Mostra 2020: Quo vadis, Aida? de la cinéaste bosnienne Jasmila Žbanić témoigne du massacre de Srebrenica
Les événements vécus par Hasan Nuhanović, habitant de Srebrenica au début des années 1990 sont le point du départ du film. Auteur du livre Sous le drapeau de l’ONU – la communauté internationale et le crime de Srebrenica, Nuhanović n’a pas apprécié le scénario écrit par la cinéaste et leur collaboration s’est terminée très vite. Au lieu de parler du traducteur qu’il a été, Jasmila Žbanić a introduit le personnage d’Aida, une prof d’anglais, devenue interprète dans la zone protégé de Srebrenica, où elle se croyait en sécurité comme d’autres habitants de la région. Mais ils sont affamés durant de longs mois car les soldats serbes ont isolé les villages environnants, obligeant les civils bosniaques à se regrouper en ville. Plus tard, à partir du 11 juillet 1995, 8372 d’entre eux sont sauvagement assassinés par les forces armés du général Ratko Mladić. Les casques bleus, présents sur place ont reçu l’ordre de ne pas se mêler dans « ce conflit local» !
Le massacre de Srebrenica a été proclamé génocide par le Tribunal International pour l’ex-Yougoslavie à la Haye. Mladić purge actuellement une peine à vie, aux Pays-Bas. Sa fille Ana, étudiante de médecine de 23 ans à l’époque, s’est suicidé après avoir entendu ce que son père a fait. Plus de 18 000 Serbes ont préparé toute une décennie, cette plus grande tuerie européenne de la fin du 20ème siècle!
La réalisatrice et son mari Damir Ibrahimović, producteur, réfutent toute ressemblance avec l’ histoire de Nuhanović :
Aida, le personnage principal du film, n’a jamais existé. Nous avons raconté un événement historique parlant d’une héroïne imaginaire, créé pour symboliser toutes les victimes d’horribles crimes de guerre. Mais nous nous avons réussi à préserver l’intimité de chacun de nos interlocuteurs. Ce film n’est pas une reconstruction d’existences tragiques de personnes réelles, ce n’est pas un documentaire non plus. Nous n’avons pas volé ni décrit la vie de quelqu’un!
Une tragédie collective
Durant la préparation, nous nous sommes bien documentés en élaborant nombreux témoignages, livres et archives juridiques. Nous avons interrogé des survivants …Le chemin parcouru entre les premières idées jusqu’au résultat final a été très compliqué. Cette fiction est très différente de celle, envisagée au début. C’est dû au processus créatif! Quo Vadis, Aida montre l’essai d’une extermination préméditée de la population autochtone, des Bosniaques en l’occurrence. Nous l’avons consacré aux survivants, marqués à vie par le génocide des innocents. C’est un film sur la tragédie collective et nous espérons être de ceux qui réussiront de l’arracher à l’oubli. Esma, l’héroïne de mon film Sarajevo mon amour a aussi été créé dramaturgiquement: de nombreuses femmes violées se sont identifiés avec elle, en pensant que j’ai adapté leur histoire. Aida représente toutes les femmes obligées de se séparer de leurs proches : fils, pères, maris…
A part Jasna Đuričić qui interprète l’héroïne principale, dans l’équipe artistique il y a : Izudin Bajrović, Boris Isaković, Johan Heldenbergh, Raymond Thiry, Boris Ler, Dino Bajrović, Emir Hadžihafizbegović, Edita Malovčić et de nombreux autres.
Quo Vadis, Aida a eu sa première mondiale à la 77ème Mostra de Venise faisant l’ouverture de la compétition officielle après laquelle la cinéaste a déclaré
Ce film parle d’une femme prise dans un jeu de guerre masculin. Il parle de courage, d’amour et de résilience, mais aussi de ce qui se passe si nous ne réagissons pas à temps aux signes avant-coureurs. J’ai survécu à la guerre en Bosnie. Un jour vous avez tout, et l’autre jour la plupart des choses que vous savez n’existent plus. Ce n’est pas parce que nous considérons que certaines choses sont inimaginables qu’elles ne peuvent pas se produire.
Jasmila Žbanić a emportée en 2006 à la Berlinale l’Ours d’or du meilleur film pour Grbavica.
Djenana Djana Mujadzic
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