceux qui réfléchissent à des solutions collectives et nous rappellent la nécessité d’agir. »
Les moments forts
En première mondiale, le documentaire An Unfinished Journey d’Amie Williams et Aeyliya Husain, qui suit le parcours de plusieurs femmes leaders afghanes contraintes à l’exil, sera présenté. La projection sera suivie d’une discussion avec, notamment, l’ancienne ministre afghane Nargis Nehan, ainsi que Of Caravan and the Dogs d’Askold Kurov et Anonyme 1, qui décrit la lutte du journal russe indépendant Novaïa Gazeta, dernier bastion de la presse libre en Russie. Son ex-rédacteur en chef et prix Nobel de la paix 2021, Dmitri Mouratov, sera à Genève et participera à une discussion sur la société civile russe à une semaine de l’élection présidentielle dans ce pays.
La résistance ouïghoure face au régime chinois sera mise en lumière avec le film All Static & Noise de David Novack, projeté en présence de l’activiste Jewher Ilham, fille de l’économiste ouïghour emprisonné Ilham Tohti. Il en sera de même de la révolte en Iran, autour du film Là où Dieu n’est pas de Mehran Tamadon, dans lequel trois opposant·es iranien·nes témoignent de ce que signifie résister face à la torture. Le journaliste Taghi Rahmani, protagoniste du film, époux de la prix Nobel de la paix Narges Mohammadi, sera présent au Festival.
Un récit féministe devenu phénomène en Italie : le long métrage de la réalisatrice et actrice Paola Cortellesi, Il reste encore demain, explore les violences patriarcales et les dessous de l’Italie fasciste d’après-guerre.
À noter également un film en langue tchétchène, The Cage Is Looking for a Bird de Malika Musaeva qui propose un geste cinématographique remplit de poésie pour rendre compte d’une société de servitude et The Survival of Kindness de Rolf de Heer pour un voyage esthétiquement époustouflant dans un monde qui va allègrement vers l’apocalypse.
Le FIFDH donnera également la parole à des cinéastes et journalistes palestinien·nes, témoins directs de la guerre au Proche-Orient. Tout d’abord avec l’intervention exceptionnelle au Festival du photojournaliste gazaoui Motaz Azaiza qui, quatre mois durant, a documenté, par ses clichés publiés sur les médias sociaux, l’enfer de la guerre à Gaza. Les cinéastes palestinien·nes Farah Nabulsi, avec le film de fiction The Teacher et Mohamed Jabaly, avec le documentaire Life is Beautiful présenteront également leurs histoires et livreront leur regard sur la situation actuelle.
Des militant·es palestinien·nes et israélien·nes pour la paix, Ali Abu Awwad et May Pundak, dialogueront ensemble des scénarios d’avenir possibles. Avec, Les 54 premières années – Manuel abrégé d’occupation militaire (The First 54 Years – An Abbreviated Manual for Military Occupation), le cinéaste israélien Avi Mograbi propose un aperçu du fonctionnement, de la logique et des pratiques d’une occupation colonialiste.
À travers le prisme de l’histoire familiale, la réalisatrice et actrice Lina Soualem qui avait déjà pris cette perspective pour raconter l’histoire de son père, l’acteur algérien-français Zinedine Soualem, dans Leur Algérie, sera présente pour présenter Bye bye Tibériade, un voyage sur les terres et l’exil de sa mère, la célèbre actrice et cinéaste palestinienne Hiam Abbas.
Cette 22e édition du FIFDH s’arrêtera également sur la résurgence de l’antisémitisme et se demandera s’il ne constitue pas un angle mort des luttes antiracistes.
La figure iconique étasunienne du combat pour les droits civiques, Angela Davis, participera à une discussion autour du racisme systémique et des violences policières, aux côtés, notamment, de la militante française Assa Traoré.
Le Forum interrogera nos sociétés marquées par la pluralité des formes d’exclusions et de dominations. Il s’arrêtera, en particulier, sur la montée en puissance des BRICS et l’affaiblissement de l’ordre mondial occidental, se questionnera sur les dangers et la régulation de l’intelligence artificielle, et explorera les intersections entre environnement, droits du vivant et droits humains. Ces combats seront notamment incarnés par la femme politique malienne Aminata Dramane Traoré, l’éditorialiste britannique George Monbiot, le syndicaliste et homme politique français Philippe Poutou, la militante écologiste française Claire Nouvian, l’économiste indienne Jayati Ghosh et l’universitaire américain Bernard Harcourt.
D’autre part, le FIFDH poursuit une des missions qu’il s’est fixée – ouvrir le champ à un public diversifié. À côté de ses programmes en milieux carcéraux et hospitaliers et de sa tournée internationale Human Rights 75 Film Tour, à l’occasion du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, avec une sélection de films projetés dans des unités de l’ONU à travers le monde, le festival s’engage cette année tout particulièrement envers la jeunesse, avec un contenu adapté à leurs âges (dès 6 ans). En plus du programme scolaire, des séances sont proposées aux familles en partenariat avec La Lanterne Magique et les Cinémas du Grütli, leur donnant des outils pour mieux saisir et comprendre les enjeux liés aux droits humains, à hauteur d’enfants.
Malik Berkati
Critique de Les 54 premières années – Manuel abrégé d’occupation militaire et interview d’Avi Mograbi par Malik Berkati.
Critique de Les 54 premières années – Manuel abrégé d’occupation militaire par Firouz E. Pillet.
Critique de The Cage Is Looking for a Bird et interview de Malika Musaeva par Malik Berkati.
Critique de The Survival of Kindness de Rolf de Heer par Malik Berkati.
Critique de Leur Algérie et interview de Lina Soualem par Malik Berkati.
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