Cannes 2017: Les Fantômes d’Ismaël – le dernier film d’Arnaud Desplechin fait l’ouverture du festival
Du beau monde est attendu ce soir pour la célèbre montée des marches. De nombreux festivaliers se pressent devant l’entrée du Palais des festivals pour voir monter l’équipe du film d’Arnaud Desplechin, un film qui suit la vie tumultueuse d’Ismaël Vuillard (Mathieu Amalric) sur le point de tourner un film sur le portrait d’Ivan, un diplomate atypique inspiré de son frère. Alors que sa raison semble vaciller et que son inspiration se fait désirer, il quitte le tournage pour retrouver sa maison familiale à Roubaix, accompagné de sa nouvelle compagne, Sylvia (Charlotte Gainsbourg) et toujours assailli par ses fantômes. La disparue (Marion Cotillard) débarque dans cette villa au bord de l’océan et vient troubler la quiétude du havre où le couple a cherché refuge et où ce réalisateur essaie de travailler sur un scénario. Des cauchemars l’assaillent et il tente d’y remercier avec des cachets et du whisky.
Pour Arnaud Desplechin, Les Fantômes d’Ismaël est un film comprenant cinq films. Il souligne : “C’est le portrait d’Ivan, un diplomate qui traverse le monde sans n’y rien comprendre. C’est le portrait d’Ismaël, un réalisateur de film qui traverse sa vie sans n’y rien comprendre non plus. C’est le retour d’une femme, d’entre les morts. C’est aussi un film d’espionnage… Cinq films compressés en un seul, comme les nus féminins de Pollock. Ismaël est frénétique. Et le scénario est devenu frénétique avec lui ! Pourtant, Ismaël dans son grenier essaie de faire tenir ensemble les fils de la fiction…”
C’est, en effet, un étrange sentiment que laisse ce film tel un mille–feuilles qui dévoile a chaque séquence une nouvelle facette d’un des personnages, révélant des strates méconnues ou insoupçonnés de sa vie. Par rapport aux réalisations précédentes du cinéaste, Les Fantômes d’Ismaël déconcerte et surprend mais ce savoure telle la pâtisserie, par strates successives.
Parmi les nombreux critiques présents au festival, d’aucuns affirmaient, à l’issue de la projection de presse, qu’Arnaud Desplechin, pour se défendre des attaques au sujet de ses accointance avec Netflix, avait choisi de mettre un cocktail de ses influences, se référant à Jackson Pollock, citant Flannery O’Connor, et des genres qu’il affectionne – film policier, romance, le film d’espions, Quai d’Orsay, avec d’abondantes références à Dedalus.
A propos de la polymorphie de son film, le cinéaste précise : “Je décrivais ainsi mon projet à un ami ainsi: « il me semble avoir inventé une pile d’assiettes de fiction, que je fracasse contre l’écran. Quand les assiettes sont toute cassées, eh bien, le film s’achève ». A force de casser des assiettes, le film d’Arnaud Desplechin s’avère bavard, littéraire, s’inscrivant dans une sorte de nouvelle Nouvelle Vague, éveillant en nous, de manière imperceptible, des émotions qui, telle une source qui ourdit, finit par jaillir. Nous ballotant de cabines téléphoniques sur des aires d’autoroute, de souks d’Asie centrale, de cafés déserts, de réunions au Quai d’Orsay aux plateaux de tournage, Les fantômes d’Ismaël semble un ovni dans la filmographe de Desplechin.
d’Arnaud Desplechin; avec Mathieu Amalric, Marion Cotillard, Charlotte Gainsbourg; France; 2017; 144 minutes.
Firouz Pillet, Cannes
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