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Mostra 2022 : Spre Nord (To the North), de Mihai Mincan, présenté dans la section Orizzonti, retrace un drame fort et puissant, inspiré d’une histoire vraie

Basé sur une histoire vraie qui s’est déroulée en 1996, en pleine mer, Spre Nord (To the North), de Mihai Mincan suit l’équipage d’un cargo commercial où chaque membre exécute ses tâches dans une mécanique bien huilée. Au cours de son quart de travail sur le pont d’un navire transatlantique, Joel, un marin philippin très religieux, découvre Dumitru, un passager clandestin roumain caché entre des conteneurs. S’il est repéré par les officiers taiwanais qui dirigent le navire, Dumitru risque d’être jeté par-dessus bord. Joël (Soliman Cruz) décide de le cacher, en signe de gratitude envers Dieu. Bientôt, un dangereux jeu du chat et de la souris commence entre la capitainerie, les divers ponts, les cales et les conteneurs. Lorsque son équipage, ses propres amis, voire Dieu lui-même commencent à lui tourner le dos, Joël apprend qu’il doit affronter seul son destin cruel.

Spre Nord (To the North) de Mihai Mincan
Image courtoisie La Biennale di Venezia

Mihai Mincan explique les origines de son film :

« Spre Nord est parti d’un documentaire radio. Une histoire qui s’était passée au printemps 1996, dans l’océan Atlantique. Au centre se trouvait un homme ordinaire : Joel, un marin philippin. Un jour, alors qu’il était de service sur le pont, naviguant vers les États-Unis, Joel a découvert un passager clandestin roumain. En une seconde, il a dû prendre une décision qui allait changer sa vie. Dénoncer le jeune homme, l’envoyant ainsi pratiquement à une mort cruelle ? Ou suivre sa foi et son cœur et aider le passager clandestin, se mettant ainsi en danger ainsi que son équipage ? À ce moment-là, j’ai su que c’était le film que j’avais toujours voulu faire. Une histoire de choix moraux, de gentillesse et de compromis, de courage et de peur. Un film qui pourrait parler aux gens de leur propre vie. »

Même si Spre Nord se déroule dans un huit-clos que constitue ce paquebot en haute mer, le film constitue une véritable Tour de Babel où l’on communique en tagalog, anglais, mandarin, espagnol, roumain et bulgare. Il s’agit d’ailleurs d’une coproduction entre la Roumanie, la France, la Grèce, la Bulgarie et la République tchèque. Si les premières scènes, qui se consacrent au réfugié roumain caché entre les conteneurs, nous font songer au film de Nicolas Vadimoff, Clandestins, sorti en 1997, rapidement, le fait que la caméra de Mihai Mincan entraîne les spectateurs sur les ponts, dans les cabines des divers membres de l’équipage, dans les salles communes ou dans la capitainerie, il ouvre des horizons sur l’immensité de l’étendue sur laquelle vogue le navire.

Spre Nord relate avec exactitude les rouages d’une histoire sur la solitude et la peur de l’altérité. Pour arriver à un tel résultat, Mihai Mincan a entièrement tourné sur un immense vaisseau. Ainsi, au fil des séquences, intérieures comme extérieures, le bateau devient le terrain de jeu des protagonistes et quasiment un protagoniste à part entière.

Le cinéaste réussit à immerger le public dans l’énorme tumulte de la salle des machines, les emmenant dans les sons métalliques du pont, puis les amenant à suivre le bruit que font les propres pas quand Joël marche dans les couloirs recouverts de plastique du navire . Tous ces bruits forment un univers qu’une bande-son vient soutenir avec des fragments musicaux, parfaitement définis d’un point de vue rythmique.

Alors que l’intrigue avance et que les personnages doivent prendre des décisions, le réalisateur s’abstient d’exprimer son point de vue, ne portant aucun jugement moral sur « le bien contre le mal », laissant les spectateurs libres de leurs interprétations sur cette zone grise qui malmène les convictions de chaque membre de l’équipage.

Mihai Mincan mentionne à ce propos :

« Je m’identifie à des parties de chacun de ces points de vue. Et je pense que c’est naturel, puisque nos définitions du « bien » et du « mal » ne sont pas personnelles, mais créées, pendant des années et des années, dans un environnement social et culturel très spécifique. »

Cet environnement est multiculturel et Mihai Mincan dépeint les strates socio-économiques en faisant parler ses personnages, qui sont tous des pères, au sujet de leur famille, de leurs enfants, de l’école, de la religion, mais nous fait ressentir la différence de moyens entre la pauvreté des Philippins ou la richesse des Taïwanais. Parfois, ces différentes visions se rencontrent dans une convivialité de façade, car rapidement, ceux qui tiennent le gouvernail mènent la barque et dictent les conduites aux autres. Et parfois, ils s’entre-dévorent dans un bain de sang…

Firouz E. Pillet, Venise

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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