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Frantz de François Ozon : après la bataille, la langueur

Nous ne devrions pas le dire trop fort, de peur de scier la branche professionnelle sur laquelle nous tenons tant bien que mal en équilibre, mais il va de soi qu’il y a autant d’avis sur un film qu’il n’y a de paires d’yeux pour le regarder. C’est pourquoi de temps en temps nous présentons une critique croisée – en avis divergents et langues différentes. Ici vous pouvez lire la critique positive de Teresa Vena en allemand: Besuch aus der Vergangenheit: Frantz von François Ozon.

Frantz de François Ozon : après la bataille, la langueur
Par Malik Berkati

L’air du temps cinématographique qui souffle sur la Mostra de Venise 2016 semble vouloir nous projeter dans le drame de la Première guerre mondiale et les séquelles produites sur ceux qui y ont survécu. Après Une vie entre deux océans (The Light Between Oceans) de Derek Cianfrance oscillant entre indigence et ridicule malgré une excellente distribution (Michael Fassbender, Alicia Vikander, Rachel Weisz, Anthony Hayes) qui s’est collectivement fourvoyée dans ce pathétique mélodrame, voilà présenté en compétition officielle Frantz de François Ozon.  Moins pire, oserions-nous dire…  Reconnaissons à Frantz plus d’originalité, de personnalité et de recherche scénaristique.

Mise en abîme d’adaptations  

À cet égard, le réalisateur indique s’inspirer librement d’un film de 1932 d’Ernst Lubitsch, L’Homme que j’ai tué (Broken Lullaby) qui lui-même était basé sur une pièce de théâtre éponyme de Maurice Rostand, elle-même adaptée de son roman écrit après la Première guerre mondiale. Manifeste pacifiste, cette histoire est revisitée par François Ozon qui en inverse la perspective – celle des vaincus vis-à-vis des vainqueurs. L’idée est louable, c’est peut-être la seule chose qui puisse être louée à côté du choix des acteurs qui composent parfaitement dans cette nature morte animée.

Pierre Niney, Paula Beer - Frantz © X-Verleih
Pierre Niney, Paula Beer – Frantz
© X-Verleih

Au lendemain de la guerre 14-18, dans une petite ville allemande, Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort sur le front en France. Un jour elle y découvre des fleurs fraîches. Déconcertée, elle le sera encore plus lorsque le lendemain elle voit un jeune Français, Adrien, recueilli et sanglotant sur la tombe de son ami allemand. Le jeune homme installé dans l’hôtel de la ville va rapidement provoquer des réactions dans cette communauté meurtrie par la défaite allemande et bouleverser la vie de la famille de Frantz.

L’esthétique esthétisante habituelle d’Ozon tue ici toute velléité d’entrer en empathie avec ses personnages : tout est parfait (ement beau) mais totalement plat. Pas un grain ne vient décomposer le noir et blanc de l’image, pas une aspérité ne donne du relief à la désolation des paysages – qu’ils soient physiques ou intérieurs. Autre caractéristique du réalisateur : jouer sur le fil narratif avec le spectateur et apporter sa touche de confusions des sentiments. Malheureusement la mécanique est à présent trop bien huilée : le jeu de mensonges et vérités ne tient pas bien longtemps – toutes les minutes supplémentaires deviennent ainsi pénibles ; la confusion des sentiments s’épuise elle-même à vouloir dire, mais pas vraiment… alors que tout le monde sait.

Adrien (Pierre Niney) und Frantz (Anton von Lucke) © X-Verleih
Pierre Niney, Anton von Lucke – Frantz
© X-Verleih

Romance adynamique

Assez rapidement, on se prend à penser à Jules et Jim de François Truffaut. Mais à un Jules et Jim fantomatique, non seulement du fait que l’objet du désir entre les deux personnages – Anna (Paula Beer) et Adrien (Pierre Niney) – est décédé mais également par le manque d’énergie vitale qui cloue l’ennui, la monotonie et le maniérisme sur l’écran. Frantz, comme figure allégorique, ne fait penser ni à la vie, ni à la mort, ni à la passion mais à la neurasthénie. Certes l’atmosphère représente bien l’état de dépression générale de l’après-Grande guerre de laquelle s’extirpera l’oiseau de mauvais augure mondial qui se réalisera 20 ans plus tard… mais 113 minutes pour si peu, est-ce bien raisonnable ?

De François Ozon ; avec Paula Beer, Pierre Niney, Ernst Stötzner, Marie Gruber, Johann von Bülow, Anton von Lucke, Cyrielle Clair, Alice de Lencquesaing; Allemagne, France; 2016; 113 min.

Sortie Suisse romande : 7 septembre 2016 – Allemagne : 29 septembre 2016 – Suisse alémanique : 6 octobre 2016.

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