Cinéma / KinoCulture / KulturMostra 2023

Mostra 2023 : To kalokairi tis Karmen (The Summer with Carmen), de Zacharias Mavroeidis, présenté en compétition à la vingtième édition des Giornate degli Autori, traite des thèmes de l’amitié, de l’amour au monde du cinéma à travers une comédie queer savoureuse

Démosthène (Yorgos Tsiantoulas) et Nikitas (Andreas Lampropoulos) passent une journée agréable, paresseuse et conviviale au bord de la mer, à parler de choses et d’autres en toute complicité. Sur les rochers et dans les eaux cristallines qui les entourent, se trouvent différents types de personnes qui nagent, se dorent en soleil dans des positions lascives, se croisent. Sur cette plage, il y a de nombreux nudistes – Démosthène fait de toute évidence partie de cette catégorie – dont le propriétaire d’un chien un peu hystérique, des aspirantes showgirls, des jeunes en quête d’aventure et un bel éphèbe sculpté comme une statue grecque qui les regarde en coin en passant devant eux : « un rebetiko queer », diagnostique le duo d’amis. Au milieu d’une galerie de personnes bigarrées digne des caricatures de Daumier, les deux amis cherchent une idée.

— Yorgos Tsiantoulas et Andreas Lampropoulos – To kalokairi tis Karmen (The Summer with Carmen)
© Thodoros Mihopoulos

La caméra de Zacharias Mavroeidis semble inviter le public à profiter tout autant que les deux amis de cette journée sur la plage queer d’Athènes où l’air maritime permet de supporter la torpeur. Démosthène, la trentaine, bâti et musclé comme un Apollon et qui adopte souvent des poses dignes d’une stature de Théagène pour s’assoir en prenant celle du Penseur de Rodin, converse avec son ami Nikitas, vingt-cinq ans, fluet et gracile, aux cheveux courts teints en rose fuchsia et en turquoise. Ne décrochant aucun rôle comme acteur, Nikitas l’attribue au fait d’être gay mais est soutenu par ses amis qui l’encouragent à se tourner vers la réalisation. Nikitas se mue alors en un réalisateur en herbe à la recherche d’une idée pour son premier long métrage. Démosthène propose de l’aider à rédiger une idée pour son premier long métrage, inspirée des événements entourant une petite chienne chihuahua nommée Carmen. Les deux amis se mettent à échanger sur thèmes variés et universels comme le monde du cinéma, de l’amitié, de l’amour, mais aussi sur le sexe, sur la durabilité d’une relation sans sexe, sur les compromis à faire pour que le couple traverse les vagues de l’usure.

Suivant le programme estival des deux compères, mis en valeur par la photographie lumineuse de Theodoros Mihopoulos, alternant les scènes à la plage devant une Mer Égée bleu clair, les scènes dans la parade de la Gay Pride à Athènes avec des scènes dans l’appartement de Démosthène, le cinéaste grec filme les corps au plus près, avec de grands plans très esthétiques, voire esthétisants. Zacharias Mavroeidis sublime les corps qu’il filme soit en pied devant les vagues de la mer, soit devant les reflets du soleil sur les flots dont un subtil fond impressionniste, soit en attardant sa caméra sur certaines parties qu’il magnifie en les rendant très sculpturales et picturales. Le résultat est particulièrement agréable à regarder, y compris les scènes de sexe, très explicites, mais qui n’ont rien de choquant.

Pour expliquer le présent de Démosthène, Zacharias Mavroeidis emmène le public dans son passé récent : il y a deux étés, Démosthène était coincé à Athènes pour traiter les problèmes de santé de son père et devait apporter son soutien à sa mère. Cela sert de prétexte pour contacter son ex, Panos (Nikolaos Mihas). Pendant ce temps, Panos a eu la garde de Carmen, l’adorable chienne de sa sœur, ce qu’il a vite regretté. De même, Démosthène semble avoir regretté sa rupture avec Panos. Ou peut-être pas ? Luttant pour transformer des événements réels en voyage, les deux amis convoquent les héros de la mythologue grecque.

Zacharias Mavroeidis, réalisateur, écrivain et scénariste basé à Athènes, a étudié l’architecture à l’Université Aristote de Thessalonique, le théâtre au Royal Higher College of Performing Arts (RESAD) à Madrid, l’écriture de scénario à l’École internationale de cinéma et de télévision (EICTV) à Cuba et la réalisation de films au New York College d’Athènes. Il est un ancien élève de la Berlinale et du Sarajevo Talent Campus. Depuis 2015, Zacharias Mavroeidis enseigne l’écriture de scénario à Athènes.

Avec To kalokairi tis Karmen, Zacharias Mavroeidis signe un film haut en couleurs et empli de vie, tout autant sensuel qu’irrésistible, aussi délectable qu’une friandise qui se savoure délicatement comme les bonbons au dioxyde de carbone avant qu’ils n’explosent en bouche en pétillant. Zacharias Mavroeidis a écrit le scénario avec son ami Xenofondas Chalatsis qui a remporté le premier prix de l’Agora Works in Progress au Festival du film de Thessalonique.

Zacharias Mavroeidis réalise un premier long métrage, Xenagos (The Guide, 2011) puis le documentaire Across Her Body (2018) et primé au festival de Thessalonique, Apostrato (Defunct, 2019), l’un des films grecs les plus intéressants de dernières années. Avec To kalokairi tis Karmen, Zacharias Mavroeidis concourt à la Giornate degli Autori mais aussi pour la dix-septième édition du Queer Lion Award, prix pour lequel concourent aussi Yurt, Dogman et Sem coração, en autres.

Firouz E. Pillet, Venise

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Firouz Pillet

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